Ameres-verites-Canard-Furie La coupe est pleine et tout le monde le sait. Ça ne va pas et nous tendons vers le pire. Et pourtant, les maîtres de Niamey continuent de chanter que tout va bien comme dans le meilleur des mondes possibles, agaçant les Nigériens qui doivent désormais endure, en plus de toutes les autres misères, le manque presque endémique d’eau et d’électricité. Le Niger se trouve ainsi dans une situation ambivalente, comme celles qu’il a connu lors des dérives de l’éphémère 6e République, à une exception près qu’avec Mamadou Tanja, la crise politique n’était pas accentuée par une crise financière aussi perverse que sous Mahamadou Issoufou. Perverse car, outre la rareté de l’argent, d’eau et d’électricité, le magistère de Mahamadou Issoufou se caractérise par une corruption jamais connue auparavant au Niger ; des détournements de deniers et biens publics qui s’apparente à la règle de gestion consacrée par le premier magistrat du pays ; des trafics de toutes sortes (drogue dure, devises, etc.) qui donnent du Niger l’image d’un far-West, bref, c’est la pourriture et personne ne le conteste désormais. Longtemps préservée par une sorte de tabou inviolable à l’extérieur, précisément en France où Mahamadou Issoufou bénéficie curieusement d’une opinion favorable, l’image du régime est désormais par terre. Complètement par terre ! La volonté politique de le présenter comme un modèle de démocrate, telle qu’exprimée par Emmanuel Macron lors de son séjour à Niamey, le 27 décembre 2017, n’a pas longtemps résisté à la véritable nature du régime. Pourtant, ce n’est pas tant difficile d’imaginer la suite du feuilleton Issoufou, depuis que, sans aucun égard pour les jugements de la communauté internationale, « le démocrate de Macron » a perpétré un hold-up électoral pire que celui dont il a accusé feu Ibrahim Maïnassara Baré. Les arrestations d’opposants politiques, d’acteurs de la société civile, de journalistes critiques vis-à-vis du régime, la protection de gros délinquants, de trafiquants et de bandits d’État, sont le corollaire logique et attendu de ce hold-up électoral que Mahamadou Issoufou traînera éternellement – je dis bien éternellement – comme un boulet aux pieds.

Les Nigériens le savaient, les Occidentaux le savaient également. Le témoignage du président français est aussi hypocrite que peut l’être le propos d’un amant de passage. Il sait mieux que quiconque que Mahamadou Issoufou n’est pas un démocrate et qu’en termes de gouvernance, c’est le pire que le Niger ait connu. Mieux que quiconque, il sait à quel point Mahamadou Issoufou a bradé les ressources nigériennes. Mieux que quiconque,il connaît les ramifications mafieuses que Niamey entretient avec certains milieux et certains individus peu recommandables. Mieux que quiconque,il sait les sommes d’argent astronomiques qui ont été détournées des caisses de l’État nigérien et planquées dans des banques occidentales.

Mahamadou Issoufou a donc perpétré un hold-up électoral, cela n’a pas ébranlé outre mesure la France dans ses valeurs proclamées. Mahamadou Issoufou a emprisonné ses opposants politiques, la France a continué à faire semblant de roupiller et de ne pas savoir ce qui se passe au Niger.

Mahamadou Issoufou a emprisonné des acteurs de la société civile, la France est restée insensible et insouciante. Mahamadou Issoufou a emprisonné des centaines de scolaires, la France s’est sentie non concernée.

OXFAM, AMNESTY INTERNATIONAL, WEST AFRICA DEFENDERS a hurlé, PUBLIEZ CE QUE VOUS PAYEZ, FRONT LINESDEFENDERS, CIMADE, FIDH, ANDDH, TOURNONS LA PAGE, les médias LIBERATION, MONDAFRIQUE, RFI, LE POINT, etc., ont stigmatisé, alerté sur les graves dérives de Mahamadou Issoufou et crié au scandale, la France est restée imperturbable.

Mais, il a fallu que Mahamadou Issoufou décide de donner également droit de cité au Niger à l’armée italienne pour que la France sorte de sa torpeur et réagisse vigoureusement.« STOP ! PAS QUESTION ». Malgré les milliards encaissés par le régime de Niamey et la promesse italienne de lui accorder 40% de l’aide globale destinée à l’ensemble des pays africains, Mahamadou Issoufou a dû se résoudre de cracher sur l’offre du pays de Mussolini.

