Décidément, le régime de la renaissance, tous Actes confondus, reste incorrigible dans les mauvaises pratiques liées à l’attribution des marchés publics au Niger. Vous rappelez-vous sans doute, dans son Rapport général 2021, la Cour des Comptes avait relevé de nombreuses irrégularités dans l’attribution de marchés publics ou de délégations de service public au niveau des ministères de la république, d’institutions étatiques et de sociétés d’Etat. La haute juridiction en matière financière et budgétaire avait particulièrement stigmatisé le recours à ce que l’on appelle, couramment, la procédure par entente directe, soit avec mise en concurrence, soit sans mise en concurrence. Comme l’on peut le voir, la négociation par entente directe est une procédure dérogatoire à celle classique de l’appel d’offre ouvert, qui intervient dans des conditions bien spécifiées par le Code des Marchés publics ou de Délégations de service public. La procédure par entente directe comporte deux modalités : elle peut être accompagnée d’une mise en concurrence, auquel cas l’Autorité contractante fait appel à un nombre restreint de candidats pour en choisir le moins disant ; elle peut ne pas comporter de mise en concurrence, auquel cas la négociation ne doit porter ni sur l’objet, ni sur la consistance du marché, mais uniquement sur le prix et les délais de livraison, comme le précise l’article 51 du décret n°2016-641/PRN/PM du 1er décembre 2016, portant Code des Marchés publics et de Délégations de service public au Niger.
Cependant, en dépit de cet en cadrement juridique très strict de la procédure par entente directe, le régime de la renaissance y recourt souvent, quand il n’en abuse pas tout simplement. Hier, c’étaient les marchés de constructions d’infrastructures universitaires (Amphithéâtres, salles de cours, dortoirs) à Niamey, Maradi, Tahoua et Zinder, qui étaient attribués à une entreprise malienne par voie d’entente directe sans mise en concurrence pour un montant faramineux de plus de 31 milliards de francs. Dans un premier temps, le marché en question avait été rétorqué pour vices dans la constitution du dossier, avant d’être, finalement, autorisé. Aujourd’hui, c’est au tour du Ministère du Commerce de s’illustrer dans cette dérive en octroyant, par entente directe, un marché de près d’un milliard de nos francs, pour la fourniture et l’installation de deux (2) unités de cogénération d’électricité et de gazéification de la balle du riz, au profit de l’entreprise AGGABA, apprendt- on dans le communiqué final du Conseil des Ministres du 12 janvier 2023.
Pourtant, à y regarder de très près, l’on peut se rendre compte que les conditions pour recourir à la négociation par entente directe étaient loin d’être remplies dans ce cas précis, voire dans le cas des marchés du Ministère de l’Enseignement supérieur évoqués tantôt. En effet, aux termes de l’article 51 du décret n°2016 – 641/PRN/PM du 1er décembre 2016, portant Code des Marchés publics et de Délégations de service public, la négociation par entente directe ne peut porter que sur «des travaux, de fournitures ou de services destinés à répondre à des besoins qui ne peuvent être satisfaits que par un prestataire ou un groupe de prestataires détenant un brevet d’invention, une licence, une marque, des droits exclusifs ou une qualification unique».
Au regard de cette disposition légale, l’entreprise AGGABA remplirait-elle toutes les conditions posées par cet article 51 ci-dessus évoqué ? Les recherches menées à ce sujet sur cette entreprise ne permettent pas de répondre avec satisfaction à cette question. En effet, les recherches en question se sont tournées en direction des milieux industriels nigériens pour savoir si effectivement cette entreprise était détentrice d’un brevet d’invention ou disposait d’une licence dans le domaine indiqué dans le marché public en question, à savoir la fourniture et l’installation de cogénération d’électricité et de gazéification de la balle du riz. Il faut ouvrir ici une petite parenthèse pour expliquer ce procédé industriel qui consiste, à partir de la balle du riz (la coque qui enveloppe le grain de riz), à produire du gaz pour alimenter des turbines afin de produire de l’électricité. On sait que le Niger produit assez de riz pour que cette balle puisse être utilisée pour produire de l’électricité dans le but de résorber la facture énergétique nationale. Comme on le voit, c’est un procédé de haute technologie qui requiert une grande maîtrise de la part des personnes qui décident de s’y consacrer.
En revanche, tout ce que l’on a pu découvrir sur l’entreprise AGGABA concernait un marché de fourniture d’aliments pour bétail, grâce à l’appui du Projet d’Appui à l’Agriculture Sensible aux risques Climatiques (PASEC), en 2020, en pleine crise de la pandémie du COVID- 19, d’un montant de plus de trois (3) milliards de francs CFA.
On le voit bien, cette entreprise serait très loin du profil posé par l’article 51 du Code des Marchés publics et de Délégations de service public. Mais, le régime de la renaissance n’en a cure, champion toutes catégories confondues dans la mauvaise gouvernance. En mai 2022, un audit commandé par l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) avait révélé que plus de 30% des marchés publics attribués en 2021 n’avaient pas respecté les procédures en matière de passé de marchés publics. Mieux, le rapport d’audit avait recommandé à l’ARMP d’améliorer la qualité des saisies des marchés publics dans la base des données, en s’assurant de l’exactitude des champs renseignés, d’inclure, dans le champs d’attribution des marchés par entente directe sans mise en concurrence, l’urgence impérieuse comme motif de recours aux fins de faciliter l’atteinte des objectifs des institutions ; de réfléchir à l’élaboration d’un Code de marchés publics ‘’commenté et annoté’’ afin de faciliter la compréhension et l’application, par les autorités contractantes, de certains articles sujets à des interprétations divergentes. Tout indique que le régime de la renaissance demeure indécrottable dans ses travers mafieux et tant pis pour les finances publiques !
Adamou Maiga