Comment ne pas soupçonner l’exécutif nigérien, au plus haut sommet de l’État, de collusion ces députés pour empêcher la levée de l’immunité parlementaire d’un des leurs, impliqué dans un trafic de cocaïne et la mise en accusation d’un ancien ministre qui est trempé dans de multiples fraudes liées aux recrutements à la Fonction publique?

N’est-ce pas sept membres du bureau de l’Assemblée nationale qui ont levé, le 27 août 2014, l’immunité parlementaire de Hama Amadou, le président du parlement à l’époque ?

N’est-ce pas vrai que le 16 juillet 2014, qu’il y a eu une requête du procureur de la Ré- publique « aux fins d’arrestation de Monsieur Hama Amadou, député à l’Assemblée nationale, sans au préalable constater la levée de son immunité parlementaire ?

N’est-ce pas vrai que le 25 août 2014, que la ministre déléguée, Mme Mariama Moussa, assurant l’intérim du ministre de la Justice, remit au goût du jour la lettre du 16 juillet du procureur de la République, pour demander au Premier ministre l’arrestation du député Hama Amadou ? N’est-ce pas vrai aussi que, sur requête du président de l’Assemblée nationale, Hama Amadou, la cour constitutionnelle, a dit, par arrêt n° 12 du 4 septembre 2014, que « le bureau actuel de l’Assemblée nationale, composé de onze (11) membres, est habilité à exercer toutes les attributions prévues par le règlement intérieur de l’institution aussi longtemps que les postes vacants n’auront pas été pourvus » ; dit que « le bureau de l’Assemblée nationale est compétent pour autoriser, hors session, l’arrestation d’un député » ; dit que, « en dehors des sessions, la poursuite peut être engagée sans autorisation préalable du bureau tandis que l’arrestation du député nécessite l’autorisation du bureau ».

Le rappel de ces quelques faits historiques est d’importance. Il rafraîchit la mémoire de ceux qui ont tendance à oublier ou à faire semblant d’oublier. Mieux, il sert à montrer la mauvaise foi du pouvoir de Niamey qui n’a ni excuse ni justification quelconque pour épargner, d’une part, un député accusé de trafic de drogue dure de la levée de son immunité parlementaire ; d’autre part, un ministre impliqué dans des fraudes massives à la Fonction publique, d’une mise en accusation. Et si l’Assemblée nationale n’a pas fait son devoir, c’est que les entraves à la justice viennent d’ailleurs.

En suscitant cette prétendue rébellion au sein de l’Assemblée nationale, ceux qui sont derrière ce complot contre la justice sont pris en flagrance dans la mesure où l’arrêt n° 12 du 4 septembre 2014 de la Cour constitutionnelle leur enlève toute prétention. Le bureau de l’Assemblée nationale, au complet ou diminué de certains de ses membres, peut bel et bien lever l’immunité parlementaire d’un député.

La répétition étant pédagogique, je vous réécris ce que la plus haute juridiction de notre pays en matière constitutionnelle a dit : « le bureau de l’Assemblée nationale est compétent pour autoriser, hors session, l’arrestation d’un député » ; dit que, « en dehors des sessions, la poursuite peut être engagée sans autorisation préalable du bureau tandis que l’arrestation du député nécessite l’autorisation du bureau ». Alors, où se trouve le blocage ? Tout le monde a compris. C’est toujours le deux poids, deux mesures qui a ruiné la justice nigérienne. Certains sont jetés en prison pour des peccadilles, y compris des journalistes et des acteurs de la société civile tandis que d’autres, auteurs de délits graves, sont protégés par divers subterfuges ou carrément ignorés par le Parquet. Avec ça, on nous parle de démocratie, de justice, de droits de l’homme, de république et que sais-je encore. À vrai dire, les Nigériens n’y croient pas et souhaitent vivement un changement notable dans la conduite des affaires judiciaires, gage de sécurité et d’égalité des citoyens devant la loi.

Mallami Boucar

10 août 2017
Source : Le Monde d'Aujourd'hui