A ceux qui pourraient se demander pourquoi le gouvernement a fait le choix d’une enquête parlementaire plutôt qu’une procédure judiciaire, la réponse est toute trouvée : selon Bazoum, à l’Assemblée il est plus facile de contrôler la situation que de courir le risque de confier le dossier à un juge qui sera peut-être difficilement malléable.

Ce raisonnement impacte sérieusement l’efficacité et l’objectivité de la commission d’enquête surtout quand on sait qu’au parlement, les décisions se prennent par vote et la majorité finira toujours par l’emporter. Pire encore, le président de l’Assemblée nationale est dit, à tort ou à raison, être un lieutenant de Hassoumi Massoudou auquel il doit en partie ses fonctions, selon certains. Ne perdons pas de vue que ladite commission est composée de dix membres dont deux sont des groupes parlementaires de l’opposition. En cas de vote mécanique au sein de cette commission, le résultat sera en principe de : huit contre deux, si, évidemment, chacun met son objectivité de côté pour ne tenir compte que de son appartenance politique.

On se rappelle également, la bisbille qu’un simple post sur Facebook du député Abdourahmane Oumarou avait provoqué entre lui et le président de son groupe parlementaire. Le premier relevait la nécessité d’une enquête parlementaire concernant l’uraniumgate et le second l’a désavoué en disant qu’il est hors de question allant même jusqu’à laisser entendre que son collègue a commis une « erreur » dont il se serait d’ailleurs excusé.

Faux, a rétorqué le député Abdourahmane Oumarou. Que dire aussi du député PNDS Boukary Sani Zilly qui affirmait devant la presse qu’il est hors de question qu’une commission d’enquête soit mise en place sur cette affaire ? On le voit bien, la majorité n’était pas disposer à aller vers cette alternative et si elle a fini par l’accepter, c’est forcément parce qu’il y a anguille sous roche.

Autre chose, autre problème. Une enquête nécessite des moyens financiers, matériels et humains. Dans le cas d’espèce, la commission sera obligée de se déplacer dans les pays concernés par l’uraniumgate en l’occurrence la France et les Emirats-Arabes-Unis. Les billets d’avions, les frais de séjour et de mission, tout ça constitue d’énormes dépenses. Et dans ce contexte où le gouvernement peine à payer les pécules, bourses et salaires, il est à craindre que le ministre des Finances n’ait pas trop envie de débloquer les sommes nécessaires à l’enquête sur sa présumée implication dans une affaire de détournement de plusieurs milliards. Ce seul conflit d’intérêt est une bonne raison pour le ministre Massoudou de démissionner pour ne pas influencer ladite enquête.

Aussi, le fait que le ministre Massoudou soit le directeur de cabinet du président Issoufou à l’époque des faits complique davantage la situation. Comment pouvait-il aller gérer une telle affaire qui implique l’État du Niger sans s’en référer à son chef hiérarchique en l’occurrence le président de la République au service exclusif duquel il se trouvait ? Si le chef de l’État était au courant et aurait donné son aval, comment convaincre les enquêteurs que 200 milliards sont transférés d’un compte de SOPAMIN à un compte privé sans que cela ne soit illégal ? Et si ça l’était, la majorité parlementaire acceptera-t-elle d’aboutir à une conclusion qui impliquerait le président de la République ? Évidemment non ! Alors, où s’arrêtera cette enquête ? En bon chemin ? Ou dans les tiroirs du président de l’Assemblée nationale Ousseini Tinni ? Rien n’est moins sûr !

Sans excès de pessimisme, nous voulons bien croire au caractère salutaire de cette commission d’enquête sensée faire la lumière sur l’effrayante histoire de 200 milliards de la SOPAMIN virés dans un compte privé à Dubaï. Mais nous ne pouvons laisser libre cours à notre jubilation tant les obstacles semblent multiples et multiformes sur le chemin des enquêteur.

Seul motif de satisfaction, la présence de deux membres de l’opposition permettra sans doute de savoir si les choses se déroulent normalement ou non.

En attendant, Le Monde d’Aujourd’hui refuse de croire en une quelconque volonté du gouvernement et de la majorité parlementaire de faire la lumière sur les profondeurs de l’Uraniumgate. Nous attendons et espérons que les faits nous donnent tort.

Autre certitude, tant que Mahamadou Issoufou demeurera au sommet de l’État rien de mal n’arrivera à Hassoumi Massoudou car c’est lui qui le charge de ses missions secrètes. Mais l’inquiétude pour tous les deux est la nature internationale que prend cette affaire d’uranium, un métal avec lequel on fabrique des armes nucléaires très dangereuses pour l’humanité surtout en ces temps de terrorisme. Le monde entier est inquiet en témoigne les enquêtes en France mais aussi aux États-unis d’Amérique où selon un confrère le FBI se serait saisi aussi d’une enquête. Donc, si la commission d’enquête arrive à étouffer l’uraniumgate au Niger, les enquêtes en France et au USA pourraient bien épingler les auteurs, coauteurs et complices éventuels Nigériens et autres. Attendons seulement !  

Ibrahim A. YERO

23 mars 2017
Source : Le Monde d'Aujourd'hui