En portant son appréciation personnelle des résultats de l’évaluation, Mahamadou Issoufou ne cherche nullement à rendre l’école nigérienne meilleure. Si telle était sa volonté, il aurait plutôt de conduire une évaluation juste, objective et plus indiquée en situation de classe. Mais puisque son objectif, c’est de dégraisser une fonction publique que son gouvernement a gonflée de façon inconsidérée à travers des recrutements anarchiques et souvent – je dis bien souvent – illégaux, Il a cru avoir ainsi trouvé, par cette démarche insolite dans l’histoire de l’enseignement, les boucs émissaires qu’il lui faut, ses propos ne sont nullement surprenants. Est-il juste et honnête de faire payer à l’ensemble des enseignants les énormes légèretés pour lesquelles le gouvernement de Mahamadou Issoufou a demandé à l’Assemblée nationale de voter la mise en accusation de l’ancien ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, Laouali Chaïbou ? Selon des sources dignes de foi, il aurait intégré de façon frauduleuse, à lui seul, un nombre inimaginable de personnes dans les effectifs de la Fonction publique.

L’évaluation des enseignants n’a donc d’autre objectif que de rayer un nombre appréciable d’enseignants contractuels des effectifs de la Fonction publique. Par la précarité de leur situation, ils offrent le profil idéal qui permet à Mahamadou Issoufou d’enregistrer rapidement les résultats attendus. Ce sont plus de 6000 enseignants contractuels, si l’on se fie aux résultats officiels publiés par le ministère de l’Enseignement primaire, qui seront bientôt remerciés. Ne vous préoccupez pas de savoir comment l’école va fonctionner, ce n’est pas une priorité. La priorité, c’est de trouver les moyens de résorber, un temps soit peut, l’énorme déficit budgétaire occasionné par les détournements massifs de milliards que personne ne peut estimer, aujourd’hui, à sa juste dimension. Sans toucher, bien sûr, aux édifices de l’empire par lequel il gouverne. Pas de réduction de train de vie de l’Etat ; pas de réduction de la taille scandaleuse du gouvernement ; pas de renvoi massif de conseillers que l’on dénombrerait par milliers entre la Présidence, l’Assemblée, la Primature et le Cesoc. Non, ceux qui doivent payer pour les fautes commises par ceux qui gèrent, ce sont les enseignants.

Comme tous les choix de Mahamadou Issoufou, celui-ci est erroné. Il ne sert ni l’enseignement parce qu’il ne répond pas à une démarche de recherche véritable de qualité des enseignements, ni à ceux qui l’ont initiée parce qu’ils ne pourront jamais remplir leur tonneau des Danaïdes. Ils arriveront peut-être à résilier des milliers de contrats, jetant l’école dans une situation des plus dramatiques. Cependant, ils ne réussiront pas à régler la situation financière catastrophique dans laquelle ils ont précipité le Niger. Qui peut d’ailleurs parier le moindre kopeck que les résultats annoncés sont exempts de reproches d’iniquité ? Curieusement, ces résultats ne sont pas affichés, mais gardés par devers les inspecteurs et leurs services, et l’enseignant contractuel est obligé d’aller devant lesdits services pour se voir signifier le sort qui t’a été réservé. En tout cas, ça sent le roussi. Et au regard du passif lourd du régime en matière de concours, il n’y a aucune surprise à découvrir, demain, que des officiels ont donné des listes de personnes à épargner.

Est-il admissible de voir dans quel état Mahamadou Issoufou et son gouvernement ont plongé l’école nigérienne ? Ceux qui dirigent ont manifestement perdu toute boussole et tâtonnent, plaçant le Niger dans une spirale d’évènements aussi imprévisibles que redoutables. Le transfert des compétences en éducation, hydraulique, santé et environnement aux collectivités territoriales en donne les prémices.
BONKANO

14 septembre 2017
Source : Le Canard en Furie