De prime abord, la question pourrait apparaître provocante, à la limite, caricaturale. Bien sûr qu’il est possible, en principe, de s’opposer dans un régime démocratique normal et non dans une imposture démocratique comme l’incarne, aujourd’hui, le régime de la renaissance. Oui, le Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS/Tarayya) s’était présenté aux Nigériens comme le lieu privilégié de véritables démocrates, de patriotes convaincus et dévoués à l’esprit républicain ! Issoufou Mahamadou et son clan n’avaient cessé, lorsqu’ils étaient à l’opposition, de fustiger les pratiques exclusives dans l’exercice du pouvoir sous la Cinquième République du duo Tandja/Hama. Régulièrement, il dressait des listes fantaisistes d’opérateurs économiques, jugés proches de Hama, qui bénéficiaient de commandes publiques, alors même que la plupart de ces opérateurs économiques n’étaient pas de la région administrative de celui-ci. Il y avait sur ces listes d’hommes d’affaires de Tahoua qui avaient aussi le droit de postuler et de remporter des marchés publics et qui méritaient, indépendamment de leur appartenance partisane ou régionale, de concourir dans de conditions égalitaires et équitables, aux marchés de l’Etat. C’était, à peu près, comme cela l’esprit de la Cinquième République, que l’on voulait, à l’époque, tant discréditer et surtout diaboliser. Du reste, rien de surprenant dans l’attitude hautement républicaine de ce duo politique au destin tragique, mais non moins glorieux dans l’incarnation de l’unité nationale et de la cohésion sociale dans ce Niger contemporain. A regarder même la composition sociologie du Mouvement National pour la Société de Développement (MNSD-Nassara), un parti implanté sur toutes les huit (8) régions du pays, même dans les hameaux les plus lointains, legs éternel des illustres prédécesseurs qui ont sculpté le visage du Niger contemporain, le MNSD/Nassara était même l’archétype d’un parti républicain qui ne distinguait pas les Nigériens en fonction de leur couleur politique ou autres considérations de ce genre. C’était le creuset de l’identité nigérienne dans toute sa diversité sociolinguistique et géographique, bâti sur des idéaux républicains et porté sur des valeurs partagées. Même à l’épreuve du pouvoir, le MNSD/Nassara n’avait rien perdu de ce trait de caractère, car sous le règne du duo Tandja/Hama, certes, tout n’y fut pas rose, néanmoins, le Niger de cette époque vivait mieux que dans celui du régime de la renaissance.

En réalité, le MNSD/Nassara était un parti politique véritablement populaire qui n’avait pas eu besoin de détruire l’adversaire par des moyens peu loyaux, mais qui avait simplement sur surfer sur une telle ferveur pour conquérir et exercer le pouvoir, au Niger. En effet, les Nigériens, dans leur grande majorité, restaient nostalgiques des régimes politiques antérieurs, qui n’étaient pas, certes démocratiques, mais qui avaient su assurer au pays une certaine prospérité. .C’est pourquoi ils s’étaient retournés vers certains héritiers de cette période des ‘’Trente glorieuses’’ du Niger, afin de redonner au pays sa grandeur passée avec le rétablissement de la justice sociale, la réhabilitation de l’école, la santé pour tous et l’autosuffisance alimentaire et énergétique Il sut tenir tête à une coalition hétéroclite d’une multitude de formations politiques coalisées artificiellement dans le seul objectif de lui barrer la route du pouvoir. Il devait cette solidité à son identité originelle, c’est-à-dire sa dimension véritablement nationale qui transcendait, toujours, les particularismes primaires, au nom de la promotion des valeurs universelles. C’était déjà cet élan national qui avait animé les dirigeants politiques du Niger d’avant l’ère démocratique, une république égalitaire, sociale et fraternelle.

