Une situation, mal gérée, est en train de polluer les bonnes relations de voisinage entre deux communes du département de Tillabéri, Sinder et Sakoira. Pourquoi donc ce problème ne surgit qu’aujourd’hui ? Pourquoi, depuis longtemps, ceux qui le manipulent, ne peuvent l’avoir soulevé depuis des décennies ? Faut-il donc croire que parce que le ministre de l’Intérieur, enfant d’une des communes en conflit ait intérêt à s’en mêler, se servant de sa position pour aider son camp à rallumer le problème et à le régler en sa faveur ? Est-ce donc pour cela que l’on arrive aux affaires ? Est-ce la logique désormais quand on peut voir le ministre des Affaires Etrangères, se servir de sa position, pour faire une place à un oncle dans la chefferie de son canton ? Quand on peut voir également un certain Abou Taraka, pour vouloir que son frère prenne le trône à Tarka ? Heureusement que ce dernier, usant de faux, a connu dans son aventure un fiasco retentissant ! Mais revenons à notre affaire…
Un peu d’Histoire…
On ne peut pas comprendre cette affaire qui empoisonne les relations entre les populations et leurs chefferies sans une immersion dans l’histoire qui peut mieux faire saisir le sens du litige. Dans Histoire de Sinder, les manuscrits de la vallée du fleuve Niger , Edition, Traduction et annotation par Seyni Moumouni (VEDA, Publisging Haouse, Bratislava, 2017), Chercheur à l’Institut de Recherche en Sciences Humaines de l’Université Abdou Moumouni de Niamey (Niger), l’on peut en effet, retrouver quelques éclairages sur Sinder, une commune insulaire du département de Tillabéri. On y retiendra que « La grande particularité de la commune rurale de Sinder reste le caractère insulaire de la quasi-totalité des villages qui la composent ». Cela étant, plus rizicole et piscicole dans les temps, cette commune avait toutes ses activités dans les îles. Mais, à la suite de la création des aménagements hydroagricoles, certaines branches du fleuve avaient été coupées pour étendre les espaces à aménager et cela, a fait que, par les digues construites que certains hameaux se trouve sortis de l’île pour avoir un accès sur la terre ferme, mais sans que cela ne leur fasse perdre leur rattachement à la commune dont ils relevaient depuis l’origine.
Historiquement Sinder et Djamballa, avaient connu des conflits qui ont fait que leurs relations ont le plus souvent été vécues dans la tension. Rappelons qu’à l’occasion d’un premier affrontement, attaqués par les gens de Djambala, même avec ce brave combattant Débral Youmba qui combattit avec vaillance pour repousser l’ennemi, Sinder finit par abandonner la guerre dite de « Doussougoungou » , pour retourner avec ce guerrier, Débral Youmba, qui tombait sur le terrain.
Mais « Moins d’un mois après, cet accrochage, Djambala déclara à nouveau la guerre à la population de Sinder. Poursuivis jusqu’à Sawani, les troupes de Djambala furent mises en déroute et depuis, aucun autre problème n’est venu gêner leur coexistence devenu pacifique, chacun respectant l’autre et son espace de vie.
Mais voici que depuis quelques années, un conflit survient, qui s’étend, non plus entre deux villages, ceux qui historiquement en avaient connu, mais entre les deux communes dont ils relèvent.
Rappel des faits…
Dans une correspondance en date du 27 mars 2022, le Chef de canton de Sinder, s’adressait au Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de la Décentralisation, des Affaires Coutumières et Religieuses et ce suite au « Recours de la décision ministérielle d’érection d’une partie du hameau de Goureybio, canton de Sinder, en village administratif rattaché au canton de Sakoira », une aberration quand on sait qu’un village, pour aucune raison, ne peut appartenir à deux entités différentes en même temps.
Rappelant des faits, il fit savoir que c’est après avoir échoué auprès du chef de village de Norandé, le village dont relève le hameau de Goureybio de l’en détacher que le chef de quartier dudit hameau, Elhadj Younoussa Oudou, se retourna vers le défunt chef de canton de Sakoira, Amirou Sadou Mossi, pour lui poser son problème et sa volonté de se faire recenser avec les populations qui lui sont favorables dans le canton de Sakoira en vue d’ériger le hameau en village administratif répondant désormais de la commune de Sakoira. Ainsi, on apprend, qu’en « réponse à sa requête, Amirou Sakoira lui répondit qu’il ne peut ériger Goureybio en village administratif rattaché à Sakoira, parce que ce hameau est sur le territoire de Sinder qu’il ne saurait revendiquer pour y exercer quelque autorité, mais s’il veut se recenser avec ses proches dans le canton de Sakoira et y payer l’impôt, il n’y voit pas d’inconvénient. Mais qu’il sache qu’il ne pourra en aucune façon entacher les bonnes relations entre lui et son grand-frère Amirou Sinder ».
