Ces derniers temps, circule sur les réseaux un document administratif, en l’occurrence une lettre de recommandation, qui serait signée du Ministre de la Défense Nationale, Alkassoum Indatou. La lettre de recommandation en question aurait été émise au profit d’une société de droit privée nigérien, dont nous préférons taire le nom ici mais qui se trouve dans le document en question, intervenant dans le domaine des équipements militaires, auprès de fournisseurs étrangers, précisément russes, dans le cadre de commandes de pièces de rechange pour certains avions de l’Armée de l’Air nigérienne, de fabrication russe, principalement les Mi-35 et Mi-171. A supposer même que la prétendue lettre de recommandation fût vraie, authentique, quel mal y aurait-il eu dans la rédaction d’un tel document purement privé, relatif à une opération commerciale portant sur un marché public de livraison de pièces de rechange pour des types particuliers d’avions. En effet, ces pièces détachées, dont il serait question, dans cette lettre de recommandation, seraient destinées à la maintenance d’anciens aéronefs d’origine russe acquis par notre Armée de l’Air sur le budget propre de l’Etat. Ces avions avaient été commandés par le Niger bien avant le déclenchement de la guerre ukrainienne et ils sont toujours opérationnels. Et parce que la guerre en Ukraine a éclaté, il ne faudrait plus, alors, les utiliser et les jeter ainsi à la poubelle ? Ce ne serait pas, dans ce cas, responsable de concevoir les choses de cette façon, même si l’on veut trouver des cheveux sur un crâne rasé. Le Ministre de la Défense Nationale, Alkassoum Indatou, n’est pas un marchand d’armes, mais bien le Ministre en charge de tout ce qui concerne cet aspect des choses, par sa mission régalienne du secret-défense qui l’oblige à vérifier un certain nombre d’éléments, d’informations sur les sociétés intervenant dans le processus des marchés publics émis par ce département ministériel. Naturellement, la fameuse lettre de recommandation était fausse, car elle n’avait jamais été écrite par le Ministre de la Défense Nationale, Alkassoum Indatou, et aussi, la société prétendument bénéficiaire ne l’avait jamais adressée. En effet, dans un communiqué en date du 10 novembre 2022, le Secrétaire Général du Ministère de la Défense Nationale, le général de Brigade, Amadou Didili, avait formellement démenti l’existence de cette lettre de recommandation.

Pourquoi ce document était-il faux et comment avait-il été établi ?
Une intention de nuisance par le biais d’un piratage informatique D’entrée de jeu, le document publié sur les réseaux sociaux et dans certains journaux de la face n’était pas authentique au regard même du droit positif nigérien. En effet, pour attribuer un tel marché public, le Ministère de la Défense Nationale n’avait point besoin de délivrer une quelconque de lettre de recommandation au profit d’une société privée nigérienne, dans la mesure où l’état de la législation nationale ne prévoit pas ce genre de document, qui n’est pas, non plus, exigé par les firmes russes pour traiter en affaires de livraison d’équipements militaires de technologie russe. En règle générale, ces entreprises russes demandent aux partenaires privés un agrément de l’Etat dans lequel la société privée exerce, ou une caution de la part de ce même Etat. Par conséquent, ladite lettre de recommandation ne pouvait provenir du Ministre de la Défense Nationale, dans la mesure où un tel document n’existait pas dans la nomenclature des autorisations délivrées par ce Ministère pour ce type de contrats. Mais, comment cela avait pu-t-il arriver ? Une affaire digne d’un scénario à la Silicone Valley. Ah, le piratage informatique, la cyberattaque, qui sont, aujourd’hui, les moyens les plus sophistiqués pour commettre d’infractions pénales en toute impunité ! Mais, à l’instar de la Communauté internationale, le Niger s’est doté, en 2020, d’un dispositif législatif permettant de réprimer les infractions pénales commises par le biais de ce moyen électronique. Pourtant, lors de l’adoption par l’Assemblée nationale de cette loi, il y avait une levée de boucliers pour crier au scandale, accusant le régime de vouloir bâillonner les libertés publiques et privées des citoyens nigériens. Aujourd’hui, à la lumière de ce qui vient de se passer au niveau du Ministère de la Défense Nationale, les uns et les autres devraient faire amende honorable et présenter des excuses sincères aux citoyens qu’ils avaient abusés sur les enjeux de cette loi. Alors, les faussaires du jour dans cette affaire avaient tout simplement piraté le compte E-Mail de la société en question pour pouvoir être en possession de certaines données à caractère personnel de l’entreprise. Ce procédé ne nécessite guère une grande compétence informatique lorsqu’il s’agit d’un smartphone volé à son propriétaire qui y stocke des données à caractère personnel de l’entreprise qu’il dirige, car il suffirait simplement de pénétrer dans la boîte Mail de l’intéressé pour voir les différents courriers envoyés ou reçus par lui. Cela s’appelle tout simplement piratage du compte informatique d’un individu qui tombe sous le coup de la loi n°2019-33, du 03 juillet 2020, portant répression de la cybercriminalité au Niger. En effet, l’article 29 de cette dispose que : « Est puni d’une peine d’emprisonnement de six (6) mois à trois (3) ans et d’une amende d’un million (1.000.000) à cinq millions (5.000.000) de francs CFA, quiconque commet une infraction par le biais d’un moyen de communication électronique ». Peuvent tomber aussi sous le coup de cette loi tous ceux qui ont pu se partager le document, sans chercher à vérifier, au préalable, l’authenticité dudit document avant de s’en servir, comme l‘ont fait certains médias instrumentalisés dans ce sens.


