Un reportage de nos confrères sénégalais sur des mendiants d’origine nigérienne à Dakar a fortement ébranlé la fierté de nos compatriotes. Des réactions scandalisées, des tentatives malheureuses de justification et de colériques propositions pour laver l’honneur ont fusé de partout. Dans tout ce brouhaha, seule la réflexion de Hamma Hammadou du parti politique Doubara semble digne d’intérêt. Il conseille d’aller au-delà de l’indignation. La mendicité a certes toujours existé au Niger. Que les défenseurs de la gouvernance actuelle se tranquillisent. Cette pratique n’est pas née sous la renaissance. Seulement il y a quelques années, elle était circonscrite et exclusivement du fait d’une catégorie de personnes, le plus souvent en situation de handicap. Son développement et surtout sa professionnalisation sont, en grande partie, dus à la perte, dans notre société, de certaines nobles et importantes valeurs aussi bien traditionnelles que religieuses. La solidarité est une de ces valeurs. Dans un passé récent, les communautés prenaient en charge les diminués et les plus vulnérables. Un homme en situation de handicap bénéficie de l’attention du village. Il n’avait pas besoin de voyager pour trouver des moyens de vivre. Les aléas climatiques en rendant très vulnérables nos populations ont, dans une certaine mesure, amené des changements dans leurs comportements vis-à-vis de leurs semblables éprouvés par la vie. Mais cela ne saurait suffire pour expliquer la perte d’une grande partie des valeurs qui faisaient de nous des humains. La conduite des affaires de la cité est responsable de cette situation.

La mauvaise gouvernance en est la cause. Le Niger n’est pas un pays pauvre mais il est mal géré disait, il y a quelques années, une certaine opposition. Au pouvoir aujourd’hui, elle se révèle prédatrice des immenses ressources et richesses du pays. Un petit cercle de Nigériens s’est accaparé de tout. Quelques individus qui n’ont hérité de rien sont devenus, au prix de détournements, de pillage, riches comme Crésus. Laissant la majorité des Nigériens dans un dénouement total. L’école publique est abandonnée au profit d’un enseignement privé hors de prix pour la majorité des enfants de ce pays. Ces écoles ouvertes sous des prête-noms sont en fait propriétés, dans une importante part, des membres de ce cercle. Le secteur de la santé subira le même sort que l’école. En favorisant, par la gouvernance, la pauvreté, nos dirigeants participent au développement de la mendicité. Depuis l’avènement de la démocratie au Niger, la solidarité a fait place à la cupidité. Nos élites, nos dirigeants n’ont qu’un seul leitmotiv : s’enrichir à tout prix. Cette génération de prédateurs a fait son apparition dans le sillage de la préparation de la Conférence nationale. Elle investira les partis politiques, les associations, les syndicats, les ONG. Tous ont la prétention de parler et d’agir au nom du peuple. En réalité, le parti politique est un moyen d’accéder au pouvoir pour se servir en détournant les ressources et richesses générées par le travail des Nigériens. Les syndicats aussi sont un moyen d’ascension sociale. Combien de nos plus hautes autorités actuelles étaient des syndicalistes ?

Les associations et les ONG permettent de manipuler, au nom des populations, l’argent des partenaires au développement. De l’argent des contribuables des pays occidentaux destiné aux populations est devenu un moyen de réalisation des responsables des associations et ONG. On voit bien que ceux, susceptibles d’être les exemples, ne sont que de vulgaires mendiants. Comment, dans ces conditions, lutter contre la mendicité ? On a bien vu un président de la République pendre une obole et se rendre en Europe proposer ses services, contre rétribution, pour intercepter les migrants en partance pour l’Europe. Des centres de rétention ont été ouverts avec le financement européen. C’est de la mendicité. Au lieu de produire des dossiers pour financer le développement des zones à haute migration, on préfère prendre l’argent du blanc pour empêcher des Africains d’atteindre la Méditerranée. Dans un pays où tout le monde est mendiant peut-on s’offusquer de voir des compatriotes, devenus mendiants par la force des choses et surtout en copiant nos élites sensées donner l’exemples, exportés cette exception, ce label, cette denrée made in Niger ?

Aliou