Décidé de mener sa fronde, le chef de quartier de Goureybio, malgré l’opposition du défunt chef de canton de Sinder, Amirou Mahamadou Djingarey et du chef de village de Norandé, une partie importante de la population ne le suivit pas dans son aventure et est restée rattachée à Sinder et à l’histoire dont elle se réclame.
Lorsque vint au trône le nouveau chef de canton de Sakoira, Amirou Moussa, par les seules explications du chef de quartier de Goureybio, il saisissait la préfecture, suite à quoi, le chef de canton de Sinder alerta Mme le Préfet sur la démarche biaisée et le Chef de canton le reconnut lui-même de « bonne foi », en s’adressant à ces termes à son frère, l’Honorable chef de canton de Sinder : « Grand-frère, je n’étais pas au courant et je vais appeler moi-même Mme le Préfet de Tillabéri pour bloquer le dossier de Goureybio ». Ce qui fut fait, note la lettre, convenant « d’un moment pour [se] rencontrer pour la bonne marche des 2 cantons ».
Et prêchant la paix pour les populations dont il a la charge, le Chef de canton de Sinder, ne peut manquer, ainsi qu’il le dit dans sa lettre au ministre, d’appeler « à se réconcilier, éviter les querelles intestines qui minent leur épanouissement, et à s’adonner aux cultures de contre-saison productrices de revenus ». A son deuxième passage à Goureybio, reconnaissant la liberté pour chacun de faire son choix à titre personnel, non au nom de l’espace en litige, de se rattacher à une commune ou à une autre, et reconnaissant ainsi que tous sont ses parents, il dira que « Chacun est libre de se faire recenser où il veut, mais tous doivent se respecter mutuellement pour vivre en paix dans leur village et pour leur épanouissement », ainsi qu’ils l’ont réussi depuis de nombreuses décennies.
Et le samedi 12 juin 2021, avant que le maire de Sinder ne se rende à Goureybio pour recenser les populations restées fidèles à sa commune, le chef de canton de Sinder s’y rendait, prenant acte du choix de Elhdj Younoussa Oudou de se faire recenser pour le compte de la commune de Sakoira, reniant la sienne, pour lui remettre une lettre de révocation en tant que chef de quartier, et remettre une autre qui nommait logiquement « à sa place Alpha Boubacar Hassane dit Tawey Siria ».
Sans doute informé, et revenant de Niamey, le chef de canton de Sakoira s’y rendait aussi, furieux, accompagné de quelques badauds, criant à qui veut l’entendre que Goureybio n’appartient plus à Sinder. « Fort heureusement, [informe la lettre envoyée au ministre par le chef de canton de Sinder] les responsables de la mairie de Sinder [présents sur les lieux], lui ont demandé en toute gentillesse de se calmer, que personne ne va lui répondre en mal, le considérant au même titre que Amirou Sinder, que c’est entre les deux chefs de canton que cette question devrait être réglée ». D’ailleurs pourquoi se mettre en colère quand on est sûr de défendre le juste ? C’est ainsi que sur ordre de Mme le Préfet de Tillabéri, les opérations de recensement avaient été arrêtées.
