Gaya, est un bastion de l’Opposition et notamment du parti de Hama Amadou, resté jusqu’ici imprenable. Certains pensent d’ailleurs que si la route Dosso Gaya est restée pendant les dix années de règne d’Issoufou dans un piteux état, c’est, en partie, sans doute parce que, arrivé au pouvoir en 2011, Issoufou, comme Bazoum aujourd’hui, nourrissait le désir d’y implanter son parti, allant dans la ville sans voir les hommes qu’il aurait aimé voir, absents ce jour, et boudant sa venue à Gaya. Mais allant dans la ville, il n’eut pas l’accueil auquel il s’attendait, la réception grandiose qu’il escomptait, les populations ayant choisi de vaquer à leurs occupations, indifférentes à la visite-conquête du président de l’époque. Bazoum, serait-il dans la même démarche de reconquête ?
Mais qui est le nouveau cheval de Troie du PNDS pour rentrer dans la ville de Gaya ? L’homme au service de la Renaissance acte III s’appelle, pour les intimes, Kader BECEAO, un jeune ressortissant de Gaya connu pour ses larges dans certains milieux où ses prodigalités vaniteuses lui ont valu le surnom de « Kader BECEAO ». Car, comme la BECEAO dont « Noro si bane » comme dirait l’autre, c’est-à-dire dont l’argent ne finit pas, notamment certains artistes musiciens nigériens qui se servent de cette expression pour flatter leurs clientsvictimes. Bazoum crée son «Style Féroce» dont il pourrait se servir pour explorer de nouveaux espaces électoraux. On le présente dans certains milieux comme le nouveau dealer d’armes qui aurait eu avec le régime des contrats d’achat d’armes, un secteur prisé sous la Renaissance. Il serait, le principal acteur de l’achat d’armements turcs pour lequel le Président Bazoum se déplaçait en personne pour aller en Turquie il y a quelques mois. La faveur pourrait lui avoir permis de se construire une fortune qui pourrait servir à conquérir de nouveaux espaces politiques. Il s’agirait donc d’un de ces hommes que le régime socialiste sait créer pour se servir d’eux ou pour enrichir le clan, ou pour s’en servir à conquérir un électorat trop difficile.
Précampagne ?
Si jusqu’ici, le motif invoqué pour se rendre dans certaines parties du pays est l’insécurité, pour se rendre à Gaya, il n’y a pas de raisons pertinentes sinon que, pour bien d’analystes, la reconquête du Dendi que le PNDS semble souffrir de ne pas gagner par son implantation dans la zone. Les moyens qui y sont jusqu’ici investis n’auront pas servi à changer le positionnement du parti de Bazoum dans cette partie du pays. On comprend donc que Bazoum, à la suite d’Issoufou, parte à l’assaut de la capitale du Dendi. Est-ce donc, pour ce motif, une entrée en précampagne alors très précoce qu’entreprend le nouveau président pour espérer détourner l’électorat au profit de son parti et de ses ambitions politiques à rempiler après son premier mandat ?
Mais une telle démarche estelle pertinente pour l’objet politique visé ?
Il va sans dire que non. Il est vrai qu’on ne peut pas gouverner sans avoir les coeurs des hommes, mais on ne peut gagner les coeurs ni par la force, ni par l’argent. On ne peut donc pas croire qu’en se servant d’un autre et de sa fortune nouvelle, l’on peut rabaisser les hommes pour croire qu’ils puissent « vendre leur âme » à un autre pour s’avilir et renoncer à leur dignité, à leur honneur d’hommes libres. De la même manière que des Ibou Karadjé, les Mai aya et Idi Master, ne pourront jamais rien changer par leurs fortunes douteuses, ni à pousser les hommes à les suivre comme des mouches attirées par quelques parfums de sucre. Dans cette nouvelle entreprise, la renaissance acte III, ne peut obliger les nigériens à adhérer à un parti qui ne sait pas respecter l’homme dans son entièreté. L’homme a besoin de dignité pour vivre dans la plénitude de ce qui fait de lui un être humain respectable. L’échec des premiers, dans une telle démarche, devrait servir de leçon pour comprendre que l’on prenne les hommes autrement que par une telle manière. Issoufou en a usé et abusé, mais il n’eut jamais les résultats escomptés, demeurant jusqu’à la fin de son règne, l’un des plus impopulaires présidents que le Niger ait jamais connus.
