Tel est le serment que vous avez fait, la main droite sur le Saint Coran. Je suis convaincu d’une chose : vous vous savez en faute, lourdement en faute. Tout, sur votre parcours, est violation. Relisez votre serment coranique et vous comprendrez l’étendue de vos fautes, inexpiables. Peut-être que dès le départ, votre intention était très éloignée de ce serment.
‘’Monsieur le Président’’
Avec cette loi de finances, vous avez administré la preuve ultime que votre préoccupation n’est pas d’améliorer les conditions de vie de vos compatriotes, mais plutôt de les corser afin d’en faire un simple bétail fiscal au bénéfice exclusif de multinationales dont les responsables sont, on le comprend, autant d’intercesseurs auprès de ceux envers qui vous pensez avoir de compte à rendre. Votre loi de finances, c’est pour l’extérieur, ces pays que vos amis des multinationales se donnent tant de peine à construire, soit-il en usant de pratiques corruptives dans nos pays, comme ce fut le cas avec les cadeaux fiscaux de Gandou Zakara aux opérateurs de téléphonie cellulaire et avec le vôtre à présent. En supprimant la TATIE, vous avez mieux fait que Gandou Zakara et votre générosité est à la mesure de votre rang. Cet altruisme que vous refusez à votre peuple, vous le faites de bon cœur pour des multinationales. La grave permission que vous leur donnez de ne pas payer les impôts et les taxes auxquels elles sont astreintes est un acte qui traduit pour qui vous travaillez. Vous avez, certes, rendu d’éminents services à vos amis des multinationales qui font davantage de profits avec les impôts des citoyens nigériens, mais ça ne vous ouvrira pas forcément les portes, closes, d’un Occident qui a pris conscience que la migration illégale est largement favorisée par des gouvernances comme la vôtre. Car, en créant les conditions d’une évaporation des ressources financières qui doivent servir à réaliser des projets durables, par conséquent à fixer les jeunes, vous compromettez gravement des avenirs. Vous permettez à des entreprises occidentales de ne pas payer les impôts au Niger. Et pourtant, c’est avec les impôts que l’Occident, vers qui vous tendez régulièrement la main, vous accorde aides budgétaire et alimentaire
‘’Monsieur le Président’’
Ainsi, vous avez choisi de dépouiller votre peuple du peu dont il dispose pour donner encore plus à vos amis des multinationales. Vous avez choisi d’alléger les charges des multinationales et de créer des taxes et impôts par lesquels vos compatriotes vont payer le manque à gagner. Votre loi de finances, ce n’est pas pour le Niger et les Nigériens, mais bien pour ces hommes d’affaires sans scrupule à qui certains de vos collaborateurs se sont associés pour mettre le grappin sur des permis miniers. En un mot, vous avez choisi d’étrangler votre peuple afin que prospèrent vos amis et c’est bien dommage de constater que l’analphabétisme et l’ignorance aidant, il s’est trouvé des compatriotes qui vous ont acclamé à Zinder. C’est vraiment dommage, car pour moi, vous ne le méritez pas.
‘’Monsieur le Président’’
La loi de finances 2018 a été votée par 133 députés, soit la quasi-totalité de ceux qui composent votre majorité. Ce n’est pas, de mon point de vue, une victoire mais un acte de «guerre» contre la société civile et les syndicats ; une déclaration d’intention que vous êtes prêt à faire face à tout conflit social. Ce n’est pas une victoire, car de l’adoption de la loi à son application, il y a la mer à boire. Je vous avais averti : on ne gagne jamais face au peuple. Et si, à la demande de la société civile, les citoyens nigériens refusaient carrément de payer les impôts ? Que feriezvous si, à la demande de la société civile et des syndicats, les citoyens nigériens, à commencer par les commerçants importateurs, refusaient de payer la TVA sur les produits alimentaires de première nécessité ?
Je sais que, même en situation d’insécurité alimentaire aiguë, savoir que des Nigériens sont dépouillés de grains ne vous dérange pas. C’était le cas avec les 15 000 tonnes de l’aide alimentaire pakistanaise qui ont été détournées sans que vous leviez le petit doigt. Je sais également que votre souci n’est pas tant d’être en phase avec votre peuple, mais de gouverner, quelles que soient par ailleurs les conséquences sur ce peuple.
Je sais enfin que votre souci n’est pas de rendre justice à votre peuple, mais de faire des faveurs à vos amis des multinationales afin que vivent les affaires.
‘’Monsieur le Président’’
Je sais que l’heure des comptes viendra. Ce jour-là, ceux qui, par ignorance ou par vile manipulation, vous acclament et applaudissent à votre passage, comprendront tout le mal que vous leur avez fait. L’heure des comptes viendra et ce jour-là, il n’y aura ni manipulation pour camoufler les vrais chiffres, ni abus de force publique pour empêcher les manifestations populaires de protestation. L’heure des comptes viendra, mais en attendant, vous devez vous préparer à affronter votre peuple. Car, il n’acceptera pas, ni de vous ni de quelqu’un d’autre par ailleurs, d’être dépouillé pour nourrir et engraisser des multinationales. Vous pouvez gagner à repousser peut-être l’échéance, mais vous ne parviendrez jamais à en annihiler la survenance.
‘’Monsieur le Président’’
Pour bon nombre de vos compatriotes, dire que vous avez trahi votre serment est un truisme. C’est du reste ce qui m’a conduit à revisiter les termes de votre serment et à vous le rappeler. Surprise ! « Batchi na da taba », comme diraient les Haousa. Je laisserai, donc le soin à chacun d’en juger.
Mallami Boucar
1er décembre 2017
Source : Le Monde d'Aujourd'hui