Le projet de loi portant révision des articles 47, 48, 53, 59, 85, 99 et 100, transmis par le gouvernement à l’issue de son conseil du jeudi 27 avril 2017 est d’une telle provocation qu’on se demande ce que cherche Mahamadou Issoufou pour ce pays. Car, après l’avoir ruiné, il cherche à présent à s’incruster au pouvoir en procédant à une vile modification des dispositions constitutionnelles qui font barrage à une telle éventualité. Des sept articles qu’il attend de voir l’Assemblée nationale modifier, quatre n’ont rien à voir avec les délais électoraux qu’il faut harmoniser. Les articles 47, 48, 99 et 100 ont d’autres portées qui gênent manifestement un homme qui cherche à s’approprier le Niger comme un bien propre dont il peut user à volonté et sans obstacle quelconque. Pour cela, il faut réduire les autres au silence, par la loi qu’on ne respecte pas pourtant.

L’article 47 en particulier sonne dans les oreilles de tout dictateur en herbe comme les versets du Saint Coran sur les génies malfaisants. Voici ce qu’il dit, cet article 47 : « Le président de la République est élu au suffrage universel, libre, direct, égal et secret pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ou proroger le mandat pour quelque raison que ce soit. Sont éligibles à la présidence de la République, les Nigériens des deux sexes, de nationalité d’origine, âgés de 35 au moins au jour du dépôt du dossier, jouissant de leurs droits civils et politiques. Nul n’est éligible à la présidence de la République s’il ne jouit d’un bon état de santé physique et mental, ainsi que d’une bonne moralité attestée par les services compétents. La loi précise les conditions d’éligibilité, de présentation des candidatures, de déroulement du scrutin, de dépouillement et de proclamation des résultats. La Cour constitutionnelle contrôle la régularité de ces opérations et en proclame les résultats définitifs ». Tel est le contenu de l’article 47 qui a été greffé au chapelet des articles de la Constitution à modifier pour harmoniser les délais constitutionnels. Alors, que veut-on modifier là-dedans ?

Il faut mettre les points sur les Ý. Mahamadou Issoufou, il n’y a plus de doute, est un homme qui rêve d’un règne de potentat. La volonté de modifier l’article 47 de la Constitution, quels que soient par ailleurs les aspects concernés, est en soi révélatrice du feu que Mahamadou Issoufou veut rallumer. Allumé, une première fois, à l’initiative de certains députés véreux mais vite éteint grâce à la réaction énergique des citoyens nigériens, ce feu renaît de ses cendres, attisé cette fois par Mahamadou Issoufou en personne. En soldat qui ne recule jamais devant les obstacles, il porte désormais lui-même le projet que ces députés ont échoué à faire aboutir. En cela, il refoule à nouveau la patate chaude à Ousseïni Tinni et ses compères, avec un message sibyllin : « Vous savez ce que vous avez à faire, débrouillez-vous pour le faire ». Mieux, il semble leur dire que s’ils ont été incapables d’assumer la paternité du projet et qu’ils se sont rapidement débiné face aux dénonciations des Nigériens, lui est prêt à le faire. Advienne que pourra ! D’où ce projet de loi qui se substitue à la proposition de loi des députés véreux, il y a quelques mois.

S’il est vrai que l’article 175, en stipulant que « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie à propos de la forme républicaine de l’État, du multipartisme, du principe de la séparation de l’État et de la religion » et que « les dispositions des alinéas 1 et 2 de l’article 47 et de l’article 185 de la Constitution ne peuvent faire l’objet d’aucune révision », il reste qu’il y a de quoi s’inquiéter et se mettre debout pour le Niger, Mahamadou Issoufou ayant montré suffisamment de quoi il est capable lorsqu’il s’agit de respect de la loi fondamentale.

Il est bien vrai que l’alinéa 2 du même article 175 indique que « Aucune procédure de révision du présent article n’est recevable ». Il faut alors se demander pourquoi Mahamadou Issoufou l’a-t-il prévu alors au titre des articles à modifier ? L’explication ne souffre d’aucun atermoiement : « La loi, Ils l’ont tant de fois piétinée, pourquoi alors se faire de scrupules lorsqu’il s’agit de l’article 47 ? 

Il est bien vrai également que l’article 174 indique que pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision doit être voté à la majorité des ¾ des membres de l’Assemblée nationale. Mahamadou Issoufou dispose de ces 3/4. Et pour que la modification soit acquise, il faut qu’il soit approuvé par les 4/5 des parlementaires. Ce qui n’est pas un problème pour Mahamadou Issoufou qui va évidemment user des mêmes méthodes qui lui ont apporté succès et fortunes durant ces six années de magistère.

Que Mahamadou Issoufou essaie de modifier la Constitution n’est pas en soi une surprise. La surprise, c’est cette apathie extraordinaire des Nigériens, particulièrement de l’opposition politique, qui attendent visiblement que ces députés, à la tête desquels se trouvent deux mis en cause (Ousseïni Tinni et Iro Sani) du scandale de l’ARTP [Ndlr : Agence de régulation des télécommunications et de la poste], fassent leur boulot pour faire entendre leurs gémissements stériles.

Que cela soit clair : aucun texte ne peut arrêter un homme atteint de la folie du pouvoir. Comme Mamadou Tanja, Mahamadou Issoufou est “sourd”, “muet” et “aveugle”. Continuez à crier pour espérer l’arrêter et vous passerez l’éternité sur le quai. Comme pour attendre son train.

04 mai 2017
Source : Le Monde d'Aujourd'hui