Tout le monde a cru alors,les Français surtout, que Mahamadou Issoufou est envoyé au tapis, mais c’est mal connaître l’homme. À peine est-il sorti du pétrin italien qu’il s’engouffre dans le labyrinthe turc. L’aéroport Diori Hamani de Niamey est cédé aux Turcs pour 30 ans, en violation de la loi nigérienne sur le partenariat public-privé qui n’admet que 20 ans. Mahamadou Issoufou étant habitué à violer la loi fondamentale, qu’il piétine une «loi mineure sur le PPP», pour parler comme un universitaire de chez nous, ce n’est pas si grave aux yeux des Nigériens. Le Problème dans cette histoire, c’est qu’il contraint, mine de rien, les vieux amis français à faire bon ménage sur les mêmes installations aéroportuaires avec des turcs qui n’ont pas toujours été que des amis. Ne riez pas, c’est grave. La cohabitation entre les Turcs qui ont le contrôle total des installations aéroportuaires de Diori Hamani sur 30 ans et les Français qui y occupent une partie à des fins militaires est-elle possible, facile et gérable ?

La volonté de Mahamadou Issoufou et de son régime de s’émanciper de la tutelle française, pourtant premier gage de la «légitimation» de son holdup électoral et des dérives autoritaires qu’il s’autorise, est non seulement mal fondée, mais trop osée. Il faut savoir raison gardée. Lorsqu’on a été élu dans les règles de l’art et reconnu comme tel par son peuple, il est loisible, légitime et valorisant pour un chef d’État de chercher à diversifier ses partenaires. Mais lorsqu’on est au pouvoir dans les conditions d’un Mahamadou Issoufou et que l’on incarne, en plus, un régime où sévissent la corruption, les détournements de deniers et biens publics, les trafics de devises, d’armes et de drogue, l’on doit savoir où l’on met les pieds. N’estce pas un trafiquant d’armes qui a été épinglé par la Police, récemment, à Agadez, mais que l’on cherche manifestement à tirer d’affaire ? Proche de feu Chérif Abidine que l’on appelle Chérif cocaïne, un plus-que-proche du Président Mahamadou Issoufou, Mahamat … a été pris avec une cache d’armes de gros calibre et des milliers de munitions. Un véritable arsenal de guerre, mais à ce jour, ni le gouverneur d’Agadez, ni le ministre de l’Intérieur, n’a pipé mot de l’affaire qui représente pourtant une grave menace pour la sécurité du Niger.

Mahamat… aurait été dirigé sur Niamey. Une façon peut-être de le faire «évaporer» dans la nature. Or, si un trafiquant d’armes de cette dimension bénéficie de complicité, même non déclarée, au point d’échapper à la prison, c’est que ceux qui l’emploient sont au sommet de l’État. Pour le moment, nous sommes encore au stade du soupçon, le gouvernement ne mettant point d’empressement à le faire comparaître devant un juge et ne mettant pas non plus le même zèle qu’il met d’habitude à faire du boucan médiatique lorsqu’il s’agit d’opposants politiques ou d’acteurs de la société civile. D’où la question : qui arme ces bandits armés et groupes terroristes qui endeuillent régulièrement les familles nigériennes ?

Aujourd’hui, bien qu’assis sur du chaudron, Mahamadou Issoufou n’a pas l’intention de s’amender. Il persiste dans ce jeu dangereux, trop confiant dans le soutien aveugle d’une France qui a démarché ses valeurs sur l’autel de profits mercantiles. Et comme en 2016, Mahamadou Issoufou pense qu’il peut faire une élection tropicalisée, à la gondwanaise et gazer, bastonner et emprisonner toute voix qui s’élèverait pour protester. Le joker qu’il est allé chercher pour cette mission délicate s’appelle maître Souna Issaka, surpris déjà dans une commande insolite de milliers d’actes d’Étatcivil de toutes natures. Il y a tout ce qui est nécessaire pour préparer un fichier électoral truqué. Il y a, dans les cantines déjà réceptionnées par maître Souna, des registres d’actes de naissance, de mariage et même de décès.

En vérité, ce n’est pas si surprenant de prendre maître Souna sur ce jeu malsain. Déjà en 1999, feu Daouda Malam Wanké et une bonne partie de son entourage étaient acquis à un parti pris en faveur d’un des candidats déclarés. Maître Souna était à l’époque le président de la Ceni. Face aux risques de voir ce que l’on a finalement connu avec Salou Djibo, une partie des hommes forts de la Transition militaire ont dû exiger que l’armée reste neutre dans le jeu politique et l’ambassade américaine a fait une mise en garde contre tout parti pris des institutions impliquées dans l’organisation des élections. S’il a donc commandé des milliers de pièces d’État-civil, fabriquées dans la plus grande clandestinité, c’est qu’il est pire que le duo Boubé Ibrahim-maître Kadri Oumarou Sanda. Et puisqu’il se sait pris la main dans le sac, il avancera désormais les yeux fermés, comme un soldat qui sait que tout est perdu et que le mieux est de mourir en martyr.

Bonkano

12 juin 2018
Source : Le Canard en Furie