Et les intentions insurrectionnelles que l’on prête aux acteurs de la société civile, ne sont pas seulement mises à mal par le caractère pacifique de leurs manifestations. Elles sont également remises en question par les parcours syndicaux et associatifs de ces acteurs. Ces derniers ayant en effet à leurs actifs des années de lutte pour l’acquisition des droits civiques et la défense des intérêts matériels des populations nigériennes.

Certains d’entre eux, faudrait-il le rappeler, ont joué un rôle de premier plan dans le mouvement scolaire et estudiantin de 1990, qui a débouché sur l’ouverture de l’espace public et l’amorce du processus de démocratisation. Ils ont également fait partie des leaders de la coalition équité, qualité et lutte contre la vie chère. Et le fait qu’ils aient activement participé à ce mouvement, pendant la 5ème République, sous le gouvernement de Hama Amadou, fragilise fortement par ailleurs les allégations portant sur des accointances qu’ils auraient avec des partis politiques membres de l’opposition actuelle.

Mais la politique de fermeté adoptée par le régime, à travers le refus de dialoguer, l’interdiction systématique des manifestations et l’usage mécanique de la répression contre ceux qui persistent dans la volonté d’exercer un droit que leur confère la constitution, n’est pas seulement incompréhensible. Elle est aussi inopportune. Ceci d’autant qu’elle contribue à attiser les tensions et les frictions dans un pays confronté aux menaces sécuritaires et qui a, par conséquent, besoin du renforcement de sa cohésion sociale, pour lutter efficacement contre les ennemis externes de la nation.

La restriction des libertés et l’option de la répression mécanique pourraient par ailleurs être fortement préjudiciables y compris aux ambitions politiques du principal parti au pouvoir, en provoquant la radicalisation des mouvements et l’ébullition du front social, en plus de la grogne des partis politiques de l’opposition. Et tout ceci dans un pays qui a déjà connu plusieurs interruptions du processus démocratique. D’où l’intérêt de créer les conditions d’un retour à la sérénité, à travers la libération des détenus et l’ouverture des espaces et cadres de dialogue. Les revendications aussi bien des acteurs de la société que des scolaires, ne portent pas du reste sur des enjeux irréconciliables. Les différentes parties peuvent donc trouver un terrain d’entente. Un compromis qui serait profitable au peuple nigérien.
Dr Elisabeth Sherif

08 avril 2018
Source : https://www.facebook.com/profile.php?id=100007473317000