J’ai entendu parler d’une date anniversaire de la lutte contre la corruption. Ce n’est pas tant ce qui m’a surpris, mais bien le fait que le Niger se soit associé à cette dynamique alors que les autorités actuelles ont décerné la carte de l’impunité absolue à tous ceux qui, nombreux, en réunion ou de façon isolée, ont fait main basse sur les ressources publiques à coups de centaines, voire de milliers de milliards de francs CFA. Même ceux qui ont détourné à leurs fins personnelles les centaines de milliards destinés à équiper les Forces armées nigériennes (Fan) n’ont jamais été inquiétés. Comme toujours lorsque ceux qui gouvernent sont empêtrés dans la corruption, les déclarations de principe, engagements et promesses sont à la fois abondantes et ronflantes. Du bruit, du bruit et encore du bruit. Et nous en avons entendu beaucoup.

La Halcia a déclaré, par la voix de son président, avoir examiné et traité 197 dossiers, dont 30 ont été transmis au Président Bazoum Mohamed et 50 au procureur de la République. Cette belle annonce de la Halcia reste une annonce, pas plus. Elle s’est attribué le beau rôle, soulignant qu’elle a travaillé et continue de travailler consciencieusement – pour ceux qui s’étonnent qu’elle ne soit pas encore dissoute – et que ses rapports ont été adressés à qui de droit. Cependant, en se servant, la Halcia s’est en même temps desservie. Elle a commis l’erreur d’étaler sur la place publique la preuve qu’elle est un instrument politique à la solde de ceux qui l’ont créée et non un outil véritable de lutte contre la corruption. Sur le nombre de dossiers qu’elle a traités, la Halcia dit avoir transmis les 30 au chef de l’État et les 50 autres au procureur de la République.

1. Pourquoi la Halcia a-t-elle fait cette sélection de 30 dossiers dont elle a décidé de transmettre les rapports au Président Bazoum Mohamed ?

Visiblement, la Halcia a procédé à une sélection rigoureuse des 30 affaires (30) dont le procureur de la République n’a pas reçu – du moins, pas pour le moment - les rapports.

Le choix des 30 dossiers ne peut être motivé que par des desseins et calculs politiciens dont seul Bazoum Mohamed détient les clés. N’est-ce pas lui qui a nommé à ce poste le président actuel de la Halcia ? Un homme qu’on crédite d’un sens de justice et de rigueur mais qui, à l’épreuve des faits, est investi d’une mission dans laquelle il ne peut que laisser des plumes.

C’est très clair, le procureur de la République va s’occuper du menu fretin tandis que les gros poissons vont être «gérés» par le président de la République. Ces 30 dossiers sont certainement des affaires incriminant la grosse clientèle politique, rose en particulier qui s’apprête à un congrès à grand enjeu pour le Président Bazoum Mohamed dont le sort peut être définitivement scellé à l’issue dudit congrès.

Si Bazoum Mohamed, le président de la République et président du Haut conseil de la magistrature a reçu, lui et personne d’autre, les rapports de ces 30 affaires, c’est d’abord, certainement, dans la perspective du congrès du Pnds Tarayya. N’est-ce pas avec de tels dossiers qu’on tient en laisse des adversaires politiques ? C’est, il faut en convenir, l’unique dessein de ces enquêtes sans lendemain judiciaire. Ces dossiers sont entre les mains de Bazoum Mohamed qui peut les utiliser comme il veut, quand il veut et selon ses desiderata. Le bon vieux deal « tu t’alignes ou tu vas en prison » est, dans la perspective d’un congrès comme celui qui s’annonce au Pnds Tarayya, une très forte probabilité. Ces dossiers entre les mains de Bazoum Mohamed sont, donc, une arme fatale pour tous ceux qui, au sein du Pnds Tarayya, ont l’intention de lui faire barrage pour un second mandat présidentiel. Il lui faudra savoir manier le bâton et la carotte et la Halcia, en lui transmettant 30 dossiers triés à dessein, lui a donné les moyens de son ambition. Et comme on peut s’en douter, ces rapports sont les résultats d’enquêtes diligentées sur la base, déjà, d’affaires sélectionnées pour leur sensibilité politique. Quoi qu’il en soit, la Halcia est une institution budgétivore qui ne sert que les desseins, hier d’Issoufou Mahamadou, aujourd’hui de Bazoum Mohamed. Des desseins très éloignés de l’intérêt général et qui alimentent, entretiennent et promeuvent la corruption en garantissant aux auteurs une impunité totale. De la même façon qu’Issoufou Mahamadou l’a utilisée pour ses fins personnelles, de même Bazoum Mohamed va l’utiliser à ses fins personnelles. Il ne faut pas se faire d’illusions là-dessus.

BONKANO