Monsieur le ‘’Président”,

Si vous trouvez inadmissible que Kidal soit le nid de groupes terroristes, ne trouvez-vous pas qu’il est encore plus inadmissible que des agents de sécurité de l’Etat soient impliqués dans le trafic de drogue et qu’ils soient libres ? Nos compatriotes, qui se sont fait une religion à ce propos depuis les révélations sur le niveau et la nature des complicités internes dont jouissent les trafiquants de drogue au Niger, ont compris pourquoi il est si facile pour vous de parler de Kidal. Ils ont compris pourquoi il est si facile de demander à nos frères maliens de balayer devant. leur porte alors que devant la nôtre jonche un tas immense d’immondices. C’est le trafic de drogue, vous le savez mieux que moi, qui finance le terrorisme. Avant de chercher à mettre votre homologue malien, Ibrahim Boubacar Keïta, devant ses responsabilités (?), je crois, en toute humilité, que votre devoir vous commande en priorité de lutter contre le trafic de drogue au Niger et de neutraliser tous ceux qui, à quelque échelon que ce soit, travaillent pour cette cause criminelle. Si vous le faites avant de partir, vous aurez déjà assuré, à 40% au moins, les bases d’une sécurité du Niger. Se rappeler subitement, aujourd’hui, que Kidal est une menace pour la sécurité du Niger, c’est oublier que depuis plus de sept ans, des soldats nigériens tombent comme des mouches sous les balles de ces hommes armés. C’était le cas à Ouallam, à Mangaïzé, à Ayorou, à Tongo- Tongo, etc. Vos compatriotes auraient mieux apprécié si vous avez constamment exprimé cette émotion attendue d’un chef d’Etat et réagi conséquemment.

Monsieur le’’Président”,

En neutralisant les hommes de main des trafiquants de drogue au Niger, vous enlevez à ces groupes terroristes que vous dites tapis à Kidal et qui s’attaquent au Niger, 50% de leurs moyens d’action. Mais ? Cela ne sera pas suffisant. Il vous faudra également faire violence sur vous-même pour accepter que l’armée de l’air puisse faire usage de ses appareils à chaque fois que de besoin. J’ai pensé, au lendemain des révélations du journal Le républicain sur l’état des hélicoptères et autres avions de l’armée cloués au sol par faute de maintenance, que vous allez publiquement réagir pour décanter la situation et permettre aux Forces de défense et de sécurité de disposer de la plénitude de leurs moyens. Mais, vous étiez resté de marbre, comme si cela vous arrangeait qu’ils soient cloués au sol, inutilisables. Je n’ai jamais compris cette attitude du chef suprême des armées que vous êtes. Car, un chef militaire ne reste pas indifférent pendant que ses hommes sont fauchés par l’ennemi alors qu’il y a de quoi le neutraliser.

Monsieur le ‘’Président”,

En plus d’engager une lutte féroce et sans fards contre le narcotrafic au Niger, fléau dont vous connaissez mieux que moi l’ampleur et les conséquences, vous gagnerez certainement à doter l’armée nigérienne des armements et équipements militaires adéquats. Cela n’est pas hors de portée d’un gouvernement qui a mis tant de milliards dans la construction d’échangeurs et d’immeubles. Vos priorités intriguent vos compatriotes. Elles intriguent d’autant plus que vous avez régulièrement déclaré que vous investissez 10% au =moins du budget national à la sécurité. Or, 10%, c’est en moyenne 170 milliards par an en tenant compte de l’évolution du budget national au cours des neuf dernières années. Où vont tous ces milliards alors que nous ne pouvons même pas assurer la maintenance et la mise en état d’usage des appareils volants de l’armée de l’armée de l’air ?

Monsieur le ‘’Président”,

Kidal ne peut être un alibi pour justifier les insuffisances de votre politique sécuritaire. Car, Kidal a beau être le sanctuaire de groupes terroristes, il n’y a pas lieu d’en faire votre cheval de bataille tant que vous n’avez pas pris les mesures nécessaires pour protéger votre pays et son peuple contre ces terroristes. Or, les connivences de réseaux organisés et tapis au sommet de l’Etat avec les narcotrafiquants sont avérées. Si vous les ignorez pour vous en prendre au Mali, vous faites alors un mauvais procès au Mali qui souffre déjà de la partition de fait de son territoire. Si j’étais à la place d’Ibrahim Boubacar Keïta, je n’attendrais pas que vous veniez chez moi pour réaffirmer, en face, ce que j’aurais considéré comme un manque d’égards à mon endroit pour vous dire, par le même canal (Jeune Afrique), de balayer d’abord à votre porte. La réponse du berger à la bergère, dit-on.

Si, entre autres menaces auxquelles le Niger et le Mali sont confrontés, vous avez bien relevé le trafic de drogue, il reste que votre action n’est pas à la hauteur des attentes. Vous ne pouvez pas convaincre en stigmatisant le trafic de drogue et en le présentant comme une menace contre la sécurité du Niger tout en tolérant que des hommes, de surcroît, chargés de cette sécurité, soient impliqués dans ce trafic.

Monsieur le ‘’Président”,

Vous avez convenu, avec votre homologue malien, que la question sécuritaire ne peut être que militaire et qu’il y a lieu d’investir dans le développement économique et social. Le croyezvous sincèrement ou est-ce simplement pour le marketing politique ? Vous n’avez, je le répète, aucune chance de convaincre au Niger, tant les scandales financiers et les montages grossiers liés à des affaires sordides, ont coûté tant de milliards au Trésor public. Des milliards qui auraient amplement suffi à financer conséquemment une école nigérienne de qualité, à assurer la santé aux Nigériens, à leur donner de l’eau potable, etc. Pendant plus de neuf ans, vous avez bénéficié de tant de ressources pour que le Niger soit à l’abri du besoin élémentaire. Qu’en avez-vous fait ? Des individus détournent des milliards pour leur profit personnel, vous les récompensez au lieu de leur faire payer pour leurs forfaits. Les cas Issaka Assoumane, promu directeur de Cabinet auprès de vous et Maïzama Gaya, nommé consul du Niger à Kano, entre autres, sont là pour discréditer votre discours sur le développement économique et social. Du reste, les budgets de votre gouvernement ont régulièrement rétréci la part réservée aux secteurs sociaux de base. Alors ?

Malami Boucar  

20 septembre 2019
Publié le 11 septembre
Source : Le Monde d’Aujourd’hui