Mon très cher grand frère, Docteur Miko Issa
Les latins disent « Verba volant, Scripta manent ». Autrement dit, « les paroles s’envolent, les écrits restent ».
En te rendant cet hommage par écrit, donc indélébile, ce mémorable jour Saint du vendredi 06 août 2021, marquant la première année de « ton départ » physique, puisque tu es toujours présent parmi nous, j’ai en tête les célèbres mots de François Mitterrand disant que « penser aux morts, c'est assurer la survie des gens qu'on a aimés, en attendant que d'autres le fassent pour vous ».
Et Antonin Sertillanges a dit que « la famille ne se détruit pas, elle se transforme, une part d’elle va dans l’invisible. On croit que la mort est une absence, quand elle est une présence discrète ». L’Ecrivain Birago Diop l’a dit après lui. Ceci pour te dire, Docteur Miko, que tu es parti physiquement il y a juste 365 jours, mais tu restes présent parmi nous. Et en permanence.
Je te l’avoue aujourd’hui, j’ai toujours été intrigué par l’attention que tu me portais, de ton vivant, moi, ton cadet d’une décennie, qui avait eu droit à tes visites plus que matinales à mon domicile, même lorsque tes forces avaient commencé à te manquer. J’ai compris sur le tard que tu avais toujours besoin de tes doses quotidiennes « d’Aréwalite » (amour de l’Aréwa) ou de « katarmite » (passion du royaume du katarma), ces deux passions, les seules, qui faisaient battre ton cœur.
Tu étais ainsi prêt à parcourir des kilomètres à pied pour te libérer en déversant les flots de récits que tu as pu échafauder après des dizaines d’années de recherches.
Tu avais besoin pour cela de mes oreilles distraites, moi qui à qui aura réussi patiemment et savamment à inoculer le virus. Est-ce pour cette raison, que je suis atteint d’un profond malaise sans savoir son origine ?
Je crois que je ne suis pas seul, car au vu des complaintes des uns et des autres, c’est la communauté entière qui ressent le vide laissé par « ton départ ». Tu constituais véritablement le ciment de notre communauté par ton esprit d’abnégation.
Tu savais encaisser tous les coups venant de tes cousins, ce qui autorisait le maintien des liens sacrés de la parenté.
En ce jour mémorable, j’ai également en mémoire, cette fameuse journée historique date du 10 novembre 2020, lorsque rivé à 10 heures tapantes sur mon écran d’ordinateur, dans le secrétariat de notre célèbre conseil, pour suivre en direct par visioconférence, le délibéré de la Cour de justice de la CEDEAO relatif au jugement du contentieux de la chefferie du Canton de Tibiri (Arrêt ECW/CCJ/JUD/26/20).
Lorsque j’ai entendu le président de cette auguste Cour, prononcer les mots magiques suivants : « Déclare « Mamane Fodi et 14 autres » recevables en leur requête ; • Dit qu’il y’a eu violation de leur droit à la non-discrimination et Ordonne donc à la République du Niger de prendre les dispositions pour faire cesser la violation des droits de l’homme en rétablissant le droit du lignage Sarkin Aréwa à la succession de la chefferie du Canton de Tibiri ; Condamne l’Etat du Niger aux dépens », mes pensées, toutes mes pensées, ont convergé directement vers toi. Toi qui avait décidé de nous fausser compagnie, le 6 août 2020, soit trois (3) mois avant ce verdict historique, que, sans doute, tu redoutais d’affronter. J’ai eu des pensées pieuses intenses pour mon défunt père parti 53 ans plus tôt, dont, je témoigne aujourd’hui, tu avais décidé ostensiblement de relever le défi.
Ledit verdict, faudrait-iI le rappeler, avait été livré en réponse à une requête soumise en janvier 2018, à la Cour de justice de la CEDEAO par les candidats du Lignage Sarkin Aréwa, privés de leurs droits à la candidature à la chefferie du canton de Tibiri (Département de Tibiri) depuis 2015, pour qu’elle se prononce sur les violations des principes fondamentaux des droits de l’homme dont ils avaient estimés être victimes.
C’est pourquoi, j’ai été plus ravi encore, lorsque j’ai entendu le président de l’auguste Cour, solennellement annoncer : « la loi sur la chefferie traditionnelle du Niger est équitable mais que « c’est l’application de cette loi par les autorités nigériennes, notamment préfectorales et le ministre de l’intérieur qui ont mal appliqué ce texte et qui ont amené la discrimination ». Et de poursuivre, « la cour a estimé que le rattachement administratif des cantons de Douméga et de Nassarawa à celui de Tibiri, (1912, 1918 et 1935), laisse intacts les droits successoraux des princes du Lignage Sarki Aréwa qui leur viennent de l’histoire. En effet, le canton de Tibiri est indivisible et les princes Sarkin Arawa et l’autre lignage jouissent d’un même statut de la chefferie traditionnelle ». No comment ! !
La victoire était sans appel, et c’était le graal ! Une injustice flagrante venait d’être réparée. Une plaie béante vieille de 100 ans d’injustice venait d’être refermée.
Nous venions d’échapper, le défunt frère président Baré et moi, à un autre « accident malheureux » administratif, commis par des camarades, ou que je considérais comme tels, confirmant ainsi le célèbre adage qui dit : « Dieu garde moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge ». Tu nous avais prévenus tous les deux, le défunt frère et moi, depuis des décennies : « un serpent n’est pas mort, tant que sa tête n’est pas tranchée ».
