Pendant dix ans sous Issoufou Mahamadou, le Niger a vécu une période difficile avec sa démocratie qui perdait sa vitalité, son dynamisme, l’essence et le bouillonnement de la contradiction, pour devenir dans les mains du monarque-démocrate, une pauvre chose sans âme, rachitique, vidée de tout ce qui en fait un système enviable, sans cesse renouvelée, réinventée. Les Nigériens, depuis, n’ont appris qu’à se porter des haines, à se vouer des méchancetés réciproques. Parmi les torts causés par le PNDS, sous Issoufou, à la démocratie, au-delà de la confiscation des libertés, il y avait cette rupture du dialogue politique qui a cristallisé les positions, corsé les adversités reconverties en inimitiés irréductibles, au milieu d’intolérance et d’extrémismes dangereux. Issoufou, en vérité, sachant à quel point il ne pèse pas dans l’opinion, a cherché pour cela une légitimité refusée de l’intérieur à l’extérieur où il s’est fait l’un des valets les plus soumis de l’impérialisme, travaillant plus pour une France qui le comprend et le soutient aveuglement contre son peuple réfractaire, ulcéré par la politique qui a été la sienne, faite de surdités et de cruautés politiques, de mépris à l’endroit du peuple et de ses aspiration et d’arrogance. Bazoum Mohamed, en prêtant serment le 2 avril 2021, posant la main droite angoissée sur le Noble Coran dont il pouvait sentir, par la foi qu’il porte, tout le poids de la sentence possible s’il venait à violer son engagement pris devant Dieu et devant le peuple, savait qu’on ne joue pas avec ces choses-là, les réactions de Dieu étant imprévisibles et imparables. Ses discours, surprenaient tant dans les rangs de ses soutiens que de ses adversaires qui l’écoutaient hors de la salle qui devenait tragiquement glaciale quand à la place de l’euphorie, par réalisme, l’homme à qui Issoufou mettait le pied à l’étrier, pouvait enfin comprendre la haute charge de gouverner, pour se résoudre à diriger de manière plus responsable pour annoncer les couleurs de ce que devra être sa gouvernance. C’est pourquoi, pour détendre une situation politique et sociale délétère, il initia des rencontres pour échanger avec certains acteurs majeurs de la vie nationale, guidé, non sans déplaire à certains milieux de son camp, par une realpolitik qui lui fait croire qu’on ne peut gouverner un peuple qu’on aime sans avoir de la magnanimité, une force sublime qui place audessus de copinage et de considérations partisanes, égoïstes. On gouverne pour un peuple, il faut l’écouter, il faut l’entendre… Alors qu’on lui reprochait, après plus d’un an, de ne pas rencontrer ses adversaires pour prendre langue avec eux afin d’humaniser leurs relations et d’apaiser le climat politique, toutes choses indispensables dans le contexte qui est celui du pays, les Nigériens n’étaient que très ravis – en tout cas pour une large majorité – d’apprendre la convocation du Conseil Nationale du Dialogue Politique qui ne s’était pas réuni depuis quelques cinq années. On peut quand même déplorer que d’autres sur l’échiquier aient, par radicalisme peut-être, en tout cas pour des raisons qui leur sont propres, boudé la rencontre, faisant le choix de ne pas participer au CNDP, souvent de manière incohérente par rapport au bloc politique auquel, officiellement, certains sont rattachés. C’est ainsi que l’on a tendu au lendemain de la rencontre des voix de l’Opposition institutionnelle, du moins parlementaire et des Non-affiliés qui viennent sur les médias pour expliquer leur démarche, dénonçant un certain nombre de faits qui, à leur entendement, ne peuvent rassurer quand à la sincérité du régime en place à aller dans un dialogue inclusif, franc.
