En novembre 2015, c'est à une procédure accélérée que le juge communautaire a refusé d'accéder, il n'a jamais jugé le dossier
C'est ainsi que Hama Amadou sera, coup sur coup, "guillotiné" par la Cour d'appel de Niamey, puis par la Cour de cassation, sous la présidence d'un certain Bouba , aujourd'hui devenu président de la Cour constitutionnelle. Estimant que les droits de son client ont été bafoués sur toute la ligne, sur fond de violation des règles de droit comme l'a relevé l'Union interparlementaire (UIP), la défense de Hama Amadou a alors saisi la cour de justice de la Cedeao. Une démarche d'autant plus indiquée que toutes les voies de recours national ont été épuisées et que, lors de la première saisine de la cour de la CEDEAO, il s'agissait de voir la cour mettre en branle une procédure d'urgence en vue de contrecarrer les velléités du pouvoir de Niamey décidé à empêcher le président de Lumana d'être candidat à l'élection présidentielle de 2016. La Cour de la CEDEAO n'a, donc, jamais eu à apprécier le dossier dans son fond, encore moins à se prononcer sur la conformité au droit des procédures suivies au Niger pour le faire condamner.
La Cour de justice de la CEDEAO a esquivé les questions qui lui ont été posées
De l'avis de nombreux observateurs, y compris des initiés, la Cour de justice de la CEDEAO a péché. Elle a royalement ignoré les violations des droits de Hama Amadou en tant que ressortissant de l'espace, de son incarcération aux décisions controversées de la Cour d'appel et de la Cour de cassation. Ces questions, indique-ton, ont pourtant été versées au dossier lors des mémoires complémentaires. Dans les milieux proches de l'opposition, et en particulier dans les rangs du Moden Fa Lumana Africa, parti du chef de file de l'opposition, le verdict du juge communautaire est plus que surprenant. Ils avaient fondé tant d'espoir de voir la Cour de justice de la CEDEAO prononcer un délibéré proche de celui de l'UIP, voire plus cinglant. Aujourd'hui, avec cette décision d'autorité de la chose jugée alors qu'elle n'a jamais statué sur ce dossier dans le fond, ni sur les procédures, la cour de justice de la CEDEAO se discrédite lourdement. Pour de nombreux Nigériens, cette décision du juge communautaire leur paraît quelque peu suspecte. Outre le fait que les parties ont plaidé devant la cour le 2019 et que le délibéré a été mis pour le 30 octobre, beaucoup de gens évoquent, avec des relents de suspicion, l'arrivée, en juillet 2019, du président de la commission de la CEDEAO, Jean Claude Kassi Brou, à Niamey. Les mots qu'il a prononcés à l'occasion de l'audience que le Président Issoufou lui a accordée sont encore rappelés comme la preuve d'une sujétion : " Nous avons vraiment été très heureux de cette nomination, à l'unanimité, à la tête de la CEDEAO ".
Le juge communautaire a établi la preuve de son inutilité
Par cette décision des plus troublantes qui évite à la CEDEAO de désavouer son président en exercice, le juge communautaire met de l'eau au moulin de tous ceux qui, au sein des Etats membres, qui estiment que cette institution ne sert pratiquement à rien d'autre qu'aux chefs d'Etat et leurs pouvoirs. Du côté de Niamey en particulier, l'on n'hésite pas à dire que la CEDEAO a désormais établi la preuve qu'elle est inutile.
Laboukoye
02 novembre 2019
Source : Le Courrier