Monsieur le ‘’Président’’
Puisque vous n’avez pas toujours le temps d’avoir les échos de toutes ces structures internationales, je me fais le devoir de vous en faire la synthèse en espérant que cela servira de torche dans ce labyrinthe dans lequel vous vous êtes égaré. Amnesty International, qui réclame la libération immédiate des personnes arrêtées, souligne que « la vague d’arrestations d’activistes et la réponse manifestement brutale des forces de sécurité bafouent non seulement le droit des manifestants à la liberté de réunion pacifique, mais risquent d’embraser une situation déjà tendue au Niger. Amnesty indique également que « fermer une télévision indépendante constitue une attaque injustifiée contre la liberté d’expression et que la suspension d’un organe de presse incombe au Conseil supérieur de la communication et que à notre connaissance, aucune décision publique n’a été prise ».
Dans la même logique, le Comité de pilotage d’Afrique (CPA) de Publiez ce que vous payez (PCQVP) condamne fermement l’arrestation des leaders de la société civile, en soulignant que « depuis plusieurs années, le Niger est engagé dans une spirale descendante en raison d’atteintes répétées aux droits fondamentaux qui se sont accélérées depuis que le pays a quitté l’ITEE en 2017 ». Le CPA exige également la libération, immédiate et sans conditions, de toutes les personnes arrêtées, la levée de la suspension de la chaîne Labari ainsi que le respect de la liberté d’expression et d’association civile au Niger. Quant à l’association « Tournons la page », elle exige la libération des 23 personnes arrêtées, condamne l’usage asymétrique de la violence d’État contre les manifestants et la traque des leaders de la société civile ; la réouverture immédiate de la radio et télévision Labari ; l’arrêt des pressions à l’encontre des médias indépendants et des leaders de la société civile ; le respect du droit constitutionnel à manifester. Mieux, Tournons la page exige de l’Union européenne « une condamnation unanime et forte de la répression en cours, appelant au respect de l’État de droit et des libertés fondamentales au Niger ».
Ce n’est pas terminé puisque le Réseau ouestafricain des défenseurs des droits humains (ROADDH/WAHRDN) et le réseau nigérien des défenseurs des droits humains (RNDDH/ NHRDN) ainsi que le collectif des organisations de défense des droits de l’homme et de la démocratie (CODDHD) condamnent fermement cette violation de la liberté de manifester garantie par la constitution nigérienne et les traités internationaux auxquels l’État du Niger est partie ; exigent la libération immédiate et sans condition de tous les membres de la société civile arrêtés ; exigent la réouverture immédiate de la radio et télévision Labari.
Monsieur le ‘’Président’’
À propos des médias, la dernière portion de votre image en tant que démocrate est par terre, complètement démolie par ces multiples atteintes aux libertés publiques des citoyens nigériens ; des libertés publiques consacrées par la constitution que vous avez juré, la main droite sur le Saint Coran, je le rappelle encore une fois, de respecter et de faire respecter. Rfi, Mondafrique, BBC… ont relevé le coin de voile qui vous servait jusqu’alors de couverture. Voici un extrait de ce que le journal Mondafrique, par exemple, a écrit : « La fermeture du groupe de presse Labari, l’arrestation massive de membres de la société civile et de l’opposition dénonçant la loi des finances 2018 et l’envoi des inculpés dans des prisons lointaines de la capitale marquent une nouvelle étape de la dérive autoritaire du gouvernement nigérien qui foule aux pieds quotidiennement les droits fondamentaux et refuse toute voix dissidente. Ces actions, précédées en 2017 par l’arrestation de plusieurs membres de la société civile dans des conditions similaires, confortent l’instauration d’un régime politique fondé sur l’arbitraire et l’injustice alors même que les partenaires internationaux du Niger continuent de vanter un modèle de démocratie ». C’est un coup dur pour vous et certainement une énorme déception pour le Président français, Emmanuel Macron, qui a estimé publiquement que vous êtes un démocrate. Il vient de découvrir le visage hideux d’une gouvernance qui dure depuis sept ans.
Monsieur le ‘’Président’’ Ce n’est ni à vous ni à une quelconque institution de décider de quels droits concéder, quand et comment, aux citoyens. Si les citoyens doivent exercer leurs droits constitutionnels, non plus en conformité avec les lois, mais selon votre humeur, il n’y a plus alors de République. Autant déchirer publiquement la constitution que vous avez juré, la main droite sur le Saint Coran, de respecter et de faire respecter ; de proclamer alors la royauté et de prendre comme titre Issoufou 1er. Or, vous n’avez pas encore franchi cette ligne rouge. Pour le moment, et jusqu’à preuve du contraire, nous ne vivons pas dans un royaume et vous n’avez pas encore ce titre de Issoufou 1er. Et étant donné que ni l’autocratie ni la dictature ne sont inscrites dans la constitution en vigueur, vous feriez certainement mieux de vous remettre en cause. C’est vrai que la démocratie est amère quelques fois puisque l’on doit accepter, en ayant les pôles du pouvoir sous contrôle, de le quitter par le biais d’élections que l’on peut pourtant manipuler comme ce fut le cas en mars 2016. Mais, elle est également douce et tendre en ce sens qu’elle évite bien des déchirements à un peuple. Évitez la «fitna» et œuvrez à faire amende honorable en faisant droit à ces exigences multiples qui fusent de partout. Car, devant est obstrué.
Mallami Boucar
02 avril 2018
Source : Le Monde d'Aujourd'hui