Il est désormais clair pour tout le monde que le Président Bazoum n’a pas le courage de ses velléités : velléité de justice, velléité de lutte contre la corruption, velléité de lutte contre le terrorisme et le banditisme armé, y compris étatique, velléité de bonne gouvernance, velléité, velléité… Après plus d’un an au pouvoir et des faits tangibles face auxquels il est resté impassible, sinon impuissant, il continue encore à discourir et à prêcher la bonne parole, tel ce prêtre de la série camerounaise « La veuve », qui passe son temps à abuser des jeunes filles et des femmes volages, mais qui se donne bonne conscience avec des sermons et des prédications sans lendemain. Le 10 novembre dernier, Bazoum Mohamed a de nouveau étalé l’énorme contradiction dans laquelle il baigne. À la rentrée judiciaire, il a osé parler de justice et de développement, s’offrant même le luxe de tancer les juges pour des pratiques qui, dit-il, n’honorent pas le corps judiciaire. Des juges par-dessus lesquels il a passé pour faire libérer des prisonniers. Deux cas, au moins, peuvent être évoqués pour rappeler à l’intéressé que les pratiques qu’il invoque, c’est lui et non pas quelqu’un d’autre qui en est le garant. Si elles ont cours, c’est de son fait, si elles cessent, c’est lui. L’affaire du marabout de Tillabéry, libéré après l’intercession des leaders de la région auprès de Bazoum Mohamed et celle des terroristes dont il a, lui-même, parlé en conférence des cadres, en février 2022.

Bazoum Mohamed oublie que la justice n’est pas possible lorsque lui, le chef de l’État et président du Haut conseil de la magistrature, peut fermer les yeux et cautionner des situations d’injustice et d’impunité. La gouvernance financière, notamment, baigne dans un océan de scandales où des centaines de milliards, voire des milliers de milliards, ont été détournés par des individus clairement identifiés mais qui n’ont jamais été jugés pour être condamnés ou blanchis. Pour compenser cette hémorragie financière qui a saigné l’État, on contracte des prêts à gauche, à droite, pour financer quelques projets et faire croire à un succès. Bazoum Mohamed sait qu’il y a tout un fossé entre ses discours et la réalité et que la justice de qualité, efficace, plus équitable et plus accessible qu’il dit avoir pris l’engagement de réaliser reste encore une chimère. Le Niger n’en a d’ailleurs jamais été aussi éloigné.

Bazoum Mohamed sait que le postulat qu’il a posé est exactement la photographie de l’état de la justice au Niger. « Sans confiance, dit-il, entre les justiciables et le service public de la justice, il n’y a pas de justice ; sans justice, il n’y a pas d’État de droit et sans État de droit, il n’y aura point de développement ». C’est tout à fait vrai et c’est bien dommage pour le Président Bazoum qui aurait pu poursuivre sa logique en confessant que le développement est dès lors hypothéqué sous la gouvernance actuelle. C’est bien de constater et de dire les choses, mais c’est certainement mieux d’agir pour conformer les actes à ses propos.

N’est-ce pas une fuite de responsabilité lorsque le chef de l’État et président du Haut conseil de la magistrature dit en appeler au sens de responsabilité de chaque maillon de la chaîne judiciaire, principalement les chefs des juridictions dans leur rôle de contrôle hiérarchique, les services de contrôle et d’inspection, tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir dans le fonctionnement de notre système judiciaire, à s’investir davantage pour mettre fin à certaines pratiques qui n’honorent pas notre système judiciaire ?

Le chef de ces juges, c’est lui. C’est lui qui les nomme, qui les affecte, qui les promeut, qui les sanctionne. Alors, soit il est pour la justice et il leur impose une conduite, soit il faite de la diversion et il arrête de parler de justice. Car, la justice, ce n’est pas un vain mot, c’est un comportement. Ça ne se chante pas, ça s’applique.

Bazoum Mohamed oublie sans doute qu’il est le président de la République, le chef suprême de l’État dont on n’attend pas que des discours, mais plutôt des actes. Il oublie qu’il n’a pas d’excuses pour justifier un échec dans ce qu’il a promis de faire dans la mesure où le peuple nigérien, de par la Constitution du 25 novembre 2010, lui a accordé tous les pouvoirs dont il peut avoir besoin pour agir comme il prétend concevoir les choses.

« Sans confiance, dit-il, entre les justiciables et le service public de la justice, il n’y a pas de justice ; sans justice, il n’y a pas d’État de droit et sans État de droit, il n’y aura point de développement ». Nous, nous tirons alors la conclusion que le développement n’est pas pour demain sous la gouvernance actuelle, car il n’y a pas de justice pour qu’il puisse y avoir confiance entre les justiciables et le service public de la justice, encore moins d’État de droit. Le développement, Bazoum Mohamed doit le confesser, également, est hypothéqué au Niger et il est, de par la Constitution, le premier responsable. C’est à lui de donner le ton afin que chaque maillon de responsabilité, comme il le dit, sache qu’il ne badine pas avec ses engagements pris devant le peuple. S’il ne se décide pas à le faire dans de très brefs délais, qu’il se taise à jamais sur la question.

BONKANO