La nuisance des mots….
Les mots sont souvent des maux. En politique, les mots – disons les discours – peuvent être plus ravageurs que des armes car les plaies des paroles, sont plus douloureuses que celles des flèches, car irréparables d’autant que lorsque leur venin attaque jusque dans une conscience, l’on vit avec toute une vie.
Et pour parler terre à terre, les socialistes nigériens, ne savent pas parler. Le pouvoir leur a donné des arrogances et des vanités surdimensionnées. Et l’on ne peut que s’en étonner quand avant d’accéder au pouvoir, ils ne pouvaient avoir ces démesures. L’on savait que Bazoum Mohamed, cet homme qui prétend aujourd’hui diriger ce pays, n’a jamais su soigner son verbe, parlant chaque fois à blesser un autre, à se moquer d’autrui. Les agents contractuels en savent quelque chose. Peut-on se rappeler qu’il appelait l’opposition à s’inspirer du cas togolais en imposant par la violence, peut-on le comprendre, ce pour créer le rapport de force par lequel, l’opposition, selon lui, pourrait leur arracher le pouvoir. Peut-il oublier qu’en démocratie, c’est avec des bulletins, non par la force ni par les armes, qu’un pouvoir se mérite ? Il a également dit à qui veut l’entendre, que le processus est en marche et que rien ne saurait l’arrêter, avec ou sans l’opposition. Mais depuis des jours, alors que la situation se tasse et se complique, et que nombre d’observateurs s’inquiètent pour le pays, c’est un autre qui rentre en scène, tenant sur une chaîne internationale des propos tendancieux et outrageants, du même genre que ceux de son mentor. Le ministre porte-parole du gouvernement, un ministre de la République oisif et qui, dans l’organisation de l’équipe gouvernementale ne devait avoir de rôle que de se servir des médias pour porter au peuple des messages du gouvernement, ce qui, sensément, si ce n’est dans une république bananière, ne saurait justifier un portefeuille ministériel et surtout dans un pays auquel la morosité économique impose pourtant une austérité. Comme quoi le ministre porte-parole ne sait pas porter de bonnes paroles…
Faut-il croire que ces propos gravissimes sont tenus par son auteur en sa qualité de ministre porte-parole du gouvernement de Brigi Rafini ? Pour quel intérêt l’aura-t-on fait et ce à un moment où le NDI, la CEDEAO et les Etats-Unis s’intéressent au cas nigérien ? Est-ce parce que le régime n’a que faire de ce que peuvent penser des partenaires de la conduite du processus électoral et de la gestion du pays pour se croire tout permis ? Que veulent chez nous l’Union Européenne, la France, les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Italie, pour assister passifs à cette descente aux enfers ?
Au nom de quelle assurance, Abdramane Zakaria, peut-il oser un tel discours fait de mépris et de démesure ? Qui pourrait d’ailleurs l’avoir poussé à faire, au milieu de nos blessures, une telle déclaration ? S’amuse-t-il à être un Blé Goudé nigérien pour attiser des rancoeurs entre les protagonistes politiques et à quelle fin ? Peut-il être responsable dans le contexte de ce malaise profond de parler d’une façon pour renforcer la méfiance entre les deux camps ? Issoufou Mahamadou, garant de la cohésion du pays, peut-il enfin, arrêter ces oiseaux de mauvais augure pour aider à aller plutôt à ce qui apaise en conduisant les uns et les autres à la tolérance politique ? Le Niger, a-t-il besoin, dans la situation actuelle, de cette surenchère et de ces provocations ?
En tout cas, selon le ministre porteparole du gouvernement conduit par Brigi Rafini depuis bientôt neuf ans, le régime s’en moque éperdument que l’opposition participe aux prochaines consultations, car, devait-il rassurer, même sans elle, il y aura des élections. Mais des élections pour qui et pour quoi faire ? Et tout est dit et clairement : tous ceux qui doutent jusqu’ici, peuvent enfin comprendre les intentions pour lesquelles le pouvoir fait de la résistance à ne rien concéder dans le différend qui l’oppose aux partis de l’opposition et même de son camp désormais, notamment le MNSD et son APR et le PNA Al Ouma qui appelait il y a quelques jours à « démagouiller » le processus électoral.
Que cache cette intention…
Tous les observateurs auront compris qu’en réalité, le régime de la Renaissance n’a jamais voulu d’une élection inclusive et transparente. La révélation d’Abdramane Zakaria aura montré finalement les vraies intentions du régime : organiser des élections pour un camp, et ce tout en faisant croire à l’opinion internationale que c’est l’opposition qui ne veut pas de dialogue. Aussi, peut-elle se dire, si en 2016, il a imposé des élections dans lesquelles il a tout fait pour en dégouter l’opposition afin qu’elle n’y participe pas, pourquoi, ne devait-il pas être tenté de rééditer la prouesse ?
Le Niger est donc malheureusement dans ce schéma plein de périls, l’opposition ne s’étant toujours pas bien organisée pour se dresser devant un pouvoir sourd et insensible pour imposer qu’on tienne compte d’elle dans le débat politique national. Dès lors que le système est arrivé à penser qu’il peut tenir avec ou sans l’opposition des élections dont il peut imposer les résultats au monde entier, c’est que, ce gouvernement-là, ne peut et ne pourra jamais créer les conditions acceptables et acceptées de tous – si ce n’est par le rapport de force justement – pour la tenue de scrutins libres et justes dans le pays car décidé, ainsi qu’on peut le comprendre, à conserver le pouvoir, qu’il pleuve ou qu’il neige.
L’Opposition a compris ce dessein machiavélique et se prépare conséquemment à faire face à toute éventualité : plus jamais, fait-elle entendre, elle n’acceptera des élections bancales.
Ou il y a des élections pour TOUS, ou il n’y aura pas d’élections du tout. Nous sommes aux confins de la radicalité… Ce sont là les menaces qui pèsent sur le pays. Il y a urgence à agir avant l’irréparable en surveillant les discours des pyromanes. Gouverner, c’est anticiper.
17 ocobre 2019
Publié le 09 octobre 2019
Source : Le Monde d’Aujourd’hui