En accédant aux données à caractère personnel de la société en question, ces pirates informatiques ont pu y soutirer quelques informations pour concocter ladite lettre, souvent sur la base de données erronées, juste pour servir leur cause, c’est-à-dire celle de nuire. En effet, rien de tout ce qu’ils avaient écrit n’était vrai, à commencer même par la composition exacte de la société en question. Mais, qu’importe, leur intention était ailleurs, à savoir salir le Ministre de la Défense et nuire aux intérêts économiques de cette société nigérienne.


Voilà, de façon succincte, les conditions dans lesquelles ce document avait pu être échafaudé par ces comploteurs au petit art, voire lamentable ! Mais, à quelles fins tout cela est-il mené ?


A qui profite le crime ?
Les amateurs de polars de grandes enquêtes criminelles connaissent bien cette question des enquêteurs de la Brigade criminelle, une fois sur la scène du crime : à qui profite le crime ? Qui a intérêt dans cette disparition et qui se trouve dans l’entourage de la victime ? En l’occurrence, dans cette affaire, l’on sait pertinemment que les coupables de ce piratage informatique n’étaient que de simples exécutants au service des vrais instigateurs, c’est-à-dire ceux qui ont commandité l’affaire sans en être les auteurs matériels, comme on le dit en procédure pénale, mais qui n’en sont pas moins les plus grands bénéficiaires. Faut-il le rappeler utilement ici, le Ministère de la Défense Nationale avait, par le passé, défrayé la chronique avec le scandale politico-financier ayant caractérisé la passation et l’exécution de certains marchés ou contrats publics au niveau de ce ministère. La presse en avait, à l’époque, ses choux gras et le Gouvernement avait diligenté des inspections d’Etat au sein de ce ministère afin de tirer au clair tout ce dossier. Ces inspections avaient révélé des monstruosités énormissimes dans la passation et l’exécution de certains ou contrats publics, notamment des adjudicataires qui percevaient les 30% de démarrage, mais qui ne livraient rien. D’ailleurs, le traitement judiciaire de ce dossier n’est pas toujours clos, car, après la partie civile vidée par l’Agence Judiciaire de l’Etat, l’action publique suit son cours, au plan pénal.
A son arrivée à ce ministère, sous les instructions du Président Bazoum, Alkassoum Indatou avait tout simplement décidé de faire respecter l’orthodoxie budgétaire et financière en matière de passation et d’exécution des marchés ou contrats publics lancés par le Ministère de la Défense. C’est certainement cela qui dérangerait certains opérateurs économiques de la place bien connus, habitués aux vieilles méthodes par lesquelles ils commettaient leurs forfaits. Alors, comme ces opérateurs économiques auraient érigé le Ministère de la Défense Nationale en une chasse gardée, ils toléreraient moins l’intrusion de toutes nouvelles sociétés dans ce cercle très fermé de juteux marchés et contrats publics dont les règles de passation dérogent souvent au droit commun en matière de dépense publique. Ainsi, dès que ce ne sont pas leurs offres qui sont retenues, les voilà dans tous leurs états, grincheux, criant au scandale, multipliant les appels téléphoniques pour alerter leurs mentors politiques afin de mettre la pression sur qui de droit pour faire annuler ladite attribution. Mais, quand ce sont eux qui l’emportent, cela est normal, dans l’ordre naturel des choses.


Voilà, probablement, le crime commis, aujourd’hui, le Ministre de la Défense, Alkassoum, Indatou, pour avoir opté pour le respect de l’orthodoxie en matière de passation de marchés publics ou de délégation de services publics ! En lui attribuant la paternité de cette fausse lettre de recommandation, l’objectif visé était on ne peut plus clair de le présenter comme un ‘’vulgaire affairiste’’ aux yeux du Président Bazoum pour qu’il soit remplacé à ce poste, afin de confier ce ministère très pourvoyeur de marchés publics à quelqu’un qui ferait les affaires de ces milieux d’affaires ayant pignon sur rue. Les Nigériens connaissent ces individus qui croient qu’ils sont les seuls légitimes au Niger à postuler et à pouvoir décrocher les faramineux marchés et contrats publics. Ils sont dans tous les domaines, tant que cela sent les espèces sonnantes et trébuchantes, même quand il s’agirait de fournir des ‘’linceuls’’ pour couvrir des morts au Niger. L’argent-roi est leur religion et les marchés publics leur culte. Aujourd’hui, c’est peut-être la fin de tels privilèges qui les amène à courir dans tous les sens, surtout que certains d’entre eux doivent rembourser des sommes perçues au titre de frais démarrage pour les marchés qui n’ont jamais connu même un début d’exécution. Au Ministère de la Défense Nationale, on souhaiterait tourner définitivement cette page, d’où toutes ces gesticulations d’un combat d’arrière-garde de la part de ces individus véreux qui ont pris en otage les deniers publics. Zen, flegmatique et droit dans ses bottes, le Ministre Alkassoum Indatou n’est pas cette biche facile à abattre en vue de constituer le repas du soir du chasseur de nos steppes sahéliennes. Il n’a jamais été lié à la société en question pour un quelconque favoritisme pour lui attribuer des marchés publics. Du reste, ladite société n’en demandait pas aussi, car c’est une SARL légalement constituée et à jour au plan fiscal, qui ne prend jamais des avances de démarrage et qui exécute totalement ses contrats avant d’être payée. Tout le contraire de celles qui gesticulent et piaillent actuellement !

Dan Mallam