Et ici comme à l’extérieur, si l’on se fie à ce qui se raconte, personne, croyez-moi, ne se fait la moindre illusion sur votre responsabilité personnelle dans cette affaire. La vraie-fausse vente d’uranium étant intervenue en juillet 2011, je m’arrache pratiquement les cheveux en me rendant compte que vous aviez à peine quatre mois au pouvoir. Quatre mois à peine ! J’ai tant de choses à vous dire que j’ignore par quel bout commencer. Je vais, donc, commencer par le menu fretin comme on dit. Ces derniers temps, on voit défiler un tas d’énergumènes qui s’invitent sur les chaînes de télévision pour chercher à innocenter, avec des arguments tirés par les cheveux, un homme que les Nigériens ont eu l’occasion d’écouter et qui a pratiquement reconnu les faits qui lui sont reprochés. Hassoumi Massoudou, c’est un fait irréfutable, est coupable d’avoir ordonné le virement bancaire de 200 milliards de la Sopamin, donc, de l’État du Niger vers un compte offshore privé.  Laissons de côté la question de la fraude qui a consisté à faire de Hassoumi Massoudou le signataire légal de ce compte de la Sopamin logé à BNP Paribas alors qu’il n’a aucune qualité à agir au nom cette société. Ce qui intéresse les Nigériens, c’est de savoir au profit de qui a-t-il fait ce virement bancaire ? Je vous pose la question dans la mesure où je reste persuadé que devant un juge, Hassoumi ne perdrait pas de temps à confesser qu’il a agi en votre nom et selon vos instructions. Nous n’en sommes pas encore là et c’est avec un sentiment d’écœurement que j’écoute tous ces individus – j’en ai encore vu sur Canal le lundi soir –  qu’un ami appelle les FamaDoumbiya des temps modernes, qui cherchent à affubler le corbeau de plumes blanches. Ils vivraient, paraît-il, de ces missions qu’un griot respectable refuserait certainement. À chacun sa nature !

Monsieur le président, où sont passés ces 200 milliards que Hassoumi Massoudou a fait virer dans le compte d’une société qui aurait, oh scandale, vendu de l’uranium à la Sopamin. Depuis quand le Niger achète-t-il de l’uranium ? C’est de l’argent public, 200 milliards précisément, qui a été transféré de manière frauduleuse par Hassoumi Massoudou, votre directeur de Cabinet, sur un compte privé, à Dubaï. Un coup de poignard dans le dos du peuple nigérien ! C’est cela, le véritable coup de poignard dans le dos du peuple nigérien auquel vous avez promis monts et merveilles. Et comme par hasard, alors que le monde entier est scandalisé par ce transfert frauduleux de l’argent public vers des destinations troubles, sous contrôle d’escrocs internationaux tel que Georges Hawa, vous vous emmurez dans un silence bruyant. Comment pouvez-vous vous accommoder d’un tel scandale ? Comment pouvez-vous garder le silence alors qu’une partie de l’opinion vous soupçonne si fortement d’être le commanditaire et le bénéficiaire principal de cette transaction frauduleuse ? Au regard de ce que vos compatriotes vivent depuis presque six ans, personne, au Niger, ne s’attend à vous voir scandalisé au point de vous arracher les cheveux ou étranglé de rage. Mais, il y a un minimum auquel vous obligent vos missions constitutionnelles et votre serment coranique. Je ne me fais aucune illusion sur le rapport que vous avez avec vos missions constitutionnelles et votre serment coranique. Toutefois, nul ne pouvant se prévaloir de ses propres turpitudes, je tiens à vous rappeler les teneurs de deux articles de la Constitution. D’abord, l’article 41 qui stipule que « Les biens publics sont sacrés et inviolables. Toute personne doit les respecter scrupuleusement et les protéger. Tout acte de sabotage, de vandalisme, de corruption, de détournement, de dilapidation, de blanchiment d'argent ou d'enrichissement illicite est réprimé par la loi ». Ensuite, l’article 50 par lequel vous avez juré, devant Dieu et devant le peuple nigérien souverain, la main droite sur le Saint Coran, : « …de remplir loyalement les hautes fonctions dont nous sommes investis ; de ne jamais trahir ou travestir les aspirations du peuple ; de nous conduire partout en fidèle et loyal serviteur du peuple ».

Monsieur le président, les 200 milliards soustraits frauduleusement du compte BNP Paribas de la Sopamin étant supposés représenter le prix de l’uranium acquis par le Niger auprès d’Optima, une société offshore dirigée, entre autres, par un escroc international, il va falloir que vous donniez à vos compatriotes les preuves que cette fortune n’a pas été détournée à des fins personnelles et privées. Votre silence prolongé serait-il un aveu assumé ? Personnellement, je ne m’attends pas à la moindre manifestation de votre part sur cette affaire. N’est-ce pas des membres de nos Forces de défense et de sécurité (FDS) qui tombent comme des mouches sans que cela vous émeuve un tant soit peu ? J’ai encore appris qu’il y a eu une attaque à Wanzarbé, dans la région de Tillabéry et que quatre gendarmes auraient perdu la vie. J’ai alors guetté la moindre information officielle sur la Voix du Sahel, mais rien. Pas même une allusion. À la Une du journal de la radio nationale, on nous parle du lancement des activités de la journée de la Femme par BrigiRafini. C’est proprement scandaleux, a crié un compatriote, choqué et blessé. Quant à moi, je dis, quel sens de la décence et de la responsabilité ! Le Niger perd des hommes et c’est non seulement sur les ondes de Rfi que les Nigériens l’apprennent toujours, mais on fait totalement l’impasse sur la Voix du Sahel.

Monsieur Issoufou, les Nigériens, vous le savez, ne lâcheront pas le morceau. Ils continueront à revendiquer leurs 200 milliards jusqu’à ce que le Trésor public les enregistre à nouveau dans les comptes publics d’où ils n’auraient pas dû sortir pour alimenter des comptes personnels d’hommes sans scrupule. Je ne trouve pas les mots justes pour qualifier cet acte antipatriotique. Et lorsque je pense que vous n’avezmême pas encore cinq mois au pouvoir, je tombe carrément des nues. Je ne comprends pas. Je ne peux pas comprendre. Encore moins l’admettre. C’est pourquoi je me joins à tous ceux qui réclament ces 200 milliards, ainsi que tous les autres milliards dont l’État a été dépouillé, pour vous demander de faire amende honorable, de reconnaître le wassoso qui a régné sous votre magistère et de tirer les conséquences induites par la loi. La loi est dure, mais c’est la loi. Je suis amer. Les Nigériens sont amers et ne comprennent que des personnalités, au sommet de l’État — qu’importe qu’ils soient arrivés au pouvoir par une élection, un hold-up électoral ou par un coup d’État militaire — puissent jouer autant avec le destin de tout un peuple. Le peuple nigérien ne pardonnera jamais cette forfaiture. Il réclame justice et finira, d’une façon ou d’une autre, par l’obtenir. Et ce ne sont pas certainement les propos déplacés de quelques FamaDoumbiya en quête de pitances qui vont y changer quelque chose.

Mallami Boucar

12 mars 2017 
Source : Le Monde d'Aujourdhui