Nous ne voulons pas le croire ; cependant quand l’évidence s’affiche et se fait têtue, il est inutile, maladroit et même risqué de s’y opposer. Le Président Bazoum Mohamed est loin de mener de façon concrète cette lutte qu’il a voulue implacable contre la corruption. Quoique l’on dise ou que l’on fasse, il reste évident que le pillage systématique des ressources qui a vu le jour avec l’avènement des Guristes au pouvoir est loin de s’estomper. Loin de connaître un début de solution, la corruption ne fait que s’exacerber dans notre cher Niger. Plus, elle semble prendre des proportions insoupçonnées car les ficelles sont tirées par des individus haut perchées que les magistrats ne sauraient atteindre, aussi plausible que puissent être les faits qui les incriminent. On a tout fait, mais le bâton de la justice continue à frapper le pauvre contribuable, celui-là sur lequel il est facile de mettre la main dessus. Au-delà, la forêt qui entoure l’arbre reste touffue, infranchissable. De hautes personnalités citées dans de grosses magouilles continuent à trôner royalement à leur poste, gérant des individus auxquels ils sont sensés contrôler et mettre au pas. Quel paradoxe que celui du voleur qui enseigne l’orthodoxie. L’un des cas qui fait grincer les dents des nigériens et de la communauté internationale est cette affaire de la BAGRI dans laquelle des individus haut perchés (Un ministre parait-il et ses sbires) vaquent à leurs occupations pendant que des cadres et fonctionnaires qu’ils ont utilisés pour s’enrichir croupissent dans les geôles. Ne discutez pas ce fait ; autorisez juste ces prisonniers innocents à animer des points de presse. Vous sauriez qui les auraient autorisés et poussés à faire ceci pour le compte de qui ; ici on parle de comptes bancaires s’il vous plait. Des comptes logés dans les capitales voisines ou occidentales car un compte garni au-delà d’un demi milliard attire forcément l’attention. Tous les gens annoncés dans cette affaire auraient engrangé audelà de cette somme. Cependant, pour l’instant il n’ y a aucun dossier autour de ces barons du régime. Seuls les boucs émissaires sont suivis et confinés dans des prisons sans droit de pouvoir parler. C’était le cas avec l’affaire Ibou Karadjé qui a été incarcéré sans avoir fini de citer ceux qui ont trempé dans sa magouille. D’ailleurs les quelques- uns qu’il a réussi à citer n’ont nullement été inquiétés. Depuis lors, on a réussi à lui faire clouer le bec.
Ainsi comme on n’a pas de dossiers solides sur lesquels on peut s’appuyer pour démontrer et attester la réussite de cette opération «Boulala basani basabo», on revient avec des atermoiements qui servent le ridicule. Ecoutons le Président de la République lui-même dans ses explications mitigées, presque contradictoires : «J’ai toujours fait part de mon engagement à lutter contre la corruption et l’impunité. Je voudrais faire observer à ceux qui semblent douter de la sincérité de mon engagement en la matière que jamais les prisons du Niger, sous aucun régime depuis notre indépendance en 1960, n’ont compté autant de cadre l’Etat privés de leur liberté pour fait de corruption ou de détournement de deniers publics».
Eh oui ; jamais notre pays n’a compté dans ces prisons autant de cadres et d’agents indélicats qui se seraient amusés avec l’argent de l’Etat. Bien sûr que c’est une évidence car deux faits réels et palpables peuvent justifier cet état de fait. Le premier est tout à fait démographique car notre population augmente et le chiffre grandissant qui dépasse celui des années passées ne fait que s’aligner logiquement. Quand on trouve deux voleurs sur cinq mille personnes, pourquoi ne pas trouver plus quand on a cinquante mille personnes. Et ça grouille dans les prisons du fait que les infrastructures sont vétustes et vous n’avez jamais pensé à les étendre ou à les réhabiliter conséquemment.
Le second aspect qui justifierait cet état de fait reste la taille des malversations qui s’aligne lui aussi aux taux des affaires. En effet, nul n’ignore que de gros sous soient rentrés dans ce pays. Le Niger est aujourd’hui l’un des pays qui brassent le plus d’argent dans la sous-région. Les ressources exploitées et exportées sont multiples. Jamais le pays n’a signé autant de conventions de partenariat économique qui sont en train de mobiliser des sommes colossales dans ce pays. Alors, comme on le sait, la cupidité de nos dirigeants actuelle n’est plus à démontrer. De façon concrète, les ristournes et les autres à côtés que les gens se créent sont nombreux et énormes. Si dans le temps on gagnait un million avec un marché de 100 millions qu’on aurait octroyé, combien gagnerait- on aujourd’hui avec un marché de plus de 500 millions ? C’est autour de ces mouvements de capitaux que les uns et les autres se trahissent, se dupent et abusent de la confiance placée en eux. Quoi d’étonnants que les prions soient de plus en plus remplies ?
Excellence, les prisons sont donc remplies pas du fait de vos efforts d’assainissement mais par des preuves de statistiques logiques. En réalité votre opération de lutte contre la corruption n’a fait que produire un nombre important de corrompus protégés par vos propres soins ; eh oui ; vous portez la responsabilité politique du régime et vous avez bel et bien juré sur le saint Coran pour gouverner avec transparence, équité, impartialité et droiture. Des vertus qui souffrent le martyre sous votre magistère. Vous auriez vousmême décelé de grands dysfonctionnements dans le traitement des dossiers par l’appareil judiciaire. Raison pour laquelle, un an après, vous revenez avec cette formule qui résonne comme un vain espoir : «Je voudrais à ce égard réitérer mon appel aux magistrats pour qu’ils fassent leur travail convenablement car leur rôle est déterminant dans ce combat contre l’impunité. Ils doivent surtout se garder de protéger ceux des leurs lorsque le comportement de ceux-ci n’honore pas leur noble fonction de juge». Pourquoi un tel appel si réellement les prisons sont déjà remplies de hors la Loi et de délinquants financiers ? Vous êtes très certainement conscient des dossiers de saccage de deniers publics qui pèsent sur des personnalités très influentes. Des dossiers dont vous-mêmes ne saurez autoriser leur traitement ; c’est dire que vous-mêmes seriez acteur de la magouille, de la corruption car vous la cautionnez.
Amadou Madougou