Une chose est claire : Le « géant africain » vient d’asséner un uppercut assassin à la ZLECAF et à l’ECO, des projets où l’opinion africaine attendait pourtant de lui, un leadership plus smart et plus innovant. Aujourd’hui, le Nigéria impose sans sourciller, une dictature économique à ses voisins immédiats, avec tout ce qu’il y’a de cruel et d’abjecte dans sa mise en œuvre : Brusque, violente, unilatérale et suivie d’une rhétorique nationaliste, support de sa justification. Première économie africaine, comptant pour environs 70% du PIB des pays de la CEDEAO, par la fermeture de ses frontières, renforcée de mesures ultras protectionnistes, le Nigéria porte ainsi un coup mortel au « rêve africain ».
Gigantesque panne économique
Sur le terrain, cette fermeture, malgré les optimismes affichés à Abuja et Lagos, a entrainé une « gigantesque panne » de l’économie ouest africaine. Une belle pagaille orchestrée dont les résultats visibles sont aux antipodes des attentes supposées de ses instigateurs. Au Nigéria même, les marchés florissants des frontières nord et ouest sont quasiment vides, mettant en chômage technique et en péril des millions d’emplois, anéantissant ainsi toute l’économie frontalière.
Du côté des frontières béninoises et nigériennes, de longues files de plus de 1000 camions chargés de marchandises, dont certaines sont périssables, attendent encore et encore. Les douanes du Benin et du Niger enregistrent les recettes les plus basses de leur histoire, ce qui aura un impact certain sur les dépenses publiques de ces pays. Devant tant de désastre économique, le Président du Parlement de la CEDEAO, Moustapha Cissé Lo, a lancé un appel de solidarité aux autorités nigérianes le 16 septembre depuis Monrovia, en vue de la réouverture immédiate des frontières. Un cri dans le désert qui se heurte pour le moment au mutisme et l’intransigeance d’Abuja.
Tout n’est pas perdu
Au delà des justifications servies, les observateurs africains scrutent particulièrement « derrière la nuque » des responsables nigérians pour comprendre les véritables motivations de ce gâchis régional. L’élite nigériane s’est-elle, encore une fois, laissée manipulée par les « forces anti panafricanistes extérieures » pour de nouveau foutre le bordel dans le rêve africain ? Se demandent nombre d’analystes qui ont encore en mémoire les rivalités fratricides entre le « groupe de Monrovia » et celui de Casablanca qui ont capoté le premier rendez-vous des « Etats Unis d’Afrique » dans lesquelles le Nigéria avait joué un rôle prépondérant.
Certains analystes plus optimistes, pensent cependant que tout n’est pas perdu pour la ZLECAF et l’ECO. Selon eux, le Nigéria veut tout simplement prendre les devants pour récupérer le leadership sur ces deux grands projets panafricanistes où il accuse justement du grand retard. Conscient de sa force en Afrique et particulièrement en Afrique occidentale, il veut à juste titre redistribuer les cartes et imposer ses règles, avant que les choses ne lui échappent totalement. Pour cela, il n’hésite pas à soumettre ces deux projets auxquels il adhère toujours, à un crash test pour remettre chacun à sa place.
Pour l’heure, le Niger, le Benin et les autres pays frontaliers se sont déjà pliés devant les premières injonctions de leur « grand voisin », en interdisant la réexportation du riz et d’autres produits alimentaires. Les frontières restent cependant toujours fermées, car le Nigéria attend de ses voisins la signature d’un nouveau « protocole pour l’assouplissement des frontières » !
Jusqu’à quand va durer ce supplice, se demande-t-on à Cotonou, Niamey, N'Djamena et Yaoundé ? Wait an see, répond-on du côté d’Abuja !
El Kaougé Mahamane Lawaly, Le Souffle de Maradi.
24 septembre 2019
Source : Le Souffle de Maradi.