Le lundi 1er juin 2021, profitant de la présence à Tillabéri du Médiateur de la République, Me. Ali Sirfi Maiga, Mme le Préfet de Tillabéri réunissait autour de lui, les deux chefs de canton concernés par le différend. Là, manquant de courage, Amirou Sakoira, pour s’en excuser, dira qu’il partait à un mariage avec les badauds qui le suivaient dans son déplacement et ce serait en ce moment qu’il avait été informé par un certain Zourlakeyni que le chef de quartier avait été révoqué et c’est cette situation qui l’a amené à partir avec sa « meute » à Goureybio. Comment voudra-t-il, pendant qu’il tente de le débaucher pour le ranger du côté de sa commune, que Sinder qui l’a placé à la tête du hameauquartier de Norandé accepte de garder son pion malgré tout au poste ? Par contre Amirou Sinder reconnut son geste qu’il légitime par le fait que le chef de quartier ne répond plus de sa commune ainsi qu’il l’aura souverainement décidé sans que Sinder ne s’y oppose, et notamment quand, reniant Sinder et Norandi qui ont fait de lui un chef de quartier, il ne peut plus s’en revendiquer. Après avoir réconcilié les deux protagonistes, le Médiateur de la République, conseilla les protagonistes, demandant à chacun de « s’abstenir de toute intervention » pour « laisser l’affaire entre les mains de l’administration ».
Puis, sur une affaire de Foukourmey , dîme prélevée sur la production agricole au profit du propriétaire terrien, sur laquelle les deux chefs de canton ont « accepté une solution conciliante », « le 10 février, les gens de Sakoira étaient venus avec l’ambulance de Sakoira contenant sept (7) badauds, et quatre motos portant, sauf une, deux personnes, [amenant] huit décisions de retrait de champs de huit personnes signées du chef de canton de Sakoira. [pourtant, « Tous ces champs sont sur la partie insulaire de Goureybio et appartiennent aux gens recensés à Sinder ». Le Chef de canton de Sakoira, informé par son frère Chef de canton de Sinder, ne nia pas le fait, se défendant que cela venait d’une décision familiale. C’est alors que le chef de canton de Sinder l’a conseillé « de vérifier ses sources et de se méfier de ce que les paysans lui rapportent, de vérifier toute chose avant signature ». Et rappelant au ministre que pour éviter d’aller à l’irréparable que de telles situations pourraient engendrer, il dit qu’il avait « auparavant, le 12 février 2022, [sollicité] un entretien avec [lui juste après sa nomination au poste de ministre] pour [le] briefer de la situation à Goureybio ». Vérité de l’Histoire… La version donnée par le chef de canton de Sinder au ministre de l’intérieur, dans une correspondance en date du 5 juin 2022, est on ne peut plus claire. En effet, dans cette lettre qui fait suite à un message radio clair numéro 333/MI/D/ DGAT/D du 19/04/2022, celui-ci, vraisemblablement, prend position déjà dans le différend avant même d’écouter les protagonistes pour se faire une claire compréhension du litige par la contradiction que la démarche impose pour mieux juger dans un tel cas. Le Chef de Canton, s’est ainsi cru en devoir de rectifier certaines contre-vérités. C’est pourquoi, dit-il, dès l’entame de la lettre, « Contrairement à ce qui est dit dans le message, en plus de la commune de Kourtey, les communes de Dessa et d’Ayorou ont également des villages sur la terre ferme. Seule la commune de Sinder n’a pas de village sur la terre ferme ».
Tous ceux qui ont connu une époque de l’évolution du cours du fleuve, savent bien que « […] 11 villages et hameaux de Sinder qui étaient à l’origine insulaires, ont bénéficié de digues/pont, qui les ont rendus accessibles à tout moment par voiture et charrette. Ces villages sont : Goureybio, Darbani (Village administratif), Walga, Lelehoye, Somogoura, Djieboga, Tchamigno (village administratif), Tchamigo Koira Zéno, Dangala (village administratif), Fala (village administratif, et Daralkirame. En face de ces villages/hameaux, Sakoira possède 03 villages administratifs à savoir : Namarigoungou, Bonféba et Diambala. Précisant que « La commune de Sinder ne réclame aucun village ou hameau appartenant à la commune de Sakoira » et « qu’aucun village ou hameau de Sinder n’est parti s’installer dans la commune de Sakoira » et que « Le fleuve revenant toujours sur ses traces, si aujourd’hui on casse les digues de ces 11 villages [ayant permis de construire l’aménagement hydro-agricole], tous ces 11 villages retrouveront leur caractère insulaire [originel qui fonde leur rattachement naturel à la commune de Sinder ». Aussi, « Quant au village de Goureybio, faisant l’objet du présent litige, il a toujours été un hameau de Sinder, rattaché au village mère de Norandé » qui l’a toujours considéré comme un de ses quartiers même géographiquement distant et qui lui a toujours désigné un chef de quartier. C’est pourquoi, falsifiant l’histoire, le message radio du ministre de l’Intérieur, soutenant vraisemblablement la combine, pouvait prétendre que « le hameau de Goureybio [se serait] installé comme enclave sur les terres de la commune de Sakoira ».
