Et c’est Mahamadou Issoufou en personne qui annonça que « les principaux auteurs de cette folle aventure avaient échoué et avaient pu être tous identifiés et arrêtés à l’exception d’un seul, actuellement en fuite ». « La situation est calme et sous contrôle. L’enquête, en cours, permettra d’identifier les autres acteurs et complices éventuels de ce funeste complot contre la sûreté de l’État, avait-il précisé ». Il n’y avait ni d’approximation ni aucune précaution d’usage dans ce discours qui se voulait formel, catégorique et précis. En précisant que la situation était calme et sous contrôle, Mahamadou Issoufou, qui avait bien parlé de coup d’État déjoué, voulait clairement insinuer que les prétendus auteurs de ce vrai-faux coup d’État étaient passés à l’action mais avaient été contrés par des forces loyalistes. Bon, laissons Mahamadou Issoufou avec ses discours, tous autant époustouflants, les uns que les autres pour nous intéresser à cette fameuse déclaration du Pnds Tarayya.
Le mercredi 22 mars 2017, le Pnds Tarayya, piqué, on ne sait plus, par quel insecte venimeux, est sorti sur ses grands chevaux, avec des airs farouches, pour annoncer que « Trop, c’est trop ». Mohamed Bazoum et ses camarades, dont certains, dans la salle paraissaient gênés par les gros mots, somme toute irresponsables pour des gens qui gouvernent, ont commis des erreurs monumentales qu’un parti politique qui gouverne ne commet pas sans se discréditer aux yeux des observateurs.
Première erreur grossière, le Pnds Tarayya s’identifie à l’État, parlant comme si les Nigériens avaient plutôt affaire au gouvernement. Il confirme ainsi le vocable Parti-État Pnds Tarayya qui tire son essence, justement, de cette propension à perdre de vue les lignes de démarcation entre l’État et le parti, soit-il celui qui gouverne. Les sièges (bureaux) du Pnds Tarayya ne sont-ils pas gardés, 24 H/24, par la police nationale ? C’est du jamais vu au Niger et bien entendu, ce fait malheureux procède de cette confusion entre l’État et le Pnds Tarayya. Qu’il s’agisse de Hassoumi Massoudou, de Mohamed Bazoum ou de certains petits poucets, le langage est le même : l’État, c’est le Pnds et il n’y a aucune surprise à entendre ses leaders tenir de tels propos : « Trop, c’est trop » à l’endroit d’autres formations de l’échiquier politique. Un parti politique, soit-il celui qui gouverne, peut-il menacer un autre ? À entendre le Pnds Tarayya, on se demanderait bien où se trouvent les "ennemis de la démocratie" qu’il dénonce.
Deuxième erreur impardonnable, le Pnds Tarayya a tenu un discours irresponsable, abordant avec une légèreté déconcertante, des sujets d’une gravité extrême. L’ethnocentrisme et le régionalisme, la traîtrise et la haute trahison, ont constitué le fil conducteur de cette déclaration détonante. Et sans gêne, Mohamed Bazoum et ses camarades ont accusé un parti politique, en l’occurrence le Moden Fa Lumana Africa de Hama Amadou, d’être une secte dont les actes tendent à remettre en cause l’unité et la cohésion naionales. Des propos, certes irresponsables, mais qui rendent également ses auteurs ridicules et pleins d’inquiétude aux yeux des Nigériens. Comment le Pnds Tarayya peut-il oser accuser un parti politique qui regroupe toutes les ethnies du Niger et qui est présent dans toutes les communes de ce vaste pays, de nourrir « une volonté manifeste de porter atteinte à l’unité et à la cohésion nationales, aux institutions républicaines ainsi qu’aux valeurs fondamentales sur lesquelles repose notre État » ? Comment le Pnds Tareyya peut-il traiter le Moden Fa Lumana Africa de secte ? Pire, Mohamed Bazoum et ses camarades ont poussé la légèreté en traitant ce parti et ses hommes de « traîtres à la nation », faisant penser à ces discours d’essence léniniste qui, dans l’Europe de l’Est sous influence soviétique, annonçaient de grandes purges.
