Och-Ziff Capital Management Group, la société pour le compte de laquelle travaille Samuel Mebiane, a d'ailleurs confirmé, cette année, être sous le coup d'une enquête du département américain de la Justice et de la Security and Exchange Commission, le régulateur de la bourse américaine, pour soupçons de paiement de pots-devin au Zimbabwe, au Congo et en Libye. Il a également annoncé avoir provisionné 400 millions de dollars dans l'anticipation d'une résolution négociée de cette procédure. Mais, malgré la gravité de la question qui établit clairement la corruption qui sévit au sommet du pouvoir, au Niger, l'on n'a enregistré aucune réaction officielle. Pourtant, le procès a établi, sans ambiguïté aucune, l'implication de plusieurs personnalités, liées à un degré ou à un autre, au pouvoir actuel. C'est le cas de ce neveu d'un officiel nigérien ou encore de ce fils d'un autre officiel, tous deux ayant intervenu pour Samuel Mebiane en qualité d'intermédiaires, moyennant de fortes rétributions. C'est le cas surtout de ces officiels cités dans ce dossier de corruption à grandes échelles comme étant des personnalités influentes du régime car, exerçant des fonctions officielles et capables de prendre des mesures officielles. Ces personnalités, influentes sur les questions minières au Niger seraient-elles tout indiquées ? Si les identités des personnes incriminées dans cette vaste affaire de corruption au sommet de l'Etat, des soupçons pèsent forcément sur ceux qui ont géré les affaires en question aux périodes concernées. Pour le moment, Niamey est restée muette comme une carpe, laissant le soin aux capitales ayant un minimum de scrupules de réagir vigoureusement. C'est ainsi que dès le mardi 17 août, le gouvernement de la Guinée et les autorités judiciaires pénales guinéennes ont déclaré qu'ils " suivent attentivement l'affaire Samuel Mebiame et mèneront toutes les investigations nécessaires pour aider les autorités américaines à faire la lumière sur les allégations en lien avec la Guinée ". L'Exécutif guinéen s'est même déclaré " à la disposition des autorités américaines, avec qui il a déjà collaboré et continue de collaborer étroitement, pour apporter toute l'assistance nécessaire à la procédure en cours aux États-Unis ".
Il n'y a pas un mois, Le Courrier a révélé des "liaisons incestueuses" au sommet de l'État, relativement aux permis miniers. L'affaire Endeavour Mining, derrière laquelle se trouvent des personnalités tapies à la présidence de la République, est révélatrice de ce que cherche à comprendre la justice américaine. Ministre conseiller à la présidence de la République et ayant l'oreille de Mahamadou Issoufou qui ne peut rien lui refuser, Mohamed Akotey, par ailleurs président du Conseil d'administration d' d'Imouraren SA, s'est associé avec des anciens du géant du nucléaire français pour faire main basse sur des permis de recherches dans des régions qui ont amplement justifié leur teneur en or. Mohamed Akotey représente- t-il sa propre personne au sein d'Endeavour Niger ou assume- t-il, là aussi, une mission par procuration ? Outre Mohamed Akotey, un autre proche, précisément Adou Adam Abdoulakader, un neveu d'Alkache Alhada, directeur de Cabinet de Mahamadou Issoufou, est dans l'affaire. À la tête d'une modeste société au capital social d'un million dénommée Arbab Mining, ce neveu de l'homme dans le bureau duquel Sébastien De Montessus a fait convoquer Hamma Hamadou, directeur général de la Sopamin à l'époque de l'uraniumgate, siège dans cette équipe de mastodontes en qualité de partenaire associé à part entière. L'affaire Samuel Mebiane évoque, donc, des affaires courantes au Niger.
Est-il surprenant de découvrir que des personnalités nigériennes de premier rang ont été corrompues pour le fils de l'ancien Premier ministre gabonais pour décrocher des concessions minières ? La plupart des Nigériens répondront sans doute NON, tant le climat général de la conduite des affaires publiques sent la pourriture. Les cas de malversations financières, associées à des scandales financiers de grande ampleur, sur fond de corruption et de trafics divers, ont depuis longtemps édifié les Nigériens sur l'ampleur du mal au Niger. Le silence opposé par Niamey à la révélation de l'affaire Mebiane alors que la Guinée, par exemple, a exprimé publiquement sa disponibilité à coopérer avec la justice américaine, est en soi troublant. Pour beaucoup d'observateurs avisés sur les pratiques des autorités nigériennes, c'est un signal fort qui est envoyé aux autorités judiciaires américaines. Il est hors de question de coopérer sur cette question. Cette position ressemble fort bien à Niamey sous Mahamadou Issoufou d'autant que dans bien des cas concernant la vie publique nationale, des présumés coupables dans plusieurs affaires ont été protégés contre la justice, voire promus à des postes de responsabilité supérieure. Or, dans l'affaire Mebiane, justement, les contours des personnalités rendus publics par la justice américaine laissent supposer qu'il s'agit de personnalitésclés du régime et de leurs progénitures. En attendant que la lumière soit faite sur les identités des personnalités nigériennes corrompues par Samuel Mebiane pour l'obtention de concessions minières, le Rotab [Ndlr : Réseau pour la transparence budgétaire] d'Ali Idrissa et Transparency Niger de Mamane Wada ne diront pas qu'ils n'ont pas jamais eu connaissance de ce scandale de corruption porté à la connaissance du monde entier par les autorités judiciaires américaines.
Laboukoye
23 juin 2017
Source : Le Courrier