Comment peut-il défendre son choix tout à fait discutable quand on sait que « […] la loi numéro 2003-035 du 27/08/2003, portant composition et délimitation des communes en République du Niger, elle ne mentionne pas les hameaux ; elle ne mentionne que les villages administratifs, et Norandé, le village-mère [dont relève Goureybio] est bien mentionné et rattaché à la commune de Sinder », jusqu’à nouvel ordre ! D’ailleurs, pour justifier cette dépendance coutumière, « Tous les chefs de hameaux qui se sont succédé à la tête de Goureybio ont été nommés par les chefs de canton de Sinder ».
Et le ministre Hamadou Adamou Souley, revient à la charge…
Dans une lettre n°004281/MI/D/SG/ DGDCT du 10/10/2022, se fondant sur le rapport d’une mission de terrain, le ministre dit, non sans être partisan, qu’ « Il ressort que ces populations reconnaissent clairement s’être installées avec l’accord des autorités coutumières locales et qu’elles n’ont aucune prétention sur les terres qu’elles occupent actuellement ». Une telle falsification arrangée pour des raisons que tout le monde peut comprendre, ne peut convaincre personne car elle montre bien que la seule version dont tient compte le ministre-juge et partie, vient de celle que lui donne « son camp ».On ne peut donc pas croire à cet équilibrisme du ministre quand il dit : « Aussi, dans l’optique de préserver la quiétude sociale et la coexistence pacifique, je vous demande d’instruire les autorités préfectorales de Tillabéri de prendre toutes les dispositions nécessaires pour une gestion, efficace de la situation, et ce en rapport avec les chefs de cantons et les maires concernés ». En a-t-il vraiment cure de cette quiétude quand on le voit qui voudrait forcer un arbitrage biaisé par son parti pris avéré ? Et on le voit qui en vient à sa décision aujourd’hui controversée dans le cadre de ce litige : « Eu égard à la durée de leur séjour sur lesdits sites, il vous revient d’envisager leur recensement au niveau de la commune rurale de Sakoira ». Durée de séjour sur les terres d’autrui ? Et ne jamais en parler avant que le fils du terroir ne soit ministre de l’Intérieur, ou que son parti ne soit au pouvoir ?
Parti pris ?
Ayant compté sur sa « triple qualité de ressortissant de Tillabéri, Ministre en charge de l’administration territoriale et ayant la tutelle de la chefferie traditionnelle, pour aider à régler le problème en toute impartialité, et dans l’optique de préserver la paix sociale, que ne fut la déception du Chef de canton de Sinder, quand, écrivait-il dans sa lettre du 27 mars 2022, que « Malheureusement, grande fut [sa] surprise qu’[il ait juste après leurs échanges], signé un arrêté ministériel autorisant d’ériger Goureybio en village administratif rattaché à Sakoira au lieu de Sinder où se trouve le village », se demandant alors, « Que faire de la partie restée fidèle à Sinder ? ». Est-on tenté de dire, pour consacrer l’hybridité administrative, une anormalité ingérable ? Comment ne pas le reconnaitre, ainsi que le souligne le chef de canton dans sa lettre que « Cet arrêté ministériel crée ainsi un état de confusion, et une source [potentielle] de futurs conflits entre les villages Goureybio et les cantons/communes de Sinder et Sakoira ». Les populations n’ont pas besoin de cela. Quand on gouverne les hommes, on s’efforce de créer les conditions de raffermir leurs relations, de rendre possible la paix sans laquelle, ils ne peuvent s’épanouir. Depuis quelques temps, avec l’arrivée au pouvoir du PNDS-Tarayya, l’on ne peut que voir ces problèmes créés à dessein entre villages quand ce n’est pas au sein de chefferies pour y semer la zizanie et ce qui pourrait causer de graves turbulences dans nos sociétés. Il est temps pour que les uns et les autres ouvrent les yeux pour comprendre qu’ils n’ont aucun intérêt à prêter le flanc.
Ceux qui ont le pouvoir doivent savoir qu’on gouverne avec sagesse car tous, un jour ou l’autre, répondront. On n’est jamais le plus fort. Tout le temps. Vérité des temps !
Mairiga