Lettre au “président de la République”: Monsieur le “Président” Je ne voudrais pas faire dans le genre oiseau de mauvais augure, mais ça m’a tout l’air que ça va barder

Si je n’étais pas aussi engagé que je le suis face aux problèmes de mon pays, j’aurai sans doute abandonné le combat depuis si longtemps. De nombreux compatriotes, outrés, disent-ils par votre gouvernance et la situation dans laquelle vous risquez de laisser notre pays, m’interpellent régulièrement. Ils se demandent pourquoi je ne me lasse pas de vous écrire, de vous interpeller, de vous conseiller, bref, de chercher à appeler à la raison quelqu’un qui semble sourd et muet. Je réponds, de façon imperturbable, qu’il s’agit, pour ma part, de rester engagé aux côtés de mon peuple afin de partager ses douleurs, ses peines, ses déceptions, ses petits bonheurs, ses espoirs et de travailler à créer les conditions d’une prise de conscience de l’élite dirigeante. Car, à bien des égards, on constate que le pouvoir, parfois, crée un vide autour d’un chef, l’isole et le place dans une sorte de bulle qui lui donne, malheureusement, l’impression d’être immortel et infaillible. Car, le pouvoir use et fait prendre pour celui qui l’exerce trop longtemps, ses illusions pour la réalité. Et, lorsque vous vous faites entourer d’une cour de laudateurs prêts à vous applaudir et à clamer un frac succès là où il faut plutôt pleurer et baisser la tête, à tête de vous dire que c’est l’échec total, vous êtes bon pour le ;;;.

Monsieur le ‘’Président’’

C’est vous dire qu’en cette fin de second et dernier mandat à la tête de l’État, vous êtes loin d’être le seul à vous morfondre sur votre sort. Vous allez partir, avec des remords et des regrets, mais nous autres, nous restons avec l’amertume d’avoir échoué à vous mettre dans la voie du peuple. J’ai échoué, je l’avoue, dans cette mission louable. Cependant, je ne me plains pas du tout. Je considère que je me suis acquitté d’une mission, de toute façon, ingrate, mais l’histoire retiendra qu’on ne vous a pas lâché tout seul, sans faisceau pour vous guider dans ce labyrinthe de l’exercice du pouvoir. Je ne plains pas du tout car j’ai été régulièrement présent, anticipant sur la survenance de certains problèmes pour vous suggérer une conduite, un discours. Dans le pire des cas, je me suis exprimé sur les grands évènements et faits qui ont marqué votre magistère et je n’ai point été avare de conseils pour vous éviter ce fossé qui caractérise les dictateurs, ces chefs d’État qui savent qu’ils ne doivent pas leur pouvoir à leurs peuples et qui font tout pour leur faire payer le prix fort. En l’espèce, vous n’êtes pas allé du dos de la cuillère. Ah ! Je me souviens de ces lois de finance qui ont fait la part belle à des sociétés internationales qui font dans le profit et compliqué l’existence de vos compatriotes avec des taxes et impôts nouveaux.

Je me souviens de ces détournements, par milliards, qui vous laissent pantois, lorsque vous ne décidez pas carrément de faire écran aux auteurs afin de les mettre à l’abri de la justice, et donc, de la prison.

Je me souviens de ces trafics, dont le plus douloureux, celui de drogue, vous a laissé presque indifférent, malgré l’extrême conséquence sur la sécurité du Niger, la drogue étant la source de financement du terrorisme qui a fait tant de morts et de dégâts matériels, sans compter la tragédie humaine des déplacements de nombreux compatriotes qui ont dû se résoudre à quitter leurs terres pour se réfugier ailleurs.

Je me souviens de ce scandale du ministère de la Défense nationale, un scandale sans pareil, au regard de la triple tragédie financière, matérielle et humaine qu’il implique, et que vous avez réussi, par des subterfuges, à ranger dans la vaste poubelle des dossiers qui étrangleront, un jour, vos proches.

Je me souviens de ces arrestations arbitraires d’hommes politiques, de journalistes, d’acteurs de la société civile qui ont pour unique tort de ne pas être d’accord et de le clamer. Je pleure encore le sort de Bakary Saïdou, cet homme encore maintenu en prison depuis plus de quatre ans, alors que rien ne justifie son incarcération.

Monsieur le ‘’Président’’

Vous allez bientôt partir. Et probablement, comme tous ceux qui sont partis dans des conditions pareilles à la vôtre, vous allez comprendre l’ampleur des préjudices que vous avez faits au peuple nigérien. La gestion du pétrole, la remise en cause des accords miniers, l’uraniumgate, l’achat scabreux de l’avion présidentiel, les permis miniers, la rupture d’égalité des Nigériens devant la loi, les violations de la constitution, l’exacerbation de la corruption, des trafics d’influence, les fraudes aux concours d’entrée à la Fonction publique, la cohésion sociale et politique, etc. Tout vous repassera comme un film.

En attendant, les élections pointent à l’horizon pour ne pas dire qu’elles sont déjà là. Dans une douzaine de jours, les Nigériens doivent aller aux urnes. Cependant, l’état des préparatifs, la qualité douteuse des cartes électorales, laissent penser que les élections locales vont être un fiasco total. Je doute fort, au rythme des préparatifs, que la commission électorale puisse arriver à placer tout le matériel électoral à temps dans les 25 798 bureaux de vote éparpillés sur un territoire aussi vaste que le Niger. Hier, lundi 1er décembre encore, la commission électorale rappelait aux partis, groupements de partis et candidats indépendants qu’ils doivent impérativement déposer les signes distinctifs sous lesquels ils comptent faire leur campagne électorale. A-t-on déjà procédé au tirage au sort pour conférer un emplacement à chaque parti, groupement de partis ou candidat indépendant sur le bulletin unique ? Ou bien, c’est la Ceni qui distribue les emplacements comme elle l’entend ? C’est un autre abus, si tel est le cas. En principe, pour les élections locales, ce tirage au sort doit être fait par commune puisqu’on n’a pas forcément la même configuration du combat électoral d’une commune à une autre.

Monsieur le ‘’Président’’

Je ne voudrais pas faire dans le genre oiseau de mauvais augure, mais ça m’a tout l’air que ça va barder. Ces élections seront tout sauf des élections. Déjà, je vois des cartes électorales qui affichent des données surprenantes, voire insultantes pour les détenteurs. Un homme, avec une photo d’une femme et une date de naissance qui lui donne à peine trois ans, sinon quelques semaines. Un ami, plein d’esprit, m’a dit que de toute façon, les résultats, prêts à être proclamés, sont déjà stockés quelque part et que c’est cela qui expliquer l’effronterie de certaines personnes.

Monsieur le ‘’Président’’

Je vous souhaite de très bons préparatifs de départ.

Mallami Boucar