Monsieur le «président»,
J’ai parcouru la loi de finances 2018 et je dois dire que ce n’est pas si surprenant que vous cherchiez à récupérer dans la poche des citoyens ce que vous avez volontairement laissé dans les comptes bancaires privés à l’issue de plusieurs affaires scabreuses. Je ne vous demanderais pas de dire si vous trouvez normal de faire fi de cette affaire de 200 milliards transférés d’un compte bancaire de l’État vers un compte offshore dont un des détenteurs est un escroc international (Georges Hawa) ? Je ne vous demanderais pas non plus si cela ne vous choque pas que des individus détournent à leurs profits personnels 15 000 tonnes d’aide alimentaire en pleine insécurité alimentaire ? Encore moins si ce n’est pas l’expression d’un mépris vis-à-vis de son peuple que de nommer Issaka Assoumane conseiller avec rang de ministre alors que la Halcia venait de l’épingler dans la dilapidation de divers matériels estimés à plus de six milliards à la Soraz ? Tout comme vous, ma préoccupation est ailleurs, toutefois aux antipodes de la vôtre. Moi, je milite pour le Niger et son peuple et tout ce qui peut nuire au bien-être de nos compatriotes est de nature à me frustrer, à me rebuter, à me révolter.

Monsieur le «président»,
J’aime le Niger et je suis fier d’être un fils de ce pays qui souffre atrocement de votre gouvernance. Vous avez posé tellement d’actes de défiance vis-à-vis de ce peuple que les Nigériens, dans leur écrasante majorité, ne s’interrogent plus sur la nature de vos desseins pour eux. Je vous donne un exemple : le 5 octobre, au lendemain de l’embuscade qui a coûté la vie à des soldats nigériens et américains, vous avez décidé d’un deuil de trois jours alors que des cas plus graves n’ont pas mérité de votre part une telle compassion. Pour nos compatriotes, vous avez décrété ce deuil pour faire plaisir aux Etats Unis. C’est un exemple parmi tant d’autres. Mais parlons de la loi de finances 2018, pour relever que nos compatriotes la considèrent comme la goutte d’eau de trop. Outre qu’elle renferme des mesures insupportables et inacceptables, c’est que la loi de finances 2018 révèle des prévisions révoltantes. Un journal de la place a fait le point de la répartition entre la présidence de la République et les ministères sectoriels, particulièrement ceux que vous passez votre temps à présenter comme des secteurs prioritaires de votre gouvernance. Le constat est ahurissant. Les citoyens sont scandalisés de découvrir que vous vous êtes copieusement arrosé dans cette loi de finances, réservant à la présidence de la République 176 719 965 637 FCFA, dont 24 815 819 372 FCFA au titre d’une obscure « coordination des services de la présidence de la République et suivi de l’action gouvernementale » ; 1 262 394 303 FCFA pour un bizarre « pilotage stratégique de l’administration présidentielle et 136 766 979 071 FCFA pour assurer la « coordination des programmes spécifiques convenus avec les PTF. Par contre, l’enseignement supérieur ne dispose que de 30 554 821 684 FCFA tandis que l’enseignement primaire bénéficie de 129 572 452 016 FCFA et que la santé se voit dotée de 109 218 315 891 FCFA.

La présidence de la République concentre ainsi plus de ressources financières que l’enseignement supérieur et la santé réunis alors que le Niger vit sous un régime semi-présidentiel qui consacre votre irresponsabilité en matière de gestion. N’est-ce pas scandaleux que la présidence dispose de plus de ressources financières que la santé et l’enseignement supérieur réunis ? N’est-ce pas scandaleux de constater que le budget prévu (plus de 24 milliards) pour une soi-disant coordination des services de la présidence de la République et suivi de l’action gouvernementale fasse presque le budget envisagé pour l’enseignement supérieur ? Comment pouvez-vous inscrire plus de huit milliards pour ceux qui vous protègent alors que même la craie manque cruellement dans des écoles publiques ? Comment pouvez-vous prévoir plus de huit milliards pour votre affaire alors que même les seringues et les gants font défaut dans nos hôpitaux ?

Monsieur le «président»,
Je dois vous dire que vos compatriotes ne sont pas surpris par cette propension à concentrer tant de ressources financières à la présidence, au détriment de la santé et de l’éducation des enfants du Niger. Ils sont choqués, exténués et révoltés. La colère gronde de partout et croyezmoi, vous les avez si poussés à bout que, ce qui, jusqu’ici, a pu expliquer leur inertie, risque de s’effondrer. Car il ne s’agit plus de défendre un parti politique ; il s’agit de défendre son pain, sa famille et la sécurité de sa progéniture. Et si ceux qui gouvernent ne l’ont pas compris, tant pis pour eux.

Mallami Boucar

20 octobre 2017
Source : Le Monde d'Aujourd'hui