L’augmentation du prix, à la pompe du gasoil, est l’affaire qui domine l’actualité. Ce carburant est celui qui est utilisé pour le transport des marchandises, pour les unités industrielles. Son augmentation de plus de vingt pour cent aura une incidence certaine sur la qualité de vie de tous les Nigériens. Et cela de manière dramatique. Le plus grave est la manière cavalière utilisée par le ministre du Commerce pour l’annoncer à ses concitoyens. On a l’impression que le peuple qui, dans un régime démocratique est le détenteur de la légitimité, ne compte que pour du beurre. Et les arguments utilisés pour justifier cette augmentation sont la preuve du peu de considération de ceux qui, par leur vote, donne le pouvoir. La guerre en Ukraine, un fourre tout, ne peut en aucun cas justifier cette décision. D’autant que le Niger, producteur, ne peut nullement être affecté par le renchérissement du prix du brut sur le marché international. La faiblesse des prix de hydrocarbures pratiqués au Niger est aussi un argument mis en avant. Cela entraîne le ravitaillement des exportateurs des pays voisins. Ces derniers se ravitaillent à la Soraz. Et pourtant les prix pratiqués par cette société n’ont pas augmenté dans la même proportion que les prix à la pompe. Un argument qui ne tient pas la route. Si la ruée des exportateurs des pays voisins est en partie la cause de la dernière pénurie, il faut simplement dire c’est inquiétant. Un pays producteur qui vend, sans limite, sa production aux voisins en oubliant la consommation intérieure au point d’arriver à une rupture. A moins que le pétrole n’appartienne pas au Niger. Assurer les équilibres financiers de deux sociétés intervenants dans la vente du pétrole est aussi un argument de justification. Là aussi, il y a problème. Si la SONIDEP a vu ses recettes augmentées après cette décision du gouvernement, pour la SORAZ, on n’en voit pas le gain. La ruée des camionneurs des pays voisins qui s’approvisionnent à la pompe aurait pu être la solution pour équilibrer les comptes de la SONIDEP. Il aurait simplement suffit réduire la vente aux exportateurs des pays voisins et augmenter les livraisons aux stations services. Un autre argument qui donne toute la mesure du peu de considération du pouvoir pour les Nigériens est le refus du Niger de violer les textes communautaires. Avec le renchérissement des prix de produits de première nécessité, aux motifs du Covid et de la guerre en Ukraine, plusieurs de nos voisins, pour sécuriser leurs populations, ont adopté de mesures protectionnistes. Les céréales, tubercules n’entrent pas au Niger. Et pourtant nous avons défendu, comme des forcenés, l’adoption de sanctions contre un voisin. Entre nous ! sommes nous des nez percés ?

Pourtant l’augmentation des prix du carburant aurait pu passer comme lettre à la poste. Il aurait suffi de préparer l’opinion avec des arguments, procéder à des consultations, des rencontres. Au lieu du fait accompli et des invitations aux syndicats et organisations de la Société Civile. Il aurait aussi suffi de chercher l’argent où il se trouve. De toute évidence, dans cette affaire, c’est la gestion du président Issoufou qui rattrape celle de Bazoum qui, on a l’impression, n’a hérité que des passifs de son prédécesseur. Plus précisément le service de la dette. Dans l’incapacité de faire rendre gorge ceux qui sont à l’origine de cette situation économique peu enviable, on cherche les solutions les plus faciles. L’anonyme Nigérien doit payer pour les crimes de sos princes. Qui sont ceux qui ont amené la SORAZ et la SONIDEP dans ces situations financières difficiles ? On les trouve et ils payent. Ce n’est pas aussi compliqué que ça. Enfin, cette augmentation pourrait même être bénéfique pour notre économie. Un bon programme d’augmentation de notre production céréalière et industrielle peut largement expliquer la nécessité d’augmenter de façon raisonnable les prix des hydrocarbures. Le talon d’Achille de notre économie réside dans le fait qu’elle soit essentiellement tournée vers l’extérieur. Nous importons beaucoup. Ce qui grève notre balance commerciale. Si nous produisons assez, un renchérissement du prix du gasoil pourrait rendre nos produits compétitifs. C’est aussi du Protectionnisme. L’exemple du Nigeria est édifiant. L’ancien Emir de Kano avait interpellé les autorités politiques et hommes d’affaires pour leur dire qu’il est inadmissible que le Nigeria enrichisse les paysans Thaïlandais et indiens alors que ceux du pays peinent à avoir des financements pour produire. Le riz importé s’appelle dans le pays « dangothé » du nom de celui qui fut le plus gros importateur de cette céréale. Depuis, il appuie les paysans Nigérians. Sa dernière gigantesque usine d’engrais est la preuve. C’est ça avoir un programme politique, un projet de société.

Modibo