Au Niger, l’instabilité dans les partis politiques se vit au gré des humeurs des hommes, retournant des vestes, changeant comme caméléons, transhumant au gré des saisons politiques, plus orientés par le ventre que par l’esprit, cherchant des oasis hypothétiques pour renaître. Les hommes au Niger ont ainsi inauguré un nomadisme politique qu’on a fini par normaliser dans la vie politique depuis qu’un tel acte de reniement est perçu comme normal, ne pouvant plus ulcérer personne, tout le monde pouvant se dire qu’on ne ferait la politique que pour vivre mieux. Et certains journaux de la place n’ont pas tort de parler de « Mercato politique » dans un pays où, l’homme politique peut se vendre, chacun ayant son prix : un poste juteux pour certains, une impunité pour d’autres. Mais dans le lot, il y a les Fama qui attendent, depuis des lunes longues, sans rien voir de ce qui les faisait partir, torturés par un ventre qui ne supporte plus de manquer à manger gras. Personne ne pouvait imaginer que certains hommes, au regard de leur combat, du discours qu’ils avaient tenu dans leur cheminement politique, puissent un jour changer de trajectoire, pour aller chercher place dans les milieux qu’ils pourfendaient, dans la gouvernance qu’ils traitaient de tous les noms d’oiseaux.
Cette semaine en a donné un exemple, l’un des plus ahurissants. Les Nigériens apprenaient en milieu de semaine dernière, le départ du RDR-Tchandji de Doudou Rahama qui rejoignait, avec armes – sa parole puissante – et bagages pour rejoindre le PNDS. En vérité, ce n’était pas une surprise quand, depuis quelques jours, au moment où, mettant son clignotant à Gauche, il osait sans l’aval de son parti des rapprochements avec le pouvoir, annonçant les couleurs de son probable revirement. A l’époque des voix s’élevaient dont la plus autorisée, celle du Bureau Politique du parti, pour le désavouer, se désolidarisant de cette démarche, et disant que ses propos n’engagent que sa personne. Ainsi donc, Douhou Rahama est parti au PNDS, comme il y a quelques mois, Ibrahim Yacoubou, peut-être pour les mêmes raisons, migrait et un certain Idé Seyni qui choisit une petite porte que lui ouvrait Boubé Gazibo pour rentrer au PNDS, sinon à sa périphérie.
Doudou Rahama, a donc fini par abandonné son mentor, Mahamane Ousmane, mettant ainsi fin des décennies d’amitiés politique, de compagnonnage, d’aventure commune. A Zinder, depuis quelques temps, s’organisaient des cérémonies de militants « d’autres partis » qui rejoignent le PNDS-Tarayya, et la prouesse méritait la grande fanfare qui annonçait l’événement comme un trophée du parti présidentiel qui a oublié ce qui peut l’aider plus à s’ancrer dans le peuple, et qui est la qualité de sa gouvernance, non ce folklore que d’autres, ont essayé avant le PNDS, sans résultats tangibles, sans succès.
Prier pour le nouvel aventurier Doudou
Il va sans dire qu’il a ses raisons pour partir. D’autres peuvent ne pas les comprendre. C’est leur problème. Lui, il en a les siennes, et c’est suffisant pour décider de s’en aller de la galère… Tant pis si d’autres ne peuvent pas le comprendre. C’est son problème, pas celui d’un autre. Il est parti et c’est la seule vérité dont il faut tenir compte. Il faut donc espérer qu’il ne connaisse pas les mêmes fortunes que d’autres qui partaient avent lui pour le nouvel Eldorado. Peut-être que lui a plus de chance. Il est d’une région convoitée et qui, plus, est de l’ancien président Mahamane Ousmane, duquel certains rêvent d’en finir définitivement. Lui prendre Doudou Rahama est alors apparu comme un enjeu politique important pour le régime. Et le gros poisson est pris dans la nasse. Le PNDS jubile. Il y a sans doute de quoi être tenté pour ne pas sombrer dans la galère. Terrible faim…
Peut-être que Doudou Rahama l’a compris.
