LES PREMICES D’UN SOUCI D’UNIFICATION DU CONTINENT
Comme je le disais plus haut c’est à travers des thèmes culturels d’abord que les noirs hors d’Afrique avaient initié des rencontres pour parler de leurs valeurs , de leurs traditions afin de susciter une totale adhésion de leurs semblables Afin de créer une synergie d’un retour aux sources et d’une appartenance à une Communauté de Destin, le retour sur la terre natale , celle des ancêtres . Nostalgie et devoir obligent !
LA CONFERENCE DE LONDRES EN 1900
Ces premières rencontres de la Diaspora africaine hors du Continent ont permis de créer un engouement qui naturellement conduit à une prise de conscience dans ces milieux . En effet, l’objectif de ce premier rassemblement était de protester contre l’occupation des terres et des domaines par les européens . Cette décision concernait surtout les Boers ( paysans ) et ce qu’on avait appelé la Charte de la Slodène , actuel Zimbabwe du nom de Cécile Rhodes . II est alors important de savoir que cette Conférence fut préparée et organisée par Sylvester William , Président de la Panafricain Association et qui réunissait 32 délégués très favorables aux thèses qui condamnaient l’exploitation des noirs .
La trentaine des délégués qui étaient à la base de cet appel dit « Déclaration au Monde » avaient amené sa Majesté la Reine Victoria d’Angleterre à faire dire par Joseph Chamberlain sa « profonde préoccupation et son souci de ne pas perdre de vue les intérêts et le bien être des races indigènes » Cette attitude de la Reine n’avait nullement convaincu les Boers et les Anglais qui s’entendaient malgré leurs différents sur la situation des terres. En effet, les Anglais voulaient refouler les noirs vers les terres arides et pauvres de l’Afrique du Sud et eux occupant les terres riches . Une rencontre qui aura le mérite d’avoir rédigé une motion qui réclamait « la Reconnaissance et les Droits des nègres , partout dans le monde , en particulier là où étaient étouffées leurs Libertés . » Puis, dix ans après en 1910 un autre évènement surviendra . Ce sera le Congrès de Paris avant que ne se tiennent 4 autres pour définir enfin l’esquisse d’un Panafricanisme naissant . Dans la construction de l’Unité Africaine , il y a eu deux étapes comme dans toute œuvre que l’on veut bâtir dans le temps et dans l’espace . ll faut naturellement du temps, assez de temps, beaucoup de temps . C’est pour cela que nous nous référons à toutes ces actions et démarches pour constituer le puzzel sur lequel sera édifié ce grand projet Continental . Toutes ces prises de décisions salutaires ont fini par conduire à la création de cette grande maison Afrique « OUA d’abord puis présentement l’UA » au profit des africains .
LE PREMIER CONGRES DE PARIS EN 1919
Ce Congrès va révéler l’implication totale des noirs dans les conflits coloniaux . II est clair que les grandes puissances qui contrôlaient nos économies n’étaient pas insensibles à toutes ces mutations qui auraient des impacts positifs dans nos colonies d’Afrique .En effet, face à l’ampleur des problèmes, il fallait absolument trouver et apporter des solutions urgentes pour unir les africains, disons les rassembler pour de bon . Un Congrès historique qui se tenait en même temps que la Conférence de Versailles sur la paix avec la contribution de 68 000 noirs . L’apport des noirs américains avait incontestablement permis la victoire de l’Europe sur l’ennemi Nazi et cela avec la participation d’un demi- million de combattants à cette meurtrière première guerre mondiale . Alors que 70 000 africains avaient sacrifié leurs vies . C’est d’ailleurs à cette occasion que le Président américain Woodrow Wilson avait posé parmi les conditions , celle de l’Auto détermination des peuples noirs , aussitôt la guerre terminée . C’est à l’initiative du Dr Dubois à qui s’étaient adjoints le premier Député africain le Sénégalais Blaise Diagne ancien combattant et Joël Spingarn un autre panafricaniste , engageant là un des difficiles mais noble combat contre le sous développement, le chômage , l’analphabétisme, l’injustice, la maladie, la famine, bref contre tous les fléaux qui minent nos pays africains .
