Le Président Bazoum Mohamed est depuis le vendredi 24 novembre 2022 face à sa propre conscience. Apprenant la mort de Soumeylou Boubé Maïga, l’ancien Premier ministre malien, alors qu’il était en détention, Bazoum Mohamed ne s’est pas gêné de publier sur son compte Twitter le mot suivant : « Je viens d’apprendre avec consternation la mort de Soumeylou Boubeye Maiga, ancien Premier ministre malien. Sa mort en prison rappelle celle du Président Modibo Keita en 1977. Je pensais que de tels assassinats relevaient d’une autre ère ». Huit mois après, les faits semblent le rattraper. Accusé de tentative de coup d’Etat en 2015, sous Issoufou Mahamadou, le capitaine Issa Amadou est mort dans les mêmes conditions, sinon pires, que celles que Bazoum Mohamed a cru devoir dénoncer au lendemain de la disparition de l’ancien Premier ministre malien. Le chef de l’Etat nigérien est d’autant plus accablé qu’il ne dira ni qu’il n’est pas informé ni qu’il n’a pas les moyens d’intervenir dans le dossier puisqu’il l’a fait volontiers pour des terroristes aux mains tâchées de sang de nombreux Nigériens. Le capitaine Issa Amadou Kountché, lui, est un officier nigérien, mort en prison parce que le même Bazoum Mohamed, à la tête de l’Etat du Niger, n’a pas cru intervenir pour son évacuation pour des soins médicaux adéquats.

Le 13 octobre 2022, encore, saisie par le neveu et gendre du défunt capitaine, le capitaine AbdoulAziz Hambali, lui-même incarcéré depuis de longues années, la Commission nationale des droits humains (Cndh) a publié un communiqué demandant l’évacuation du capitaine Issa Amadou Kountché pour raison de santé. Ce communiqué de la Cndh fait suite à plusieurs appels de détresse lancés à l’endroit l’endroit du gouvernement afin d’autoriser l’évacuation sanitaire du capitaine Issa Amadou Kountché. En vain, puisque le gouvernement de Bazoum Mohamed restera sourd à ces appels.

Le 14 novembre, pour une fois, encore, le même capitaine AbdoulAziz Hambali adresse une lettre à la Cndh, lui demandant de faire à nouveau le déplacement du Centre hospitalier de Labordé où les autorités nigériennes ont cru devoir transférer le malade, sans soins adéquats. Il demandait à la Cndh de venir « constater de visu » l’état de santé critique et les conditions dans lesquelles le capitaine Issa Amadou se trouvait. Ni la Cndh ni le gouvernement ne réagit. Pourtant, la famille du défunt capitaine avait marqué son entière disponibilité à supporter les charges y afférentes, si l’Etat, par ses dirigeants actuels, ne voulait pas mettre un franc dans l’évacuation du capitaine Issa. Elle a buté à un mur de silence. Rien d’étonnant. Le capitaine Issaka Amadou Kountché, accusé de tentative de coup d’Etat, est aux yeux des autorités actuelles pire que ces chefs terroristes libérés sur instruction du Président Bazoum. Il devait d’ailleurs recouvrer la liberté en décembre 2020 suite à un décret président accordant une grâce présidentielle à certains détenus. Le capitaine Issa bénéficiait ainsi de la liberté à cause de son âge avancé. Mais, le Niger est un pays où le président de la République peut ordonner des choses qui ne sont pas exécutées du fait d’ordres contraires donnés, on ne sait, par qui.

Alors que la famille jubilait suite au décret présidentiel, signé un vendredi, instruction a été donnée de maintenir le capitaine Issa Amadou Kountché en prison jusqu’au lundi Et le lundi suivant, un décret modificatif est signé qui rehaussait l’âge requis pour bénéficier de la grâce présidentielle. Le pouvoir en place refusait ainsi, catégoriquement, de voir le capitaine Issa Amadou Kountché en liberté. Même très malade.

Interné au Centre hospitalier Amirou Boubacar Diallo de Lamordé, sans soins médicaux correspondants à sa pathologie, l’officier des Forces armées nigériennes (Fan) rendra finalement l’âme, sans assistance médicale attendue et sollicitée par la Commission nationale des droits humains (CNDH), les organisations de la société civile, les parents, amis et connaissances, préoccupés par la dégradation continue et désespérante de son état de santé. Au Niger, l’opinion nationale est choquée, mais nullement surprise. Des dirigeants qui comprennent des terroristes et leur concèdent des circonstances atténuantes au point de cautionner et d’ordonner leur libération en croyant à leur rédemption, mais qui refusent obstinément toute concession à des adversaires politiques et/ou à des militaires dont la culpabilité pour les faits qui leurs sont reprochés est aussi mince qu’un fil de rasoir.

La mort du capitaine Issa Amadou, par manque de soins médicaux adéquats et le refus tenace et assumé du pouvoir en place d’autoriser son évacuation, est un fait grave, mais cela, bien entendu, est conforme aux moeurs du régime. Combien d’hommes, civils et militaires, sont morts dans des circonstances accablantes pour le pouvoir en place ? Le scandale des fonds de l’armée détournés à des fins d’enrichissement personnel et clanique n’est-il pas un cas qui renseigne sur la mentalité et les préoccupations de ceux qui dirigent le Niger ? Que personne ne se fasse d’illusions sur ce qu’ils sont.

YAOU