Il a compris que son homme n’a plus d’avenir politique surtout quand il n’est entouré que de ces hommes «finis» d’un certain âge qui aussi, naturellement, s’acheminent inexorablement vers une fin politique. Il y a donc de quoi aller se chercher ailleurs. D’ailleurs, sensément, pourquoi doit-il continuer à suivre un homme qui a dit qu’il ne lutte plus, et qui, versé dans les fatalités enseignées de la religiosité, choisissait de rompre le combat, de renoncer à la lutte politique, pour incarner désormais le marabout plus que l’homme politique engagé ? A chacun son choix… Deux destins se séparent. Nos hommes politiques font pitié et ainsi, ils ont réussi, par leurs inconstances, par dérouter les Nigériens et peut-être même par les dégoûter de la politique. Au Niger, n’y aurait-il d’honneur à faire valoir en politique ?
Mahamane Ousmane, une étoile éteinte ?
Candidat malheureux, ainsi qu’il l’a choisi, Mahamane Ousmane, en vérité, n’a plus aucun combat politique à mener au Niger et ce fut son choix. Depuis la dernière élection controversée, alors que ses camarades qui le soutenaient, attendaient qu’il s’assume pour mener le combat de la revendication d’une victoire que tous disaient qu’on leur avait volée, personne ne put comprendre sa volte-face pour faire un autre choix, soi-disant au nom du Droit qui le conduisait vers des juridictions que toute l’opposition, et lui avec, contestait, mettant en doute leur impartialité, pour espérer qu’il trouve là le Juge qui puisse lui remettre son pouvoir, alors arraché des mains de Bazoum qui gouvernait pourtant depuis des mois le pays. On voit d’ailleurs que ce Mahamane Ousmane ne peut plus incarner le leadership de cette Opposition car depuis ces choix que d’autres n’hésitent pas à considérer comme une trahison du combat de l’Opposition, l’homme ne peut plus rassembler du monde autour de lui, tous les partis, s’étant presque démobilisés, déroutés, ne sachant plus ce qui leur reste comme combat à mener et même à situer leur existence dans cette démocratie hybride, anormale.
Derrière Mahamane Ousmane, il n’y a plus aucun avenir politique peuvent croire certains analystes et par une telle vision, ceux-là ne peuvent que comprendre et tolérer le départ du RDR-Tchandji de Doudou Rahama. Cet événement politique caractéristique de l’échiquier nigérien ne peut que conduire à réfléchir sur ce qui nous reste aujourd’hui en politique au Niger. Qu’avons-nous à défendre en politique depuis que, fondant la foi politique sur le matérialisme et l’égo, surtout ce que, d’un point de vue des rentes, chaque individu a à gagner dans la politique.
Déchéance morale et politique de la gent politique nigérienne…
Les hommes politiques nigériens, par la conduite qui est la leur, ne semblent plus avoir de foi politique, de convictions à suivre et à défendre dans leur conduite politique, pouvant croire que l’opportunisme seul, dusse orienter les hommes dans leurs choix et dans leurs combats. Certains, plus ouvertement, ne disent- ils pas que la politique n’est pas une religion pour ne pas s’en débarrasser pour faire un autre choix chaque fois qu’on le voudrait pour un intérêt quelconque ? Ainsi, beaucoup de nos hommes se sont prostitués, dégommés par leurs inconduites, devenant ainsi dans le landernau politique, des « hommes sans visage », sans identité politique.
C’est d’autant dommage que ce sont des hommes âgés qui se comportement ainsi sur l’échiquier, changeant de direction au gré des vents, comme des girouettes et ne laissant ainsi aucun héritage qui pourra anoblir la génération qui vient et qui regarde l’exemple venant d’ainés perdus sur les chemins. Depuis, des hommes politiques crédibles dans le pays, on n’en compte qu’au bout des doigts car les faux ont fini par triompher sur tout. Notre société a intérêt à se regarder : elle a mal ; elle est le mal.
A.I