Bazoum tombera-t-il ou pas ? Déposé au greffe de la Cour constitutionnelle depuis le mercredi 2 décembre 2020, la requête déposée par Abdoulkadri Oumarou Alpha, candidat à l’élection présidentielle du 27 décembre prochain, assisté de Me Mossi Boubacar, est toujours en souffrance. Attendue dans les 48 heures, conformément aux dispositions de l’article 117 du Code électoral, la sentence de la Cour se fait toujours attendre. Selon cet article de la loi électorale, « la Cour instruit l’affaire dont elle est saisie et statue dans un délai de 15 jours. Toutefois, lorsque la réclamation porte sur l’éligibilité d’un candidat, la Cour doit statuer dans les 48 heures ». Un délai ferme qui semble s’étirer indéfiniment. Cette longue attente inhabituelle a le don de crisper davantage un climat politique déjà tendu. C’est l’expectative totale. Le pays tout entier est suspendu à la Cour constitutionnelle qui ne se décide toujours pas à rendre public son arrêt. Pourtant, des rumeurs persistantes ont couru sur l’imminence d’une cérémonie publique au cours de laquelle Bazoum doit être fixé sur son sort. Une certaine presse aurait même été convoquée à la Cour pour se voir ensuite congédiée sans autre forme de procès. Que se passe-t-il donc pour que la Cour ne mette pas fin à ce suspens ? Un suspens qui tue à la fois les ardeurs des bazoumistes et flétrit les.. des adversaires et nationalistes regroupés sous la même férule. « Bazoum ne doit pas uniquement s’attendre à être disqualifié, mais doit sérieusement réfléchir sur son prochain séjour en prison pour faux et usage de faux », soutiennent ces derniers.
Le droit doit être dit, sans état d’âme
L’enjeu est de taille et la Cour constitutionnelle est consciente de la patate chaude qui lui a été refilée. Elle doit pourtant trancher. Le droit doit être dit, sans état d’âme. Bazoum, il faut le souligner, aura du mal à justifier la multiplicité de ses pièces d’état-civil. S’il a déclaré que l’auteur des faux documents d’état-civil ayant circulé sur les réseaux sociaux n’est autre que Hama Amadou, le chef de file de l’opposition, Bazoum n’a toutefois convaincu personne. Au contraire, avec une telle légèreté, il prouve au besoin qu’il a beaucoup de choses à se reprocher par rapport à ses actes d’étatcivil. Pour la petite histoire, l’intéressé dit n’avoir demandé et obtenu un jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance et un certificat de nationalité qu’en juillet 1985. Exactement l’année qui suit la fin de ses études supérieures, sanctionnées par un diplôme d’études approfondies (DEA) à Dakar, au Sénégal. Avec quelles pièces d’état-civil Bazoum a-t-il fait alors son cursus scolaire ?
Il ne s’agit pas d’une cabale contre un nigérien du fait qu’il soit arabe. Il s’agit d’une bataille judiciaire portant sur des dispositions expresses de la loi fondamentale
Le débat est malsain, mais il s’impose. La magistrature suprême, dans tous les pays du monde, est protégée. Contrairement aux allégations savamment distillées par Bazoum en personne, dans une sorte de combat d’arrière-garde, il ne s’agit pas d’une cabale contre un nigérien du fait qu’il soit arabe. Il s’agit d’une bataille judiciaire portant sur des dispositions expresses de la loi fondamentale, notamment l’article 47 selon lequel « sont éligibles à la présidence de la République les Nigériens des deux sexes, de nationalité d’origine, âgés de 35 au moins au jour du dépôt du dossier, jouissant de leurs droits civils et politiques ». Un critère que ne remplit pas Bazoum. Il n’y a pas que ça, le candidat du Pnds Tarayya devant surtout prouver qu’il ne porte pas une identité usurpée.
On voit mal comment Bazoum peut s’e sortir
Une semaine, donc, après la saisine de la Cour constitutionnelle, les Nigériens attendent anxieusement l’arrêt devant sanctionner l’affaire. La rue, elle, a déjà tranché. Au regard des documents d’état-civil dont il a fait usage par le passé, tout comme ceux qu’il dit être authentiques, on voit mal comment Bazoum peut s’e sortir. Il est pris dans une sorte de sourcière, sans aucune possibilité de sauver sa tête. Bazoum, on le dit un peu partout, n’est pas qu’un présumé coupable de faux et usage de faux, il est un homme qui a catalysé sur sa personne toutes les rancoeurs accumulées depuis 10 ans. Son sort actuel est certes lié à ses pièces d’état-civil douteuses. Mais il s’explique aussi en partie par la rancoeur accumulée contre un homme qui s’est voulu particulièrement dur et intolérant vis-à-vis des acteurs de la société civile et des opposants en particulier.
C’est le qui-vive et tout autre verdict que celui que l’opinion publique attend risque de mettre le feu aux poudres.
La crise semble totale. Sortira-ton de cet imbroglio politico-judiciaire ? Pour Bazoum et ses partisans, c’est un drame. Ils ont tant clamé que « force doit rester à la loi » qu’ils ne peuvent refuser l’application stricte de la Constitution sans s’exposer à la vindicte populaire. Les esprits sont surchauffés, les Nigériens faisant de cette affaire de Bazoum un sujet de préoccupation nationale. Personne n’est en reste : hommes politiques, acteurs de la société civile, journalistes, juges, avocats, etc. Tout le monde est braqué et attend de voir si le pouvoir va oser interférer dans cette affaire pour imposer Bazoum comme candidat. C’est le qui-vive. De l’autre côté, on ne dort pas. Et selon des sources crédibles, de fortes pressions sont exercées sur les juges de la Cour constitutionnelle en vue de leur tordre le bras. Ce serait trop flagrant et tout autre verdict que celui que l’opinon publique attend risque de mettre le feu aux poudres.
Yaou