Monsieur Issoufou, Bakary Saïdou, Malla Ari et Idé Kalilou croupissent en prison pour des motifs non établis dans un domaine où il est prouvé récemment que des gens ont détourné et vendu 5000 tonnes de riz à leurs profits personnels. Vous l’avez su par le biais de la presse qui en a fait la révélation. En mars 2016, alors que des millions de Nigériens étaient dans une situation alimentaire critique, des voyous, pour reprendre le terme du journal Le Courrier, ont détourné et vendu 5000 tonnes d’une aide alimentaire généreusement offerte par le Pakistan. Ce n’est ni plus ni moins qu’un crime contre les communautés nigériennes en proie à l’insécurité alimentaire. Ces individus sont facilement identifiables dans la mesure où le cheval de Troie de cet acte criminel est connu en la personne de l’actuel directeur général de l’OPVN [Ndlr : Office des produits vivriers du Niger], le seul habilité par les accords, à prendre possession des 15 000 tonnes de riz offertes par le Pakistan et stockées dans deux magasins au port de Cotonou. C’est, donc, par lui que ceux qui ont ordonné la vente des 5000 tonnes de riz sont passés. Voilà une affaire qui mérite une réaction spontanée de votre part mais face à laquelle vous vous complaisez dans un mutisme intolérable. Par votre silence bruyant, vous transmettez une vérité désormais admise de tout le monde, tant à l’intérieur du Niger qu’à l’extérieur : vous menez un faux combat contre la corruption et les délits assimilés. En réalité, par vos actes qui tendent à protéger ceux qui détournent les deniers et biens publics et/ou qui mettent en péril les intérêts stratégiques du Niger à l’extérieur, vous donnez une image désastreuse de vous-même et de la façon dont le Niger est géré. En tout cas, cette image est à mille lieues de ce que vous prétendez faire du Niger.

Monsieur Issoufou, j’ai parcouru le numéro hors série du journal « Marchés africains d’avril 2017 » qui a généreusement (???) consacré ses pages au Niger de la scandaleuse "renaissance", et j’avoue que je suis tombé des nues en lisant certains propos, notamment le rêve que vous prétendez nourrir pour le Niger. Je suis tombé des nues lorsque j’ai lu que vous dites « vouloir positionner le Niger parmi les 50 États les mieux gérés du monde », je me suis demandé où se trouvait le mal. Est-ce moi qui suis malade au point de lire de travers ce qui est écrit ? Je ne comprends pas, dans un pays où on ne parle que de scandales financiers dans lesquels l’unité de compte est le milliard et qui vous laissent totalement froid, que vous teniez de tels propos. Si je ne peux plaindre ce journal qui a réalisé une excellente affaire financière, je ne peux toutefois vous accorder le moindre bénéfice de doute, ni la moindre indulgence. Vous êtes parfaitement conscient du drame financier et politique que votre gestion a engendré et le discours que vous tenez ne traduit que le mépris que vous avez pour tous ceux qui s’en plaignent. Pour moi, comme pour beaucoup de compatriotes, vous êtes l’alpha et l’oméga des misères du Niger. J’ai d’ailleurs remarqué que Hassoumi Massoudou figurait sur la liste officielle de ceux qui devaient  vous accompagner à Paris, même s’il était finalement resté à Niamey afin de répondre à la commission d’enquête parlementaire. Le simple fait de l’avoir prévu dans votre déplacement est un message clair : Hassoumi Massoudou n’est pas seul et tous ceux qui veulent le voir avec un mandat dépôt, doivent savoir que vous êtes derrière lui, bien debout.

« Positionner le Niger parmi les 50 États les mieux gérés du monde », dites-vous. Ah, le rêve, qu’est-ce qu’il peut nous faire voyager, loin, très loin de nos réalités. Il est beau, le rêve et ce bon vieux Ali Saïbou — que Dieu l’accueille dans son paradis éternel — nous a appris une chose : chacun peut rêver sans que cela coûte un copeck à quelqu’un d’autre. Alors, moi aussi, j’ai rêvé que le Niger renaîtra de ses cendres, après six années de gestion catastrophique, de violations répétées et délibérées des lois et règlements, de détournements massifs de fonds et biens publics tolérés, voire encouragés au sommet de l’État par une absence de reddition des comptes. J’ai rêvé que le Niger renaîtra de ses cendres et renouera avec les principes cardinaux de la République, de la démocratie et de l’État de droit.

J’ai rêvé que les caisses de l’État retrouveront leur santé financière, notamment grâce à une opération de récupération des fonds et biens publics détournés à des fins personnelles.

J’ai rêvé que le Niger tournera la page de ces faux coups d’État, de ces poursuites judiciaires faites sur la base de l’appartenance politique et des emprisonnements sans justification légale tandis que des prédateurs de deniers et biens publics, notoirement connus, se promènent, libres et tranquilles.

J’ai rêvé que ceux qui ont mis les intérêts stratégiques du Niger à l’extérieur, notamment dans l’affaire Africard, et qui ont détourné les 200 milliards de la Sopamin, rendront gorge devant la justice et que l’État rentrera dans ses droits.

De même, j’ai rêvé que ceux qui ont commis l’acte criminel de vendre les 5000 tonnes de riz du don pakistanais alors que des millions de Nigériens ont besoin d’une assistance alimentaire en 2016, seront été envoyés en prison et que le Niger récupéra intégralement les fruits de leur dol.

J’ai rêvé, enfin, qu’un nouveau soleil de liberté, de progrès et d’espoir, se lèvera bientôt sur le Niger et que les projets structurants que vous n’avez pas pu ou voulu réaliser seront remis sur pied et constitueront désormais le fer de lance du développement de notre pays.

Mallami Boucar

31 mars 2017 
Source : Le Monde d'Aujourd'hui