Il semble que vous êtes toujours à Tesker et que vos vacances semblent s’éterniser. Vos vacances ne sont-elles pas de deux semaines ? Vous êtes arrivé à Zinder depuis le 13 août et c’est presque la fin du mois, aujourd’hui. Cela fait, donc, 17 jours que vous avez officiellement cessé vos fonctions. Pendant, ce temps, l’autre, aussi, a pris ses vacances “présidentielles” et est arrivé à Tahoua le 27 août. Je pensais qu’à cette date, vous seriez rentré à Niamey. En fin de compte, personne n’est là puisque, je l’ai appris, votre Premier ministre, Ouhoumoudou Mahamadou, n’est pas à Niamey, non plus. Le bateau est désormais sans commandant et il vogue au gré du hasard des vents. Nul ne sait où il finira par arrimer. Que se passe-t-il, donc, pour que vous restiez si longtemps à Tesker ? Vous savez, le pays entier bruit de folles spéculations. Depuis Dandadji où il se trouve, j’ai appris le retour, dans la vie du parti, de l’ancien président. Une annonce faite par un de ses lieutenants qui a averti sur ce qui attend tous ceux qui s’aventureraient de se mettre en travers de son chemin. Cela, je le lui concède, n’est pas de bon augure, ni pour vous, ni pour le pays. D’abord, et je suis au regret de vous faire observer que l’annonce de ce retour d’Issoufou dans la vie du parti n’est pas pour les partis politiques d’opposition. Ça l’est encore moins pour les partis alliés au Pnds Tarayya dans la gestion du pouvoir. Cet avertissement est pour vous et tous ceux qui, au sein du Pnds, ont cru pouvoir s’offrir des permissions au point de convoiter le fruit défendu. Cet avertissement vous est destiné et vous connaissant si perspicace, je sais que vous l’avez compris et saisi la portée du message.
La reprise en main des affaires du parti par Issoufou Mahamadou sera un coup dur pour vous. Il s’arrangera à placer quelqu’un à la tête du parti qui prendra des orientations qui ne vous conviennent pas. Soit, vous acceptez de marcher comme une marionnette, soit le parti vous écrase. Je plains sincèrement votre statut et votre position actuelle, car être président de la République et manquer du minimum pour gouverner comme on le conçoit est une prison. Vous avez théoriquement un pouvoir dont vous ne jouissez pas. Issoufou Mahamadou, en fin de compte, ne vous laisse rien. Pas même la possibilité de faire semblant. Il vous a propulsé là où vous êtes en vous maintenant mains et pieds liés, sans possibilité de marcher à votre rythme, encore moins de suivre la voie que vous trouvez convenable.
J’ai récemment participé à un groupe de discussion sur les rapports que vous entretenez avec votre prédécesseur. Certains estiment que vous vous plaisez bien dans votre rôle et que, sauf mauvaise foi, personne ne peut soutenir qu’il ne s’agissait pas d’autre chose que de fairevaloir. Ce qu’ils appellent chez nous kama-mini. Pour moi, bien e=évidemment, ce sont des détracteurs qui ne vous reconnaissent pas le moindre crédit et qui pensent que vous n’existerez pas en dehors d’Issoufou. D’autres, en revanche, soutiennent que vous avez bien une marge de manoeuvre face à Issoufou, mais que vous auriez peur d’agir dans la limite des pouvoirs qui vous sont dévolus. Peur de quoi ? Je ne saurais le dire. Cependant, j’ai consulté un de vos partisans qui prétend que vous avez de très belles intentions pour le Niger et que ce que vous avez déclaré vouloir faire n’est pas la résultante d’une volonté de tromper. Pour lui, il faut vous laisser le temps de trouver les moyens de surmonter les obstacles ou de les contourner avant de vous condamner.
Monsieur le “Président”
Vous êtes sans doute curieux de connaître l’opinion de votre conseiller informel. Eh bien, je pense que vous n’avez pas d’argument de taille pour expliquer et justifier votre inertie face à l’intrusion bruyante de votre prédécesseur dans la conduite des affaires publiques. Il est bien vrai qu’il a rendu un service immense. Mais, n’avez-vous pas autant, sinon plus avant qu’il n’accède au pouvoir ? Qui, sinon vous, paraît-il, l’a introduit dans certains salons feutrés et antichambres d’hommes puissants de l’époque ? Salif Diallo, entre autres, n’était-il pas votre ami de fac avant que Issoufou ne fasse sa connaissance et profite de ses relations et de sa position dans le régime de Blaise Compaoré ? La gratitude est une valeur. Mais elle ne peut justifier la cruelle atrophie dans laquelle vous vous êtes englué. Si, comme certains le prétendent, vous vous sentez bien dans ce rôle de président-figurant, je trouve qu’il est bon que vous sondiez sérieusement l’histoire de vos rapports en dehors de toute flagornerie politicienne. Faites une analyse lucide sur les conditions, exécrables, je dois le dire, dans lesquelles vous êtes. Pour moi, vous ne gouvernez pas, vous gardez la maison en vous obligeant à ne toucher à quoi que ce soit.
Monsieur le “Président”
Ne vous offusquez pas de mes jugements qui ne sont, en grande partie, que ceux que vos compatriotes pensent de vous. Je ne fais que tendre l’oreille pour rapporter quelques bribes, dans le secret espoir que cela vous servirait à vous ressaisir. Vous savez, le courage, ce n’est pas ne pas avoir peur, mais plutôt d’être capable de dominer la peur et d’agir à sa convenance. Cahin-caha, on vous tire sur ce chemin escarpé où, sauf miracle, vous allez dans le mur.
Je dois vous dire une chose. Si votre prédécesseur s’accroche tant aux leviers du pouvoir et ne veut pas vous lâcher les basques afin que vous travailliez à votre guise, c’est parce qu’il sait qu’il a échoué. Cet échec le poursuit et malgré la belle histoire qu’on essaie de lui construire, de l’extérieur du Niger, il n’est pas en phase avec sa conscience. Vous êtes destiné à échouer, lamentablement et plus encore que votre prédécesseur. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est à tous points de vue le message sibyllin que laissent entendre les actes de votre prédécesseur. À moins, toutefois, que vous fassiez mentir les pronostics qui vous considèrent comme un clone d’Issoufou, fait par Issoufou et qui ne peut rien faire en dehors d’Issoufou
Mallami Boukar