Le péché originel : le hold-up électoral de février-mars 2016
Malgré les scores à la soviétique qu'il s'est octroyés, le pouvoir de Mahamadou Issoufou va entamer, audelà de mars 2016, une descente aux enfers qui semble inéluctable. Il contrôle la totalité des institutions de la République, les centrales syndicales sont muettes face à ses dérives et une bonne partie de la société civile est dirigée par des gens qui sont totalement assujettis à son régime. Mais il peine à donner une âme à son affaire. Encouragé par le hold-up électoral, le PndsTarayya, le parti qui l'a fait "roi" est de plus en plus glouton et s'attaque à ses alliés qu'il veut manifestement réduire à moins que rien afin de les asservir définitivement. Sur la base de dossiers concoctés sur les cadres des partis politiques alliés ayant une parcelle de responsabilité dans la gestion des affaires publiques, le PndsTarayya a réussi et continue de saigner à blanc ses partenaires au pouvoir. Il ne le fait pas pour faire rendre gorge à d'indélicats fonctionnaires ayant abusé des biens et fonds publics, mais plutôt pour trouver les moyens, frauduleux, de pérenniser leur pouvoir. Contre vents et marées ! La procédure est condamnable, mais elle a porté ses fruits face à des alliés dont les leaders politiques n'ont aucune ambition pour le Niger et son peuple. Moussa Moumouni Djermakoye, Hamid Algabit et d'autres petits poucets venus dans l'arène politique pour chercher leur pain quotidien ont dû même s'effacer devant la volonté de Mahamadou Issoufou en décidant de ne pas être candidats à la présidentielle de mars 2016. Un boulevard qui n'a pas permis à Mahamadou Issoufou de se faire élire autrement que par un hold-up électoral, enlevant ainsi tout crédit véritable à ceux qui l'ont soutenu. Les affaires du régime périclitent à une vitesse extraordinaire. Les libertés publiques sont plus que jamais confisquées, les journalistes, adversaires politiques et acteurs de la société civile sont interpellés et jetés en prison pour un OUI ou pour un NON tandis que de gros délinquants soupçonnés d'avoir fait main basse sur des fonds et biens publics estimés à plusieurs milliards, sont carrément ignorés de la justice et promus à des postes de responsabilité plus élevés. Une prime au détournement des deniers et biens publics !
Seïni Oumarou et ses alibis à nu
S'il qualifie publiquement de satanique cette gouvernance de Mahamadou Issoufou, Seïni Oumarou, président du MnsdNassara, ne s'est pas toutefois gêné, pour le moins du monde, de prendre armes et bagages pour en devenir un acteur privilégié. Il manœuvre et réussit à faire de son parti un de ses alliés sans âme qui squattent les cercles du pouvoir sans en détenir réellement les leviers. Car, s'il a obtenu quelques subsides et logé quelques grandes gueules dans un gouvernement sans âme et sans argent, Seïni Oumarou est paradoxalement de plus en plus "inexistant" sur la scène politique. "Cantonné" dans une mission sans gloire, ni pour lui ni pour le Niger, le président du Mnsd Nassara a condamné son parti à devenir une sorte de parti satellite du Pnds Tarayya, au service exclusif de Mahamadou Issoufou dont il est le "haut représentant". Malgré ce ralliement spectaculaire du Mnsd Nassara à un pouvoir qu'il pré- tendait être la négation des intérêts vitaux du Niger, la crise s'est fortement accentuée. En vérité, la décision de Seïni Oumarou et de quelques apparatchiks du parti de soutenir Mahamadou Issoufou et son régime satanique [dixit Seïni Oumarou] ne correspond nullement à la position des militants dudit parti. Non seulement, le MnsdNassara n'a apporté aucun changement positif dans la conduite des affaires publiques et les mœurs politiques du régime, mais il y a pire. Car, en plus de la crise politique, le Niger s'est désormais enlisé dans une crise financière qui rappelle une époque noire que les Nigériens ont cru à jamais révolue.
À la crise politique s'est greffée une crise financière et sociale très aigue
Complètement embourbé dans un marécage financier consécutif à une gestion catastrophique d'énormes ressources financières évaluées à plusieurs milliers de milliards de francs CFA, le régime ne sait plus où donner de la tête. Comment éviter le naufrage alors que les caisses de l'Etat sont vides et que les offensives extérieures sont restées désespérément infructueuses ? Comment maintenir les fondements du régime, bâtis sur des profits financiers octroyés à des alliés de plus en plus révoltés, lorsque l'horizon s'obscurcit de jour en jour?
Les salaires et pécules, bourses et allocations, sont redevenus un casse-tête chinois ; des milliers de postes de jeunes fonctionnaires recrutés ont été remis en cause et supprimés ; des milliers d'enseignants contractuels sont en train de faire les frais de la gestion calamiteuse du régime ; des sociétés, jadis prospères avant l'arrivée de Mahamadou Issoufou au pouvoir, sont dans le rouge, endettées au point où l'on craint de les voir tomber dans l'escarcelle d'investisseurs ripoux ; bref, le Niger va très mal. Outre les élections locales qui ont été plusieurs fois reportées et l'élection législative partiel le de Maradi renvoyée à calendes grecques, les conseils élus dissouts pour faire place à des administrations déléguées, l'impact des déboires financiers du régime est si prégnant sur la vie de la République que personne n'ose parier un copeck sur les capacités de Mahamadou Issoufou à juguler la crise. " S'il en était capable, il n'en serait jamais le responsable ", fait remarquer un observateur.
Aujourd'hui, tout est bloqué et aucune perspective rassurante ne profile à l'horizon. Si, au plan politique, Le Cndp [ndlr : Conseil national de dialogue politique] qui était le cadre de discussion et de concertation de la classe politique, est sabordé, transformé en un vil instrument de "légitimation" des diktats du régime, le front social est carrément en ébullition, avec une école publique en déconfiture et les étudiants et scolaires sur le front de guerre. Une situation explosive que tentent de camoufler les autorités nigériennes mais dont les effets commencent à provoquer un ras-le-bol général.
Bouba Alphari
22 septembre 2017
Source : Le Courrier