LE DEUXIEME CONGRES PANAFRICAIN DE LONDRES, BRUXELLES ET PARIS EN 1921
Ce Congrès se tiendra à un moment où des Mouvements antiracistes venaient de naître pour enrayer et contrer justement le racisme qu’affichaient les américains blancs à l’endroit des noirs , ne pouvait que bien tomber . Ce simultané Congrès encore une fois, était à l’initiative du Dr Dubois qui voulait que l’évènement soit connu en Europe et dans le monde entier . Cette rencontre dura du 28 Août au 5 Septembre alors qu’une autre avait rassemblé 113 participants les 28 et le 29 Août à Londres et à Bruxelles entre le 31 Août et le 3 Septembre 1921. Le même nombre des participants a été constaté à Paris les 4 et 5 Septembre . Parmi les délégués, 35 venaient des Etats Unis d’Amérique et des Territoires d’Outre – Mer. Mais , l’atmosphère et l’accueil étaient les mêmes à Bruxelles où la Presse accusait les Congressistes d’être de mèche avec les Bolchéviques de Moscou alors qu’à Londres, plusieurs personnalités britanniques y avaient tenu à participer . Cette hostilité des américains et des gouvernements coloniaux n’était pas innocente , parce que ceux –ci craignaient que ces rencontres des Mouvements africains ne s’opposent à leurs intérêts politiques et surtout économiques Ceci allait à l’encontre des tenants des thèses racistes qui voulaient maintenir les noirs dans un état de sous hommes. Ce Congrès aura accompli un immense travail grâce aux prises de positions des délégués en faveur de l’égalité et des droits des libertés des noirs . A en croire les résolutions , pétitions et recommandations qui en ont découlé de ces travaux . D’une portée historique , ces décisions représentaient une sérieuse avancée en direction d’un Panafricanisme par rapport aux autres rencontres qui s’étaient déjà tenues. L’acte unique « Déclaration du monde » , adopté par le Congrès , précisait et réclamait l’égalité absolue des races : « Que tous les hommes civilisés doivent de ce fait êtres reconnus comme tels quelque soit la couleur de leur peau . Le Congrès réclamait également l’autonomie municipale qui devrait permettre ainsi aux indigènes de régler à leur niveau leurs propres affaires »
Enfin , dans la foulée le Congrès réclamait la formation et l’élévation du niveau des responsabilités des noirs, ceci jusqu’à l’autonomie interne des peuples. Mais , mieux parce qu’il exigeait aussi la participation des noirs au gouvernement local dans les colonies . II revendiquait également l’accès à l’éducation et au bénéfice de l’enseignement, ainsi que l’occupation des terres et l’accès à la propriété Les noirs exigeront aussi une Coopération de la main d’œuvre internationale et de la main d’œuvre indigène . Enfin, la liberté de pratiquer toute religion ou coutume de son choix . Ces résolutions seront toutes transmises à la Société des Nations , la SND , précurseur de l’ONU à qui le Congrès avait demandé de veiller à la surveillance et à l’application des lois .
Le Panafricanisme a ainsi gagné du terrain et de la sympathie aux yeux de l’Occident et au sérieux de ces promoteurs .
Dans cette première livraison que je viens d’effectuer, on constate effectivement que les luttes et combats pour aboutir à la création de l’ O U A le 25 Mai 1963 à Addis Abéba en Ethiopie avant d’ être transformée en U A en 2002 à Durban en Afrique du Sud, avaient été initiés hors d’Afrique . Par la Diaspora qui a pris sur elle cette grave mais courageuse décision de réunir les noirs sur les territoires étrangers . Nous lui devons l’esquisse et cette volonté de s’être dressée contre la colonisation et son administration raciste pour nous donner cet outil Panafricaniste . Elle s’était sacrifiée avant que d’autres noirs, intellectuels ne prennent le relai sur notre Continent. Je pense que nous devons lui rendre un hommage mérité . Dans la prochaine livraison , nous verrons les autres rencontres hors de notre continent avant qu’elles ne soient relayées par celles organisées sur e Continent pour enfin aboutir à cette organisation Panafricaine Nous verrons l’évolution de l’Institution devenue ensuite l’Union Africaine l’UA l’actuelle organisation . Enfin nous aborderons naturellement le Continent africain avant l’occupation coloniale , l’administration coloniale aux indépendances . Parce que nous ne pouvons pas parler de l’OUA ou de l’UA sans aborder les problèmes des pays et des Etats membres au service desquels elles sont . Nous verrons également ce que les Etats africains et les dirigeants africains en ont fait pour transférer en réalité sur le terrain ces ambitions des pères fondateurs . Dont la plupart ont été emportés par le vent de la Révolution et des combines de l’administration coloniale qui les ont « liquidés froidement » Nous privant d’un support et d’une mémoire vivante . Mais, comme je le disais dans une Conférence, nous n’allons pas nous taire et nous ouvrirons largement nos gueules pour dénoncer le mal qui nous a été fait . Nous ouvrirons nos bouches pour dire et écrire haut et fort ce qu’on a fait subir aux peuples d’Afrique comme nos parents qui fonçaient sur l’ennemi Nazi au cours des guerres coloniales , loin de leur patrie , sans peur et sans reproche . Nous devons cette vérité sur l’histoire du Continent où des hommes et des femmes se sont sacrifiés pour nous laisser aujourd’hui en héritage cette belle Afrique, notre bijou Oui cette vérité à la jeunesse et aux générations futures sur notre histoire commune souvent tronquée parce qu’écrite par l’autre . Une vérité à la jeunesse d’aujourd’hui et à celles des générations futures la vérité , toute la vérité sur l‘histoire de leur Continent . Cette belle et vaillante jeunesse laissée à elle-même doit se réveiller pour sauver ce bien commun . Cela aussi est de notre devoir afin de transmettre le témoin, avant qu’il ne soit tard . Nous avons bon espoir C’est peu être une question de temps, ce temps qui ne s’arrête pas.
Abdoulaye HASSANE DIALLO, Dr en Sciences Politiques, Directeur de Publication du journal Nigérien La Liberté, Ecrivain