La mort de l’ancien premier ministre malien, Soumaïlou Boubé Maïga, dans une clinique de Bamako, a suscité de nombreuses réactions à travers le monde, mais les échos de Niamey étaient uniques. Le président nigérien, Bazoum Mohamed, et son ministre des Affaires étrangères, Hassoumi Massoudou, ont clairement parlé d’assassinat en faisant le parallèle entre la disparition de Soumaïlou Boubé Maïga et la mort de l’ancien président malien, Modibo Keïta, décédé en détention au camp des commandos parachutistes de Djikoroni Para de Bamako, le 16 mai 1977. Ses geôliers, soutenait-on, lui auraient apporté de la nourriture empoisonnée. Est-ce le fait du hasard si les dirigeants nigériens ont été les seuls, en Afrique, à accuser implicitement les autorités de la Transition malienne d’avoir fait tuer Soumaïlou Boubé Maïga ?

Pour de nombreux observateurs, en parlant ainsi, Niamey s’accuse implicitement sur certains dossiers brûlants qui ont défrayé la chronique au Niger. Dès 2014, année de son divorce politique avec Issoufou Mahamadou, Hama Amadou a confié à des médias internationaux que l’ancien président a des intentions mortifères à son encontre. « Je ne dis pas ça à la légère : je le tiens de sources bien informées. Ils auraient fait venir un poison de Libye, dont les effets ne seraient intervenus que quelques mois après son ingestion. Ce qui les aurait mis hors de cause. Je sais qu’ils ont cette intention macabre. Il y a quelques semaines, ils ont tiré sur mon domicile et ont enlevé les gardes affectés à ma sécurité », a notamment confié le leader du Moden Fa Lumana Africa à Jeune Afrique. L’affaire, bien évidemment, n’a pas connu la moindre enquête. Tout comme, d’ailleurs cette sombre affaire de tir d’arme à feu qui, dans la nuit du 16 au 17 février 2014, a visé la résidence du président de l’Assemblée nationale, au moment où il était en mission à Téhéran (IRAN). Le ministre de l’Intérieur, à l’époque Hassoumi Massoudou, a refusé de laisser l’enquête se poursuivre. Mieux, il accuse Hama Amadou, sur les ondes, d’être l’auteur de ce tir contre son propre domicile. C’était déjà un cas d’alerte.

Des morts suspectes… et jamais d’enquêtes

Les cas de morts subites intervenues dans des conditions assez troublantes et qui ont fait jaser à Niamey sont nombreux. On note, entre autres, la mort du commandant Mahamane Laouali Robert, ancien chef de corps de la sécurité rapprochée d’Issoufou Mahamadou, le colonel Soumana Zanguina, mort au Centre hospitalier de Labordé, alors qu’il était en détention. Or, le colonel Zanguina n’était pas en odeur de sainteté avec le régime qui l’a accusé de tentative de coup d’Etat avant de l’arrêter et de l’incarcérer. Dans le même coup de filet qui a pris Zanguina, il y avait aussi le lieutenant- colonel Oumarou Hima, ancien aide de camp de l’ancien premier ministre Seïni Oumarou ou encore le capitaine Kafougou Maï Manga. Si ce dernier a depuis lors bénéficié d’une liberté conditionnelle, l’ancien aide de camp de Seïni Oumarou, lui, vit en exil depuis 2019.

Le cas le plus énigmatique et sur lequel il y a eu beaucoup de bruits, notamment de la famille du défunt, est celui du Colonel Dabalaga Abdoulaye Dioumassi. Commandant du 23e contingent du Niger en Côte d’Ivoire, le lieutenant–colonel Abdoulaye Dioumassi Dabalaga est décédé le mercredi 5 octobre 2017, à Niamey, officiellement d’une courte maladie. Sa famille va crier à l’assassinat. Et la soeur du défunt colonel, Aminatou Dabalaga, va d’ailleurs saisir le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guteres, d’une lettre sur la question. En objet de cette lettre qui retrace, points par points, l’épilogue tragique, elle notifie : « cas d’assassinat d’un agent de l’ONU par le gouvernement du Niger ».

Récemment, c’est un caporal-chef, un certain Mansour Maman, qui a été enlevé en plein jour dans la ville de Niamey et tué par étouffement et strangulation, dit-on. Ni le ministre de la sécurité publique, ni celui de la Défense nationale, n’a fait le moindre communiqué sur l’évènement. Le corps a été tranquillement déposé à l’hôpital par ses ravisseurs qui se savent manifestement assurés d’une totale impunité. Personne n’a entendu un mot quelconque de la part du gouvernement, comme s’il a parfaitement connaissance de l’identité des auteurs de ce crime.

La mort de l’ancien premier ministre malien, assimilée à un assassinat assassinat par les autorités de Niamey, ne fait pas que du bien au Président Bazoum Mohamed et à son ministre des Affaires étrangères qui ont engagé le Niger dans une posture diplomatiquement délicate et politiquement indéfendable. L’objectif des autorités nigériennes est sans aucun doute d’emmerder au maximum celles du Mali vis-à-vis desquelles elles disent partager entièrement les positions françaises. Cependant, un cas en appelle un autre et les Nigériens voudraient bien savoir ce qu’il en est de toutes ces affaires troubles dont certaines ont conduit à des cas de mort.

Laboukoye