Aujourd’hui, hélas, ce bel édifice républicain bâti durant de nombreuses années se trouve en péril, du fait simplement d’une instrumentalisation scandaleuse de la politique par les tenants actuels du pouvoir politique ! Jusqu’au bout, les ‘’renaissants’’ seront prêts à aller à tout pour se maintenir au pouvoir pendant encore de longues années, quitte à renier tout ce qu’ils avaient professé comme doctrine d’orthodoxie de gestion par le passé. Alors, pour parvenir à une telle fin, il suffisait simplement de transformer le jeu politique national en une arène d’extermination de l’adversité politique par des moyens peu glorieux, et souvent empreints de malice et de désinvolture. Machiavéliques, ils l’auront été jusqu’à l’extrême, en pratiquant une politique profondément exclusive à l’encontre de toute pensée contraire à leur vision des choses, de noyautage total de tout le système de sélection d’attribution des marchés publics juteux au profit, uniquement, de leurs opérateurs ou de ceux de la même obédience politique. Cyniques, impitoyables, ils n’hésitent point à recourir aux méthodes gangs éristiques pour atteindre leurs fins, à la corruption, à l’achat des consciences pour protéger et renforcer leur pouvoir. Ils étouffent ainsi l’adversaire dans le seul but d’obtenir la reddition des armes et force celui-ci à un cessez-le-feu qui débouchera sur un ralliement. A défaut d’obtenir l’adhésion, la conviction de l’esprit et du coeur des Nigériens, les ‘’renaissants’’ s’en remettent, alors, aux représentants des forces d’opposition qu’ils essaient d’attirer dans leurs nasses en leur miroitant un ticket au funeste bal des crapules. Ils sont comme cela, les ‘’renaissants’’, pas du tout trop ‘’gourmands’’, quand ils désirent se montrer assez conciliants et bons arrangeurs en affaires politiques. Ils usent et abusent de leur position hégémonique pour imposer leur loi arbitraire, à utiliser toutes les ressources possibles dont ils disposent pour mater une rébellion ou une opposition à leur politique.

Gare donc à ceux qui oseraient les défier, car ils savent se montrer sans pitié dans la riposte ! Par la ruse, par l’usage de l’abus et de l’excès de pouvoir, ils auront réussi à domestiquer la vie politique nationale de plus en plus unipolaire, du fait de la politique de la précarisation que le régime de la renaissance aura érigée en mode de gouvernance. De nos jours, l’opposition politique véritable n’est plus incarnée par les forces politiques traditionnelles qui ont été vaincues et défaites par le régime de la renaissance au moyen de la méthode de paupérisation décrétée sur les leaders de l’opposition, dont certains ont fini par succomber à ces sollicitations festives. Aujourd’hui, la vraie opposition aura déserté les milieux politiques classiques pour migrer vers directement le peuple qui ne peut exprimer son ras-bol que par le biais des plateformes sociales de la place, devenues, du coup, de belles tribunes pour entendre sourdre la colère noire du peuple. Car, l’opinion publique ne peut, elle, s’acheter, même si l’on investit tous les milliards possibles pour cela, comme il serait facile de le faire pour les partis politiques de l’opposition. C’est à ce prix seulement qu’il serait encore possible de continuer à s’opposer au Niger, c’est-à-dire lorsque ce sont les convictions et les valeurs qui sous-tendent l’engagement des uns et des autres et non les intérêts individuels ou collectifs.

Malheureusement, la conception rentière de la politique dans le pays ne prédispose pas souvent à l’avènement d’une classe politique indépendante du point de vue économique et financier capable de survivre hors de l’exercice du pouvoir, selon la fameuse règle du partage du gâteau. L’éminent Sociologue et Analyste politique nigérien, Souley Adji, fustigeait déjà la fragilisation de l’opposition politique du fait qu’au Niger, il n’existait pas encore de vrais politiciens, mais simplement de ‘’fonctionnaires de la politique’’. Du coup, sans autres rentes de situation, les leaders de l’opposition ne résistent pas, souvent, au menu alléchant proposé par la majorité. Or, lorsque l’on peut pousser l’outrecuidance d’écraser littéralement l’adversaire politique par des moyens déloyaux afin de taire toutes velléités d’opposition dans la société, l’on risque, à terme, d’avoir un effet contraire, prévient ce fin observateur de la vie politique nationale. A vouloir trop chercher à anéantir l’opposition politique par la compromission politique, les ‘’renaissants’’ courent le risque de fragiliser le régime démocratique, dans son ensemble, qui signifie expression plurielle et non pensée unique, monologue partisan et bien-pensence générale. Dans ces conditions, faute de trouver son incarnation au niveau des acteurs politiques traditionnels, la rupture pourrait venir d’ailleurs, notamment des corps habillés de l’Etat, car la nature, ayant souvent horreur du vide, le désaveu populaire des élites politiques nationales profite, souvent, à des prises du pouvoir par la force. C’est pourquoi, le régime de la renaissance sera son propre fossoyeur, tôt ou tard, puisqu’il aura tué toute alternative politique dans le pays ; pire tout débat démocratique, simplement ! Alors, les ‘’renaissants’’ s’en voudront pour longtemps pour avoir franchi la ligne rouge dans son autodestruction. Icare, dans la célèbre mythologie grecque, fils de l’ingénieur athénien, Dédale, à force de trop vouloir s’approcher du soleil, avait fini par se faire brûler les ailes. L’excès de tout étant toujours dangereux, même celui du miel, dit-on souvent ! A méditer profondément !

Dan Malam