Au regard de ces dispositions constitutionnelles et depuis la Déclaration du 31 juillet 2017 de l'opposition coalisée au sein du Front pour la Restauration de la Démocratie et la Défense de la République (FRDDR), le débat sur la responsabilité pénale du chef de l'État et particulièrement sur le crime de haute trahison occupe les Nigériens. Ces derniers se posent à juste titre plusieurs questions légitimes : Le crime de haute trahison tel qu'il est définit dans notre Constitution est-il véritablement établi ? Si oui, quels sont les mécanismes de mise en œuvre de la procédure de déchéance du Président de la République ? Qui a qualité pour mettre en œuvre la procédure ?


Pour notre part, nous nous efforçons d'apporter quelques éléments de réponse aux questions légitimes de nos concitoyens.


Sur la question de la haute trahison : notre démocratie souffre, comme dirait Laurent Sermet, d'une réalité pathologique : celle d'un malade faisant face à de multiples rechutes de plus en plus graves et rapprochées et qui ne disposerait que d'anticorps de moins en moins résistants. Comment transformer le cycle vicieux des crises en un cycle vertueux ? C'est pour répondre à cette préoccupation que le constituant de 2010, a entendu encadrer la responsabilité du chef de l'État en l'enjoignant tantôt une obligation de faire tantôt une obligation d'abstention selon les circonstances. C'est ainsi qu'il assigne le chef de l'État à une obligation positive à l'article 142 de la Constitution. Ces leçons de réalisme démocratique et ce souci de respect de la légalité constitutionnelle méritent d'être détaillés.


En effet, dans un élan de renouveau démocratique amorcé en 2011, avec l'élection d'un nouveau Président de la République, après une interruption de l'ordre constitutionnel, du fait des velléités de l'ancien président, à s'accorder, en dépit de l'intangibilité de la limitation des mandats présidentiels (un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois), un bonus de trois ans, a permis d'adopter une nouvelle Constitution qui consacre la VIIème République au Niger.

Ayant à l'esprit ce souvenir douloureux, le constituant, dans une perspective plus démocratique et constitutionnelle, a souhaité limiter les pouvoirs du Président de la République en le soumettant, dans une certaine mesure, au règne du droit. L'article 142 de la constitution traduit de façon évidente cette volonté. Mais, bien entendu cela n'est pas suffisant, il faudrait encore que soit affirmée clairement les sanctions que pouvait entraîner le non respect de la volonté du constituant. C'est en ce sens que parmi les principes interrogeables, le constituant a inscrit en bonne place le respect par tous, autorités politiques, civils et militaires, simple citoyen, des décisions de justice notamment celles rendues par la Cour constitutionnelle.

Mais, sachant qu'il n'est pas certain que cet état d'esprit existe aujourd'hui dans nos institutions, le constituant nigerien a, dans une perspective d'anticipation, assujettis le Président de la République à la même exigence de respect des décisions de la Cour constitutionnelle. Cette exigence procède de la volonté de garantie de l'ordre constitutionnel en toutes circonstances et d'amener le Président de la République, en tant que garant du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, à mesurer la hauteur de sa mission. Cela participe incontestablement du progrès de l'État de droit.

Il est compréhensible que l'agitation politique puisse participer à la confusion, mais ce qui est appréciable c'est de porter le débat sur le terrain du droit.


Ainsi à la question de savoir si la haute trahison est établie, il convient de rechercher les éléments pouvant permettre d'en faire le constat. Or, comme nous l'avions souligné précédemment, c'est l'arrêt constitutionnel n°002/ CC/ME du 7 mars 2017 qui marque le point de départ du délai de deux (2) mois puisque constatant la vacance du siège de député pour lequel l'élection partielle est requise. C'est ce même arrêt qui fait obligation au Président de la République d'organiser l'élection législative partielle au plus tard à la date fatidique du 7 mai 2017. Après cette date, aucune annulation du décret convoquant le corps électoral ne peut être décidée sans approbation préalable de la Cour constitutionnelle, seul juge électoral. Dés lors, le décret 2017- 525 /PRN/MISP/DI/ACR du 16 juin 2017 portant report de   l'élection législative partielle dont le collège avait précédemment été convoqué, n'est pas conforme à l'arrêt du 7 mars 2017. Pourtant, cet arrêt ne donne pas la faculté au Président de la République d'organiser les élections, il lui en fait obligation. En ne satisfaisant pas à cette exigence jurisprudentielle, le Président de la République a méconnu les dispositions constitutionnelles prévues à l'article 124 et par voie de conséquence, offre à ses détracteurs la possibilité d'engager sa responsabilité et dont la résultante serait l'interruption de sa fonction.


Tout porte à croire que le Président de la République est bien conscient de cette situation quand on observe l'obsession avec laquelle il voudrait faire adopter un nouveau électoral qui entérinerait ce trouble fait. C'est le sens de l'article nouveau qui prévoit grossièrement en lieu et place d'une élection législative partielle, la désignation du nouveau député par son parti. C'est dire que prochainement, la légitimité n'appartiendra plus au peuple qui désignera par la voie des urnes ses représentants mais aux partis politiques qui imposeront au peuple ses représentants.

En ce qui concerne de mise en œuvre de la procédure de destitution

Notons d'abord qu'une procédure de destitution d'un président en fonction est très difficilement mis en œuvre tant la complexité qui s'attache paraît évidente en l'absence de contrepouvoirs. De mémoire, en Afrique, seule la Haute Cour constitutionnelle de Madagascar, a été, le théâtre d'une procédure de destitution de son Président de la République en 1996. Mais avec le progrès du droit, on sait que le cas Malgache ne sera plus une exception.
Par Adamou Bachirou, Juriste

10 août 2017
Source : L'Eclosion