Je vous avais prévenu mais vous n’avez pas écouté. Je vous avais prévenu que vous risquez, si vous suivez la voie de votre prédécesseur, de ne plus être audible, voire d’être détesté. Eh bien, vous avez passé la première case, je veux dire que vous n’êtes plus audible. Vous avez commis tant d’impairs et baigné dans une si grande mare de contradictions que plus personne ne peut vous entendre. Ne vous fatiguez plus à parler parce que ce n’est plus nécessaire. Vos compatriotes attendent de vous des actes, et pas de ces actes calculés qui ne vous apportent rien d’autre qu’une réputation de comédien tragique. Vous êtes en train de tomber dans le piège infernal qui s’est enfermé sur l’autre. On ne peut pas gagner en restant empêtré dans des incohérences extraordinaires tel que vous l’êtes actuellement. C’est dommage pour vous car vos compatriotes ont bien voulu vous accorder le bénéfice du doute. Certains vous ont même accordé le bon dieu sans confession. Je ne voudrais pas dire vertement que vous avez déçu, mais il faut bien admettre que vos actes ne sont pas à la hauteur des maux auxquels vous avez juré d’apporter des solutions. La déception de vos compatriotes est d’autant plus grande que vous avez affiché de si belles intentions, au diapason des attentes et des aspirations.
Monsieur le “Président”
Après la décennie de misères, de larmes et de sang que votre prédécesseur leur a fait subir, il est tout à fait naturel que vos compatriotes rêvent de changements après votre discours d’investiture. Cela peut faire rire de voir un Nigérien croire que vous pouvez mettre un terme à cette ère de misères, de larmes et de sang pour la simple raison que vous êtes sorti du même moule que votre prédécesseur. Mais, que voulez-vous, l’espoir, c’est la foi et le peuple nigérien est un peuple de foi. Vous auriez pu lui donner raison de croire en vous en prenant résolument le parti du Niger et non de clans politiques. Je vous l’avais dit et répété, votre destin est entre vos mains. Il vous suffit de placer les intérêts du Niger et de son peuple audessus de tout. Or, vous n’avez pas su le faire dans la lutte contre la corruption. Les grands bandits qui ont saigné le Niger en envoyant ses soldats au massacre tandis qu’ils faisaient main basse sur les ressources publiques (budgétaires et autres) destinées à l’équipement des Forces armées nationales (Fan) courent toujours, libres de toute poursuite depuis que, sous votre bienveillance, l’État dont vous êtes la première incarnation, a décidé de renoncer à se constituer partie civile. En votre qualité de président de la République, chef de l’État, président du Haut conseil de la magistrature, il est évident que vous êtes tenu pour premier responsable de cette mascarade judiciaire.
Je reconnais que vous êtes un homme de parole puisqu’en tout état de cause, la décision de l’État de renoncer à toute poursuite judiciaire dans l’affaire des fonds de l’armée équivaut de vider le dossier de toute quintessence. Cela correspond exactement à votre opinion sur l’affaire, telle que vous l’avez exprimée devant les étudiants à la Place AB de l’université de Niamey lors des audiences ouvertes avec les potentiels candidats à l’élection présidentielle. Souvenez-vous, vous avez pratiquement traité votre collègue et camarde de parti, Issoufou Katambé, d’être un menteur pour avoir révélé, malencontreusement il est vrai, que les auteurs, co-auteurs et complices de l’affaire du ministère de la Défense méritent le poteau. Pour restituer votre propos tel que vous l’avez tenu, vous aviez déclaré à l’époque déjà, que le sieur Katambé n’a pas dit la vérité.
Cette vérité que vous prétendez n’avoir pas été dite par le Pr Katambé, la vôtre, les Nigériens l’ont connue à travers la décision de l’État de renoncer à poursuivre. Du jamais vu ! C’est d’abord en priorité cette façon dont vous avez vidé le dossier du ministère de la Défense nationale qui vous enlève tout crédit dans le discours sur la lutte contre la corruption.
Monsieur le “Président”
En plus de cette dichotomie entre vos discours et vos actes sur la lutte contre la corruption, votre politique sécuritaire vous met dans une position délicate. Lorsqu’on vous entend parler, lorsqu’on entend parler votre ministre des Affaires étrangères, particulièrement lorsqu’il s’agit de parler des sujets de préoccupation des autorités françaises, on vous assimilerait aisément à des supplétifs du gouvernement français. Vos compatriotes vous trouvent si prompte à vous attaquer à des pays voisins et frères, je veux parler précisément du Mali et du Burkina Faso, avec une telle virulence qu’on pourrait penser que le Niger est en conflit contre ces pays. Votre ministre des Affaires étrangères est allé jusqu’à qualifier le nationalisme des autorités maliennes de “frelaté”, ce qui est diplomatiquement incorrect. En tenant compte de nos relations séculaires avec le Mali, on peut estimer que ce propos de Hassoumi Massoudou n’est pas qu’irrévérencieux, il est scandaleux et contreproductif pour le Niger.
Vous, vous faites partie des chefs d’Etat de la Cedeao qui étaient contre la levée des sanctions contre le Mali. Pourquoi ? N’est-ce pas une motivation aux relents français ? En tout cas, le Niger ne gagne rien dans la persistance de sanctions économiques contre le Mali. Au contraire, nous en subissons le contre- coup, même si vous ne pouvez pas le ressentir.
En agissant ainsi à l’encontre du Mali, puis du Burkina Faso, le monde entier a compris et c’est bien dommage pour les Nigériens qui subissent la conséquence de cette politique contreproductive pour le Niger. Moi, je me sens si gêné, si petit en entendant des gens dire, un peu partout sur le continent dans le monde, que les autorités nigériennes sont si pitoyables face aux journalistes français devant lesquels vous faites preuve d’une verve inhabituelle lorsqu’il s’agit de défendre ce qui s’apparente aux intérêts de la France. Vous trouvez tant d’explications et de justifications qui sont à la limite saugrenues pour soutenir la présence militaire française au Niger. Pourtant, cette présence militaire n’est pas qu’inutile, elle est nuisible pour le Niger. Telle est l’opinion dominante de vos compatriotes. Il vous revient d’en donner une suite ou de persister dans la voie, lugubre, de votre prédécesseur.
Mallami Boucar