La voix solitaire de Ladan Tchiana…
Le Président d’Ame-Amin n’a pas attendu longtemps pour se faire entendre, et comme toujours, il ne s’est pas défendu de tirer à boulets rouges sur le régime et surtout sur le Président Bazoum dont il ne peut apprécier la démarche, voyant quelque part une volonté de jouer à l’autruche, pour, au finish, rouler l’Opposition dans la farine. Cette voix discordante est d’autant grave qu’elle est le signe d’une déchire que l’on voyait depuis longtemps au sein de l’Opposition qui, depuis la sortie des dernières élections, ne peut accorder ses violons, tenant des discours contradictoires et se morfordant ou dans des silences, ou dans une inaction qui la dessert, jouant sans s’en rendre compte au suicide politique, quand elle ne peut, unanimement, dans la concertation, porter son combat, lassant des militants désorientés, perdus sur les chemins de la lutte. Sans juger l’homme dans ses choix assumés, l’on ne peut que craindre pour une opposition qui ne sait plus parler d’une seule voix, cultivant par une telle attitude une méfiance en son sein et une certaine perte de confiance entre ses membres. Faut-il croire qu’il a été impossible d’harmoniser les positions autour de la participation au CNDP pour que la Voix la plus bavarde de l’Opposition s’en distance et prendre le risque de marcher marcher solitairement ?
L’autre voix radicale des non-affiliés…
Les Non-affiliés, plus que l’autre opposition, ont des mots encore plus durs contre le régime et contre son CNDP qu’ils considèrent comme une arnaque, ou si l’on veut, une certaine escroquerie politique par laquelle ils ne peuvent se faire prendre pour ne pas tomber dans le piège du PNDS qui, à les entendre, ne jouerait cette parodie de dialogue politique que pour soigner son image auprès de partenaires extérieurs qui peuvent mal apprécier la démocratie nigérienne. Ces méfiances, légitimes qu’elles soient, pour d’autres analystes, ne se doivent pas car, pour ceux-là, il aurait été plus responsable, de montrer à l’autre sa bonne disposition pour aider le pays à se relever de ses problèmes et de ses mésententes, quitte à l’autre de trahir une confiance et finalement d’en récolter les pots cassés. Ceux qui sont partis, auront montré à la face du monde leur bonne volonté à aider à reconstruire ce que des extrémismes détruisaient sous Issoufou. Ceux qui n’ont pas vu les choses sous un tel angle n’ont sans doute pas tort, mais pourraient regretter d’avoir manqué un rendez-vous de l’Histoire car ils oubliaient que le peuple qui juge, regarde et apprécie chacun sur ses paroles et ses gestes.
Comment comprendre ces prises de position radicale ?
A un moment où, la tendance semble être à l’union sacrée, peuvent croire certains observateurs, il ne peut qu’être dommage de voir certains acteurs politiques se mettre en marge du large mouvement, et incarner une opposition radicale qui pourrait ne pas être la bonne option pour un pays aussi fragile, notamment dans le contexte qu’il traverse. Il n’est donc pas bon de les laisser dans l’isolement pour réussir à rassembler tous les fils et toues les filles du pays pour surmonter les moments incertains qui sont les nôtres.
Il faut donc aider ceux qui se mettaient à l’écart du mouvement à rejoindre les rangs car, en ce moment, peut-être que Bazoum l’a compris, le Niger a besoin de tous ses enfants. Le pouvoir et l’opposition, sans rancune, doivent les rassurer relativement à leurs inquiétudes, pour les convaincre à venir dans le dialogue.
L’Opposition, surtout peut les convaincre, quand elle justifie sa participation, non pas comme une abdication, mais comme une volonté politique de donner des chances au dialogue et surtout quand, elle ne partait que pour écouter un certain nombre d’informations autour de questions nationale majeures qui intéressent tous. Pour elle, le moment viendra où on mettra les cartes sur la table pour le grand jeu. Et pour l’Histoire.
Mais, peut-être que pour le moment, il ne reste que cette voie pour le pays…
A.I