Dans quelques jours, les Tarayyistes tiendront leur grande messe à Niamey du 24 au 25 décembre précisément. Ce congrès ordinaire pour le renouvellement de l’instance dirigeante suprême du parti, [le Comité exécutif national (CEN)] fait l’objet d’un intérêt particulier au sein de l’opinion nationale parce qu’il s’agit de la principale structure politique au pouvoir depuis 2011 après un passage de témoin entre l’ancien président Issoufou Mahamadou et son dauphin Mohamed Bazoum intervenu en 2021, à l’issue d’une élection présidentielle très controversée en raison notamment des fraudes massives qui l’ont caractérisée. Mais là n’est pas le principal motif de l’intérêt que suscite la grande rencontre des camarades roses, les Nigériens veulent surtout savoir si à partir de ce congrès le président Bazoum va chercher à s’émanciper de l’emprise excessive de son mentor qui l’entrave dans sa volonté de changer le mode de gouvernance désastreuse de l’Etat qu’il a hérité de son prédécesseur. Officiellement Issoufou Mahamadou n’est plus au pouvoir depuis le 2 février 2021, date d’investiture du président Bazoum, mais dans la pratique c’est lui qui continue encore à diriger le pays en imposant à Bazoum la ligne de conduite à tenir, les lignes à ne pas franchir. Nul ne peut dénier cette vérité qui crève les yeux.
Mahamadou Issoufou a dirigé sans exclusif le PNDS depuis sa création et il entend continuer à exercer son emprise sur le parti qu’il considère d’ailleurs comme sa propriété. Comme l’atteste, du reste, le processus de renouvellement des instances fédérales régionales du parti sur lequel il a veillé pour s’assurer du maintien de ses fidèles à la tête des structures et conserver ainsi sa main mise sur le parti. L’issue du congrès ne sera donc guère surprenante, c’est un Comité exécutif national présidé par l’actuel Haut représentant du président de la République, ancien ministre du Pétrole pendant une décennie, Foumakoye Gado pour ne pas le nommer, qui sortira des travaux avec des camarades pro-Issoufou autour de lui sur la table de séance. Les hommes du clan Bazoum, qui voulaient voir celui-ci sortir de son confinement et s’émanciper de son mentor pour tenir ses engagements vis-à-vis des Nigériens à l’issue du congrès, seront écartés. Du coup, le président Bazoum continuera de gérer le pays par procuration jusqu’à la fin de son mandat, en se soumettant à la volonté de l’ancien président Issoufou et de ses hommes qui contrôle le parti. L’assainissement de la vie publique à travers la lutte acharnée contre la corruption et l’impunité et contre les détournements des deniers publics qu’il a promis d’engager dans son discours d’investiture restera lettre morte. Et il faudra même s’attendre à une amplification de ces pratiques néfastes pour le développement du pays au cours des 3 années et quelques mois qui lui restant pour parachever son premier mandat.
En 2 ans, il n’a rien pu faire par rapport à ce volet qui tient pourtant beaucoup à coeur nos concitoyens qui aspirent à une véritable justice sociale dans le pays, nous voyons mal comment il pourra déclencher la machine si le contrôle de l’appareil du parti lui échappe. Les camarades du CEN s’opposeront farouchement à lui s’il ose s’aventurer sur ce terrain. On ne touche pas aux camarades impliqués dans des dossiers sulfureux de gestion étatique ! Tout au plus, le président Bazoum disposera uniquement de marges de manoeuvres dans le cadre de certains volets de son programme politique comme la lutte contre l’insécurité et le crime organisé que son prédécesseur n’a pas pu réussir, comme la remise en selle de l’école nigérienne ou encore la promotion du secteur agricole, etc. Et même sur ces chantiers qui ne pourront pas être mis en orbite durant les 3 prochaines années [il ne faut pas rêver], il sera obligé d’agir en fonction des désidératas des camarades. Avec bien évidemment tout que cela comporte comme risques d’échec. Au bout du compte, le président Bazoum n’aura pas un bilan satisfaisant à présenter aux Nigériens pour espérer recueillir leurs suffrages dans l’hypothèse qu’il aura la chance de briguer un deuxième mandat. Va-t-il se complaire de cette posture de président par procuration ou chercher à se libérer du joug Issoufou pour imprimer son propre style de gestion de l’Etat à l’issue du congrès des 24 et 25 décembre prochain ? Va-t-il rompre le cordon ombilical pour se mettre au service de tous les Nigériens et non à celui d’un camp politique ? C’est la question que nombre d’analystes politiques du microcosme politique nigérien se posent actuellement. Pour sûr, ses partisans disent qu’il ne pourra rien faire tant qu’il ne parviendrait pas à se libérer du joug de l’ancien président et des caciques du parti rose qui conservent le contrôle de l’appareil de direction du parti.
La clé de la libération
Le mouvement Hamzari qui aura été créé pour soutenir Bazoum mais qui n’est toujours pas actif sur le terrain procède-t-il de cette logique ? Récemment, le CEN Tarayya a fait une sortie médiatique pour tenter de rassurer l’opinion nationale par rapport à la cohésion au sein de leur parti qui serait toujours intacte. Dans la foulée, les camarades ont nié l’existence même du mouvement derrière la création duquel se trouveraient des anciens cadres du parti rose depuis longtemps chassés. Doit-on créditer cette version qu’ils ont servie à l’opinion ? Si le mouvement n’est pas créé, pourquoi en parlent-ils alors jusqu’à y voir les mains d’une autre formation politique adverse derrière ?
Le mouvement est bel et bien créé, ceux qui sont derrière attendent seulement la fin du congrès pour le mettre en branle dans les semaines à venir, apprend- on de source digne de foi. Le président Bazoum, directement concerné par l’affaire, n’a pas personnellement démenti l’information jusqu’ici alors qu’il peut le faire. S’il ne l’a pas fait, c’est parce que tout simplement ça l’arrange aussi. Il a besoin d’avoir les mains libres pour agir et c’est dans cette optique d’ailleurs qu’il a demandé aux partenaires sociaux qu’il a rencontrés dès les premiers mois de sa prise de fonction à l’aider pour tenir les engagements qu’il a pris au peuple d’oeuvrer pour instaurer la bonne gouvernance démocratique dans notre pays. Le mouvement Hamzari peut lui servir de perche pour s’extirper de l’emprise de ses camarades qui ne veulent pas le voir réussir là où Issoufou à échouer. D’aucuns soutiennent même que ledit mouvement risque de se transformer en parti politique si d’aventure les camarades tentent de l’étouffer pour continuer à entraver Bazoum dans sa volonté de rompre d’avec la malgouvernance. Nous n’en sommes pas encore là, mais le processus va s’accélérer certainement après le congrès.
O.I