Le cas Baba Alpha est un exemple qui montre bien que la justice est devenue, au Niger, un vulgaire appendice du politique et que les décisions judiciaires, dans bien des cas, sont concoctées dans des officines politiques. Un exemple qui fait HONTE à tout le corps judiciaire. Omar Sidi, l’auteur du délit de faux dans l’affaire du passeport de Baba Alpha, est provisoirement libéré par le juge. Une liberté provisoire qu’il refuse, sans gêne, au journaliste et à son père, qui continuent de garder prison. Et le comble, c’est que les faits sont requalifiés, la justice ayant finalement abandonné la poursuite pour faux et maintenu le délit d’usage de faux, comme si le passeport est tombé du ciel. Au bout du compte, l’institution judiciaire est discréditée. Par la faute de certains juges. Tout ce qu’il y a de vilain, de tordu et de désastreux dans ce pays l’a été grâce au concours délibéré et enthousiaste de certains juges. Car la justice, par principe, est une institution si noble, de par ses missions, certes, mais aussi de par ses promesses : promesses de liberté en dehors de toutes infractions ; d’égalité entre citoyens ; d’équilibre social et politique. Bref, une institution qui est au cœur de la vie publique. Autant dire la colonne vertébrale de la vie sociale et politique que des individus, revêtus de la robe noire mais ignorant tout de la noblesse de leur mission, ont entrepris de fractionner, en étalant grandeur nature les preuves de leur compromission. Il y a tant de cas qui expliquent le fossé actuel entre la justice et les justiciables.

Et pourtant, ce ne sont pas les affaires qui manquent sous la 7e République. Loin s’en faut. Il y a même une surabondance d’affaires qui ont porté un grave préjudice à l’État mais qui sont royalement ignorées au point où il y a de bonnes raisons de se demander pour qui travaille le Parquet. La justice est rendue au nom du peuple, mais ce principe n’a point empêché le doyen des juges d’instruction d’exiger de la société civile 20 millions de caution pour ouvrir l’information judiciaire sur l’Uraniumgate ; une affaire scabreuse dans laquelle Hassoumi Massoudou a transféré 200 milliards de francs CFA d’un compte public de l’État vers un compte privé, à Dubaï. Pourquoi pas un franc symbolique ? En fixant ce montant alors que de l’autre côté, les parlementaires de la majorité ont essayé de noyer le poisson dans l’eau, il n’y a pas de doute que ce sont autant de tentatives pour enterrer l’affaire.

Les scandales financiers sur lesquels la justice ferme les yeux sont si nombreux que l’on comprend l’indifférence des Nigériens face aux révélations de la presse. Pour le plus grand bonheur des rapetous, des picsous et des Dalton qui peuvent continuer à profiter de ce printemps sans égal. En retour, et pour perpétuer ce printemps, ils feront droit à la demande insolite de Mahamadou Issoufou qui veut modifier la Constitution à sa guise. Ousseïni Tinni et Iro Sani, qui traînent de lourdes et bruyantes casseroles, ne se feront pas prier pour agir conformément à ses quatre volontés. Ils ne sont pas là-bas par hasard. Des Ousseïni Tinni et des Iro Sani, combien en abrite l’assemblée nationale actuelle ?

Aux dernières nouvelles, il semble que Mohamed Bazoum s’est fait tout petit et s’est rallié à la position de Mahamadou Issoufou, comme quoi il ne faut pas dissocier l’arbre de l’écorce. Exit également de tous les petits agités dont il faut simplement sourire des velléités d’indépendance vis-à-vis du Pnds Tarayya. Par 139 voix, en l’absence des députés de l’opposition, il semble que les députés de la majorité ont voté à l’unanimité le projet de modification. Y compris ceux de l’APR, l’appendice de la MRN.

Par ce test réussi, Mahamadou Issoufou a vérifié les automatismes et les motivations, histoire de savoir s’ils sont restés les mêmes malgré quelques changements de têtes. Désormais, les choses sont claires. Il ne reste plus qu’à introduire dans la constitution que les élections se déroulent selon la volonté de Mahamadou Issoufou et qu’il lui revient de se prononcer, en dernier lieu, sur l’éligibilité des candidats. En tout état de cause, les Nigériens doivent comprendre la gravité de l’acte posé par les députés de la majorité. Car, s’ils ont effectivement adopté les propositions du comité ad hoc qui a travaillé sous les auspices de Brigi Rafini, ils ont alors enterré la CENI pour donner naissance à un instrument plus maniable à volonté, la CENA [Ndlr : Commission électorale nationale administrative].

Les députés ont fait leur boulot. Mahamadou Issoufou peut se permettre de sabler le champagne. Car, il a réussi à faire adopter le principe de la mise en place d’une commission électorale qui dépendra de lui. Mais, face aux folies des hommes, il faut toujours rester zen. Car, les voies de Dieu sont impénétrables.

1er juin 2017
Source : Le Monde d' Aujourd'hui