Cette fois-ci, ce que nous avions été incapables de faire pour nous même étant au pouvoir, par décence, la Cour de Justice de la Cedeao, l’a fait à notre place. Notre descendance retiendra certainement la leçon. Mais comment avions nous fait pour perdre de vue de vue qu’un adepte de Machiavel n’a pas d’ami, mais que des intérêts, pour lesquels il ne cherche qu’à satisfaire le prince ? Seul compte ses intérêts immédiat.
Pourtant Allah SWT a dit : "Il n'y a de voie (de recours) que contre ceux qui lèsent les gens et commettent des abus, contrairement au droit, sur la terre : ceux-là auront un châtiment douloureux." (Le Coran : Sourate 42 ; Verset 42).
Nous rendons grâce à Allah SWT qui nous permis de remporter cette éclatante victoire pour laquelle tu t’es tant battu en implorant Le Tout Puissant.
Mes seuls regrets, pour ces moments qui auraient pu être autrement dramatiques pour notre Lignage Sarakounan Arewa, furent que tu n’avais pas pu entendre ces mots magiques, pour nous avoir faussé compagnie 90 jours plus tôt, un jour pluvieux du 06 août 2020. De toute façon, tu n’avais peut être rien rater, puisque nous avions prévu que tu allais suivre le verdict en différé ! Puisque nous l’imaginions, le verdict défavorable, tu aurais succombé de…chagrin, et à l’inverse, en cas de verdict favorable, comme ce fut le cas, tu aurais tout de même succombé…mais cette fois ci de joie. Dans tous les cas, aurais-tu été en vie, que tu aurais suivi le verdict en différé. C’était le plan que nous avions échafaudé avec ma complice habituelle, ta moitié Baraka, et si c'était insuffisait, mon deuxième complice, ton fils Nasser, pour t’éconduire. Tout compte fait, tout finit bien qui finit bien comme le dit l'adage. Le verdict, je demeure convaincu, que tu l’as suivi en même temps que nous, 5 sur 5 de là-haut où tu te trouves.
Cette historique victoire administrative et judiciaire t’appartient plus que tout autre, puisque ce n’était un secret pour personne, et je l’avais dit tantôt, tu étais notre combattant suprême. Un combattant de notre cause Aréwa, littéralement « espace de ARI », Akazama ARI, bien sûr, ton ancêtre lointain, fondateur de cet espace appelé Aréwa. Celui qui t’aura légué le nom BA'ARI, retranscrit BA’ARE par l’état civil du colon, signifiant en réalité les gens de ARI, afin de faire la différence avec tes autres cousins maternels avec lesquels ils partagent cet espace de l’Aréwa. Ta passion du célèbre Royaume du Rounkoundoum, qui en se scindant en deux entités, a donné naissance au Takatsaba, correspondant au canton actuel de Guéchémé et au Royaume du Katarma, qui correspond, au centimètre près, à l’actuel Canton de Tibiri, j’en témoigne, était sans limites.
Ta seconde passion, c’était Douméga, ta ville natale fétiche. Tu étais un érudit de l’Histoire de notre bled, que tu as reconstituée avec brio pour notre bonheur à tous. Sache que, pour avoir accompli ce travail méticuleux, cette mission, que tu étais le seul à pouvoir mener à bien, tant elle exigeait sacrifices, dont de soi, patience et humilité, la Communauté Arawa et alliés, t’en sera éternellement reconnaissante.
Ta riche carrière professionnelle et académique, couronnée par un Doctorat d’Etat en Entomologie, cette science consacrée à l’étude des insectes, et tes connaissances étendues de l’histoire aussi bien récente qu’ancienne de notre continent ont permis ta désignation comme président du Secrétariat de la Conférence Nationale Souveraine, cette messe historique, tenue en prélude à la démocratisation de la vie politique de notre pays, tenue du 29 juillet au 03 novembre 1991, dont la commémoration du trentième anniversaire est toujours en cours.
Je ne le répèterais jamais assez, tes missions dans l’Aréwa consacrées au filmage des sites historiques, au crépuscule de ta vie, c’est-à-dire les trois mois précédent « ton départ », témoignent que rien ne peut te faire reculer quand il s’agit de recadrer l’histoire.
Pour finir, je puis t’assurer qu’avec ma sœur Baraka, ta veuve dévouée, tes enfants Mahamane dit Bébé, Nasser, Halarou, Abdourahmane, Chaibou, Ismaël et vos épouses, ton inséparable compagnon de tous les jours, Docteur Amadou Baré, nous continuons à gaver ton âme des seules nourritures dont elle a désormais besoin pour ton repos éternel : nos prières.
Repose en paix dans le Firdhaous mérité, Docteur Miko Issa
A Niamey, le 06 août 2021
Ton petit frère de Douméga ou du Katarma si tu préfères,
Djibrilla Baré Mainassara - Petit-fils de Sarkin-Aréwa Maiyaki Ba’aré Kaka (1919-1954), et arrière petit- fils de Maiyaki Kaka Daoura (1876-1910), respectivement 12 ème et 10 ème Souverains du Katarma précolonial correspondant à l’actuel Canton de Tibiri