Le bicéphalisme au sommet de l’État a-t-il atteint son paroxysme ? Les vacances présidentielles de l’ancien et de l’actuel président de la République donnent lieu à toutes les supputations. Il faut dire que les actes posés, d’une part, à Tahoua et à Dandadji et à Zinder et à Tesker, d’autre, sont assez insolites pou ne pas donner lieu à des conjectures diverses. Pour son arrivée à Tahoua, les partisans de l’ancien président lui ont réservé un accueil comme il lui plaît d’en avoir. Un accueil dont il avait, disait-il, déjà en août 2021, le Anogo (nostalgie) et sur lequel ses lieutenants n’ont pas lésiné. Deux vols d’avion ont transporté les personnalités du premier cercle, dont son fils et ministre du Pétrole, Sani Issoufou dit Abba. Cette initiative, pleine d’enseignements dans le contexte politique actuel, a fait des émules, quelque part, au sein du même Pnds Tarayya. La fédération Pnds de la région de Zinder a certainement vu rouge dans cet appel à la mobilisation autour de l’ancien président qui frise la provocation et le mépris pour le président en titre. Le mercredi 31 août 2022, Elle a publié un communiqué demandant aux militants du parti et des partis alliés de réserver un accueil des grands jours au chef de l’État. Quelque chose qu’elle n’a pas du tout fait à l’arrivée, le 13 août, du Président Bazoum dans la capitale du Damagaram. Selon toute vraisemblance, le communiqué de la fédération Pnds de Zinder est une réplique à celui du maire de la ville de Tahoua qui a appelé à une mobilisation conséquente pour l’accueil de l’ancien président à Tahoua, le 27 août 2022. Un jeu de démonstration de force auquel se livrent les deux factions du Pnds Tarayya qui se préparent pour le congrès de décembre prochain.

Par-delà le spectacle affligeant auquel l’ancien président oblige le président actuel, des sources politiques crédibles indiquent que rien ne va plus entre le Président Bazoum et son prédécesseur. Le premier considère que son prédécesseur dépasse les bornes admises par les principes d’imputabilité et de reddition des comptes auxquels le président est astreint tandis que le second estime, avec sa cour, que Bazoum Mohamed ferait preuve d’ingratitude en refusant d’accepter que Issoufou Mahamadou fasse ce qu’il entend faire, avec les moyens, les ressources et les attributs de l’Etat. L’ancien président se conduit carrément en chef de l’État bis si bien que l’opinion nationale nigérienne considère que le pays est codirigé par les deux hommes. Certains vont plus loin, et ce n’est pas par faute d’arguments solides, en soutenant que « Bazoum Mohamed n’existe que par Issoufou Mahamadou ». Une façon de dire que Issoufou Mahamadou dirige toujours le Niger par procuration.

L’avertissement lancé par l’ancien gouverneur de Maradi, Zakari Oumarou, est symptomatique du clivage qui mine le Pnds Tarayya. A qui s’adresse-t-il lorsqu’il dit malheur à celui qui trahit Issoufou Mahamadou ?

S’il n’a pas été plus clair, Zakari Oumarou a néanmoins orienté les Nigériens. Son propos s’adresse vraisemblablement plus à des militants et compagnons politiques qu’à d’hypothétiques adversaires. D’ailleurs, en annonçant le retour dans l’arène politique, aux côtés des membres du comité exécutif, écritil, Zakari Oumarou, qui serait amer contre le Président Bazoum, n’a pas fait autre chose que de confirmer le tournant décisif qu’a pris le combat feutré entre le Président Bazoum et son prédécesseur. « Issoufou Mahamadou est déterminé à régler le compte à Bazoum Mohamed », dit un leader politique qui a requis l’anonymat, non sans préciser que le laxisme du chef de l’Etat est sans pareil. Journaliste nigérien de renom, Seidik Abba, lauréat, cette année, de Media Leadership Award, une distinction de Rebranding Africa Forum, écrit ceci : « En 2000, Abdou Diouf avait quitté Dakar volontairement pendant 2 ans pour ne pas gêner l’installation effective du Président Wade aux commandes du Sénégal ». Et de prier afin que « Allah, écrit-il, fasse souffler cette immense sagesse jusqu’aux rives du fleuve Niger, sur la corniche de Yantala ». Peine perdue, dit un observateur avisé qui fait remarquer que dès le départ, Issoufou Mahamadou s’est inscrit dans une logique contraire. Une logique qui s’est exacerbée avec la pression du cartel des hommes d’affaires de la région de Tahoua.

Issoufou Mahamadou, qui semble avoir créé une fondation uniquement pour sa région natale, est une épine dans les pieds du Président Bazoum. Sa trop forte présence dans la gestion des affaires publiques trahit ses desseins réels. L’interrogation est incontournable : Issoufou Mahamadou a-t-il volontairement imposé Bazoum Mohamed au Pnds ou l’a-t-il fait sous la contrainte de lobbys extérieurs ?

La gratitude que lui doit Bazoum Mohamed lui donne-t-il le droit de lui mettre des bâtons dans les roues ? 15 mois d’exercice du pouvoir teinté de défiances multiples qui l’ont obligé à faire profil bas dans des situations extrêmement critiques pour un chef d’État doivent avoir permis d’édifier Bazoum Mohamed sur ce qu’il a de mieux à faire. Quant aux Nigériens, ils sont nombreux à estimer qu’il n’a plus qu’un choix : s’assumer ou démissionner.

Laboukoye