Les Nigériens et tous les observateurs sont restés sceptiques, ne pouvant croire un mot de ce que Ousseini Salatou, porte-parole de l’APR, a écrit et pour cause, ce n’est pas pour la première fois que ce groupe politique a habitué les Nigériens à ces incohérences, prenant une position aujourd’hui, pour se dédire demain, sans jamais se soucier de la réputation que pareille inconstance pourrait donner de lui. Ils sont donc nombreux à ne pas briller pour cette nouvelle prise de position qui pourrait être dictée par une volonté de faire croire à des militants déçus et déroutés que leur parti a quelques soucis pour la qualité des prochaines élections et surtout pour faire croire que le parti, nourrirait de réelles ambitions présidentielles qui lui commandent vigilance sur le processus. Dans cette optique, jouant de son parti et de ses militants, l’on ne doit pas être surpris, demain, de voir le même Seini Oumarou, après la tenue de la réunion du CNDP qu’il demande au premier ministre, revenir pour dire que des garanties auront été données et que ses doutes et ses inquiétudes seraient dissipées, pour finalement s’inscrire dans la démarche. Pourquoi donc ce MNSD, sans ambition finalement aussi bien pour lui-même que pour le Niger, tient-il tant à trahir ce pays et sa démocratie, jouant à ces sournoiseries compromettantes ? Peut-il rester s’assumer en soutenant jusqu’au bout à ses risques et périls, ou prendre son courage entre les mains, abandonnant sa pitance qui le retient dans le système, pour aller dans le combat de la démocratie, le seul qui vaille aujourd’hui pour le Niger et pour les Nigériens ? Dans sa dernière lettre, le regroupement politique que conduit l’ancien parti de Tandja Mamadou, a exprimé des inquiétudes sans qu’on ne soit rassuré sur la sincérité des allégations portées contre la CENI qui n’était pour lui pas bien hier, qui redevenait bien après et qui aujourd’hui, on ne peut savoir pour quel calcul, ne serait plus bien pour le même MNSD et son APR. Il est cependant curieux de constater que ce que l’APR reproche au processus électoral est ce que toute l’opposition, depuis des années, lui reproche, sans que jamais, le régime ne daigne écouter l’opposition, décidé à « foncer », quitte à aller droit dans le mur, certain qu’il ne peut gagner des élections dans le pays, sans les trafiquer. Du reste, Bazoum Mohamed, ministre de l’Intérieur et candidat du pouvoir, avait déjà dit à qui voulait l’entendre que les élections se feront avec ou sans l’opposition, ce que, un de ses obligés, le ministre porte-parole du gouvernement avait réitéré sur une radio internationale, de manière tout à fait peu responsable quand on sait la profondeur des malaises que connait le pays. Le régime, doit bien se méfier de tels hommes peu recommandables qui jettent de l’huile sur le feu surtout en des moments aussi incertains.

Dame Bazèye, ancienne Présidente de la Cour Constitutionnelle, avait prévenu le président Issoufou un 7 avril 2011 de faire attention aux services de tels laudateurs qui doivent leur pain au rabaissement de leur rôle. Dans la missive, ce sont trois griefs que l’APR porte contre la CENI, rappelant qu’elle « […] n’a cessé d’attirer l’attention du bureau de ladite institution [la CENI] sur la lenteur du processus électoral notamment en son volet élaboration du fichier électoral biométrique ». Peut-on croire l’APR quand elle ne peut faire cas du doute que les acteurs politiques ont sur les membres de la CENI et notamment sur son président dont on a régulièrement dénoncé les accointances avec le parti au pouvoir et notamment avec le président du parti présidentiel et candidat du parti aux prochaines élections, toutes choses que des opposants ont régulièrement relevées et dénoncées. En tout cas, le MNSD semble ne pas s’en inquiéter, pour relever seulement trois points, fondés objectivement. Mais elle ne s’inquiète d’abord que de la fiabilité du chronogramme du processus électoral établi par la CENI et publié à l’intention des partis politiques et des partenaires. Selon l’APR en effet, « Déjà à la remise de ce chronogramme, [elle avait] eu à attirer l’attention de la CENI sur son caractère très rigide qui ne laissait aucune marge de manoeuvre lorsqu’elle sera confrontée à des difficultés de délais ». Il est donc difficile, pour ne pas dire impossible pour l’APR que la CENI puisse respecter un tel chronogramme peu réaliste soumis à bien d’impondérables dont la maitrise échappe à la CENI controversée et déjà mal partie car ne faisant pas l’unanimité au sein de la classe politique.