Troisième erreur inqualifiable, la prédilection pour la violence verbale. Cette même violence verbale inouïe qui, de 1993 à ce jour, a été utilisée pour vilipender les militants de ce parti qui ont décidé de le quitter, l’exemple le plus récent étant celui d’Ibrahim Yacouba, l’actuel président du parti Kishin Kassa. Or, la violence orale, dit-on, est consubstantielle de la violence physique. Ce discours sinistre présagerait-il des actes malheureux ? En tout cas, au regard de l’avertissement « Trop, c’est trop ! », traduit en des termes encore plus menaçants dans les langues nationales nigériennes, il faut craindre de voir le Pnds-parti-État s’aventurer vers des sables mouvants.
Quatrième et ultime erreur insurmontable pour le Pnds Tareyya, c’est qu’il a fait une déclaration qui ne se justifiait pas ? Les scandales financiers dans lesquels sont empêtrés bon nombre de ses leaders justifieraient-il une telle animosité à l’endroit de la presse, de la société civile et du Moden Fa Lumana Africa, singulièrement visé ? Non. En agissant ainsi, avec hargne, contre ces trois acteurs qui jouent leur partition républicaine et démocratique, le Pnds Tarayya dévoile, à la fois, son vrai visage et ses motivations. Il a étalé, en une déclaration, tout ce qu’il nourrit comme projets pour la République, la démocratie et l’État de droit. La déclaration du Pnds Tarayya est assurément déplacée. C’est à croire que l’expression des libertés publiques est manifestement pour ce parti un grave danger. En quoi, par exemple, la révélation des scandales financiers dans lesquels sont empêtrés des gouvernants participerait-il d’un complot de remise en cause de l’ordre démocratique ? Vraiment RIDICULE !
Comme on dit chez nous, on voit la petite brindille dans l’œil du voisin, mais on ne voit pas la poutre qui est plantée dans le sien. Pour sortir Mohamed Bazoum et ses camarades de leurs illusions, il faut certainement leur poser quelques questions. Ils comprendront alors qu’en lieu d’une bonne opération médiatique, ils ont plutôt serré les vis d’un destin qui se ferme sur eux. Voici quelques unes de ces questions :
- En quoi se plaindre de la récurrence des attaques terroristes contre les positions des FDS nigériennes et conséquemment des bilans lourds serait-elle synonyme d’acte tendant à saper le moral de nos troupes ?
- En quoi revendiquer de ceux qui gouvernent des mesures tendant à mettre un terme à ces attaques meurtrières serait-il synonyme d’acte de sabotage ?
- En quoi demander des comptes à ceux qui prétendent avoir dépenser au moins 10% du budget général de l’État, soit au minimum 150 milliards par an, dans l’armement et l’équipement des FDS nigériennes, est-il attentatoire au moral des troupes ?
- La haute trahison est-elle applicable à ceux qui demandent des explications et des comptes plutôt qu’à ceux qui détournent et vendent à leurs profits personnels, 5 000 tonnes de riz d’une aide alimentaire dans un pays où, en 2016, année du détournement, plus de deux millions de personnes avaient besoin d’une assistance alimentaire et/ou nutritionnelle ?
- Entre celui qui dénonce et exige des comptes et celui qui met de côté 200 milliards, viré d’un compte public de l’État vers un compte privé, à qui faut-il appliquer les peines de haute trahison ?
- Entre celui qui a agi à mettre en péril les intérêts stratégiques du Niger à l’extérieur et celui qui informe sur l’irresponsabilité qui a conduit à un tel désastre, qui est susceptible d’être jugé pour haute trahison ?
Et puis, entre nous, L’ordonnance 2010-035, qui dépénalise les délits commis par voie de presse, est le mérite de Salou Djibo, pas de quelqu’un d’autre. La signature de la Table de la montagne, qui n’est qu’un texte d’engagement, a d’ailleurs été maintes fois violée sous Mahamadou Issoufou.
Quant aux affaires qui semblent étouffer Mohamed Bazoum et ses camarades, on comprend bien que le Pnds Tarayya et ses ténors soient asphyxiés par ces affaires par lesquelles des individus, notoirement connus, ont ruiné le Niger. Mais ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes puisqu’ils le doivent à leurs propres turpitudes. Le transfert des 200 milliards n’est pas une invention et le détournement des 5000 tonnes du riz pakistanais, encore moins. Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de livrer les mis en cause à la justice. La commission d’enquête parlementaire ? Le Pnds Tarayya a déjà donné la raison de sa mise en place et la conclusion de son travail : « C’est pour mettre à nu ces gros mensonges que la commission d’enquête parlementaire a été mise sur pied ».
BONKANO.
28 mars 2017
Source : Le Canard en Furie