Vous avez sans doute eu connaissance de la façon peu élégante, pour ne pas parler de hold-up électoral, par laquelle le sieur… a été porté à la tête de la chefferie de Boboye et bien entendu vous avez laissé faire, dans le strict respect des moeurs du régime que vous incarnez. Pendant des jours, une partie, celle que l’on dit d’ailleurs sans rapport direct depuis plus 100 ans avec ladite chefferie, a fait transporter jusqu’à Niamey une centaine de chefs de villages, les deux tiers du collège électoral, et les a séquestrés dans une maison jusqu’au jour de l’élection, sans aucun contact avec le monde extérieur puisque leurs téléphones ont été confisqués. Ils sont restés à Niamey, sous le contrôle exclusif de leurs maîtres jusqu’au 10 septembre où ils ont été à nouveau pris dans des bus pour être convoyés directement au lieu du vote. C’est de notoriété publique puisque l’information a fait le buzz sur les réseaux et certains journaux de la place en ont parlé. Malgré tout, votre gouvernement est resté de marbre, faisant ainsi fi de ses propres instructions contenues dans un message-radio du ministre de l’Intérieur, Hamadou Adamou Souley, daté 22 avril 2022. Dans ce message-radio, votre ministre a notamment souligné que « certains candidats aux élections des chefs traditionnels rassemblent, internent et cachent des électeurs (chefs de village, de tribus et de quartiers), les rendant ainsi inaccessibles aux autres candidats » et que « tout candidat contrevenant sera poursuivi en justice autant que tout électeur contrevenant se verra traduit devant la commission de discipline en vue de sa destitution ». C’est exactement ce qui s’est passé à Boboye et vous le savez.
Cette façon de gérer les affaires publiques est une grave atteinte à la cohésion sociale. Je vous le rapporte cependant, non pas pour que vous voir adhérer au respect du choix libre et volontaire des citoyens nigériens de Boboye , mais pour honorer l’Histoire. Je déplore simplement les conséquences sociales fâcheuses que de tels actes vont avoir sur la vie de nos communautés, déjà fragiles pour mille et une raisons.
Monsieur le “Président”
Je note, avec de nombreux autres compatriotes, que Boboye, malheureusement, n’est pas un cas unique. Un peu partout au Niger, votre régime a galvaudé la loi, instrumentalisé la chefferie traditionnelle et installé à la tête, avec des moyens contestables, des hommes qui vous doivent leur “élection”. Je ne m’en étonne pas, car on ne peut demander à un corbeau de roucouler. Il ne peut que coasser. La loi du plus fort n’est pas, vous devez le savoir pour avoir fait l’opposition, la voie de la sagesse pour vous. Il faut savoir qu’il y a toujours plus fort que soi et que la force, en tout état de cause, n’est pas une donnée permanente pour s’en prévaloir. Tous ceux qui ont misé là-dessus l’ont appris à leurs dépens. C’est pourquoi j’adhère à vos velléités de décrisper le climat politique national, convaincu que vous en sortirez gagnant. Il ne s’agit du sort de personnes individuelles, mais de celui du Niger qui reste au-dessus de tout et de tous. De ce sort dépend du nôtre, je veux dire du vôtre, du mien et de tous les Nigériens. Je vous encourage à oser dans ce sens et à garder à l’esprit que l’homme n’a qu’une vie. Que vous preniez des risques ou pas, vous allez mourir. Dès lors, pourquoi choisir de mourir dans l’avanie, le déshonneur et l’indignité ? Vous êtes suffisamment cultivé pour savoir que l’islam, votre religion, ne prône pas la division, la haine et la mauvaise gouvernance. Que Omar Ibn El Khatab, dont l’autre, votre prédécesseur, a profané la mémoire et tout ce qu’il a promu au nom d’Allah, n’a jamais cautionné de ses collaborateurs, ni l’injustice ni la prédation des ressources communautaires. Telle est la voie d’Allah dont vous vous réclamez. Votre devoir est, donc, de suivre la voix de votre peuple et vous l’avez clairement entendue pour vous tromper là-dessus.
Monsieur le “Président”
J’ai appris que vous avez réussi à réunir autour de la table du Conseil national de dialogue politique (Cndp) la classe politique tout entière, c’est-à-dire dans toutes ses composantes. Je vous en félicité sincèrement et vous encourage à aller dans ce sens. On ne gouverne pas un pays en divisant, on le détruit. Si je suis une voix non visible mais qui compte, je vous conseillerais volontiers de libérer les prisonniers politiques et de remplir les prisons de ceux qui ont détourné les deniers publics. Vous êtes le chef de l’État, c’est à vous de dessiner les courbes et de redéfinir, s’il le faut, les contours à suivre. C’est à ça qu’on reconnaît les vrais leaders. Votre mission est de sortir le Niger de l’abîme dans lequel l’a précipité l’autre, pas de l’enfoncer. Vous avez certainement eu plus d’informations que nous-autres sur le séjour de l’autre à Tahoua. C’est un coup de bluff, c’est certain, en vue d’émousser vos ardeurs dans les choix que vous avez faits. Cependant, puisqu’il a annoncé les couleurs en faisant savoir son retour dans l’arène politique, il ne tient qu’à vous de le laisser faire ou de l’arrêter net dans ses intentions que vous connaissez parfaitement. Le congrès de votre parti, prévu, paraît-il, pour décembre 2022, est un rendez-vous où votre sort, mais aussi celui du Niger, va se jouer. C’est tragique peut-être pour vous, mais c’est comme ça, votre sort et celui du Niger sont intimement liés. Vous êtes par conséquent condamné à jouer à fond la carte du Niger. C’est cette carte qui vous grandirait et qui vous garantirait une place dans l’Histoire de notre peuple.
Monsieur le “Président”
J’ai l’habitude de dire à l’autre que c’est à lui de choisir la porte par laquelle il veut entrer dans l’Histoire. Je ne parle pas bien sûr de celle qui est bâtie sur des mensonges et qui, vous le savez, ne résistera pas à la vérité des faits. Je ne parle pas non plus de celle, étroite et égoïste, agitée par une fraction du peuple, trompée et manipulée. Je parle de celle qui ne souffre d’aucune contestation, car forgée par les faits unanimement reconnus. L’autre n’a pas écouté et il s’est planté. Ce ne sont pas les fortunes accumulées sur le dos du peuple nigérien qui y changeront quelque chose. L’Histoire, un jour, sera écrite et vous verrez que sa place ne sera pas enviable. Aujourd’hui, c’est à vous qu’il revient de choisir. Malgré vos erreurs du passé, vos discours violents et vos actes qui ont mis en mal la démocratie, la justice, la gouvernance d’une façon générale, vous pouvez faire amende honorable en changeant de fusil d’épaule. Vous avez ls pouvoir pour le faire. Arrêtez, donc, d’invoquer des obstacles qui ne figurent nulle part dans la Constitution dont vous tirez vos pouvoirs.
Mallami Boucar