Entre autres points relevés par l’APR, il y a « La délivrance des pièces d’état civil qui n’est pas effective dans presque toutes les régions du Niger, notamment à Tillabéry et à Dosso où elle est à moins de 50% des prévisions de la CENI », « Les commissions administratives qui devraient être installées au plus tard le 2 septembre 2019 [et qui] ne le sont pas encore » et « Le démarrage de l’enrôlement biométrique [qui] est encore incertain eu égard au non-respect de la date initiale du 1er octobre 2019 ». Pour tant de manquements, l’APR estime que la tenue des élections est hypothétique et sans doute qu’elle ne puisse plus faire confiance et c’est pourquoi, « L’APR estime que si des mesures idoines ne sont pas prises à temps, la CENI risque de compromettre l’organisation des élections ainsi que les délais constitutionnels ». A temps ? Et pourtant, c’est la même APR qui relève la rigidité des délais qui donne aucune possibilité de manoeuvre dans le temps !

La démarche de l’APR estelle pertinente ?

Si aujourd’hui, l’APR n’a plus le courage de reconnaitre que le code électoral reste le noeud gordien qui complique la crise nigérienne car gérant tout le processus de bout en bout et posant sournoisement les jalons de la fraude en perspective qui commence par l’inéligibilité grotesque de candidats craints, il reste que les conditions du choix des hommes qui animent la CENI tout comme sa composition et sa configuration sont aujourd’hui des facteurs qui divisent, ne pouvant permettre d’avoir des élections crédibles, inclusives et honnêtes dans lesquelles, le peuple souverain, seul arbitre, départagera les protagonistes. De quel droit donc le PNDS, peut-il décider de qui a le droit de se présenter et de qui ne doit se présenter à des élections ? Le problème est donc plus profond que ne le pense le MNSD qui oublie qu’on défend un idéal, des principes, non un homme ni un camp. Le MPN Kiishin Kasa n’a aucun intérêt personnel à dénoncer le code électoral car n’ayant aucune attache personnelle avec Hama Amadou que le régime vise par sa loi taillée sur mesure et on sait pourquoi, mais en le faisant, ce parti a conscience de défendre l’égalité dans la république mais aussi, une éthique, des principes qui sous-tendent l’Etat de droit et la démocratie. S’il faut laisser faire de telles pratiques qui rabaissent la démocratie dans le pays, demain et toujours, un autre, pourra user des mêmes moyens et des mêmes procédures iniques pour combattre des adversaires, en leur empêchant d’aller dans les compétitions, se servant de subterfuges pour les en empêcher. Et un autre jour, pour l’avoir cautionné, on pourrait en être la victime qui ne pourra plus trouver le moyen de s’en défendre. L’exemple d’Abdou Labo est assez édifiant : pour s’être laissé entrainer dans une combine dans laquelle, fort des faveurs du système, il espérait s’en tirer d’affaire à bon compte et laisser un autre dans le collimateur du système, il en a eu pour son grade, gémissant de douleur et de remords depuis le temps qu’il se complait dans un mutisme qui en dit long sur la conscience de ses regrets et ce après une «prison amicale» qui l’humilie.

Un front commun…

Il y a donc urgence à faire un front commun contre le processus inique qui est en cours afin de contraindre le régime, comme le Niger l’a toujours réussi, à aller à un consensus préalable, avant d’aller aux élections dans l’apaisement. Cela ne se fait pas pour un homme ou pour un parti politique, mais pour la pérennité des valeurs qui sous-tendent la vraie démocratie. De plus en plus dans le pays, les partis politiques, commencent à relever la tête pour exiger des élections crédibles et mettre le pays à l’abri de turbulences dont il n’a nullement besoin. Le MNSD, l’a-t-il enfin compris ? Peut-il d’ailleurs oublier que ce PNDS qui l’a dynamité ne respecte jamais sa parole et qu’il y va de la survie même de la démocratie et des autres partis politiques, que de se mettre en travers de sa démarche et lui imposer la tenue d’élections dans des conditions acceptées de tous.

L’opposition en a fait un sacerdoce, et dit, veiller au grain, quel que soit le prix que son engagement lui coûtera.

17 octobre 2019
Publié le 07 octobre 2019
Source : Le Canard en Furie