Ce n’est plus le moment pour un président élu d’aller faire des promesses, mais le temps de « faire », d’agir pour que les populations pour lesquelles il aurait tant d’ambitions, puissent le juger, non pas pour ses belles paroles mais pour les actes concrets. Quand on voit le président partir ici et là, pendant 72 heures, à parcourir la région de Dosso, promettant encore et toujours, ici une centrale électrique, là, vaguement, une possible exploitation d’eau qui pourrait servir l’agriculture et l’élevage, l’on aura compris que le Président tâtonne, ne sachant plus ce qu’il a, exactement, à faire, pour un peuple qui attend beaucoup de lui. Il est quand même important d’aller rencontrer les populations pour les écouter et surtout pour tenir compte de leurs aspirations, mais, la communication, telle qu’elle est faite autour de la tournée régionale du Président, ne permet pas de voir de la lisibilité sur la raison exacte de ce déplacement en région.
Echec ?
A Gaya, la ville convoitée, malgré le grand bruit qui a été fait pour annoncer l’arrivée du président de la République et tout le tintamarre des autorités de la ville, à balayer et à mobiliser, l’on aura fait le constat amer de l’échec de la mobilisation qui ne donnait d’autres choix pour contenter l’Hôte de la ville que de vider les écoles pour garnir les allées de la ville, à défaut de garnements, de ces gamins libérés des classes qui peuvent vivre heureux, ces heures de liberté que leur donnait un accueil au forceps. La qualité de la foule, faite essentiellement d’enfants et l’analyse des images par les positions de la caméra, peuvent conforter ce constat de l’échec de la mobilisation. On peut croire que, ressortant de la ville convoitée, Bazoum Mohamed aura ressenti le sentiment de l’échec. Comment ne pas s’y attendre quand les gens peuvent oublier que les hommes attachent du prix à certaines valeurs au-delà desquelles, personne, ne peut savoir « rentrer » dans leurs coeurs ? Le peuple que Bazoum a vu à Gaya, ce n’est certainement pas, celui qu’il aurait aimé voir, et il ne peut qu’en être déçu.
Peut-on ne pas se rappeler que cette ville est quand même un bastion de deux partis politiques aujourd’hui déçus, même quand l’un est dans la mouvance au pouvoir, pour que l’électorat qui les incarne, ne brille pas trop pour l’offensive de charme qu’on y est allé mener en début de semaine ? Comment d’ailleurs, et rien que pour des propos qui fâchent, et pour des faits dont il n’est nullement responsable politiquement, l’on peut indéfiniment, garder en prison un homme comme Moumouni Boureima dit Tchanga et croire que l’on puisse forcer des hommes à apprécier la politique qui le martyrise ? Les populations tiennent à ce qu’on les respecte et à ce que l’on respecte leurs leaders, les seuls par lesquels, ils se sentent vivre dans la nation et dans la démocratie.
Il n’est que dommage que la Renaissance acte III, comme les deux premières, ne puisse pas comprendre que la brutalité ne discipline pas les hommes pour les assujettir à la volonté d’un régime et qu’il n’y a de moyen de dominer les hommes que par le bien. Du reste, le régime que dirige Bazoum Mohamed devrait le comprendre, car depuis qu’il arrivait au pouvoir, ne dérangeant personne, respectant tout le monde, y compris ceux qui pouvaient ne pas être d’accord avec lui sur un certain nombre de principes, il a pu voir à quel point les Nigériens sont capables de tolérance. C’est ça la démocratie. Et c’est cette élégance qui lui avait valu une certaine trêve, souvent même une certaine sympathie de la part des Nigériens.
On ne gagne les coeurs des hommes que par le bien. On ne peut ni obliger à aimer ni payer à aimer.
Mairiga