À peine un mois sépare les Nigériens du second tour de l’élection présidentielle, prévu le 21 février 2021. Un mois d’angoisse morbide alimentée et entretenue par la France qui, contre toute sagesse, semble décidée à soutenir le candidat qui fait l’unanimité contre lui. Jugé arrogant et plein de mépris pour les Nigériens, Bazoum Mohamed est le candidat d’un parti politique, le Pnds Tarayya, dont la gouvernance a ruiné le Niger. Corruption endémique, détournements massifs des deniers publics, violations délibérées et répétées de la Constitution, instrumentalisation de la justice, insécurité grandissante…, les Nigériens n’ont eu, 10 ans durant, qu’à des larmes, du sang et des morts. Des morts, civiles et militaires, souvent accumulés par dizaines parce que des hommes, au sommet de l’Etat, détournent, à coups de milliards, les fonds destinés à l’armement des Forces armées nigériennes. Il n’y a pas que ça. Durant ces 10 années du Pnds à la tête de l’Etat, le trafic de drogue s’est développé, sous l’oeil bienveillant des autorités. Des tonnes de drogue transitent par le Niger, devenu une sorte de hub pour les narcotrafiquants dans leurs transactions en direction du Maghreb, des personnalités publiques sont citées dans ce trafic de drogue, mais aucune n’a jamais été inquiétée. Elles sont conseillers à la présidence de la République, au Cabinet du premier ministre, à l’Assemblée nationale, dans la Garde, la Gendarmerie et la Police. En juin 2018, c’est un entrepôt de plus de deux tonnes de drogue (résines de cannabis) qui a été démantelé à la périphérie de Niamey. Mais on n’en saura pas plus. Aucun responsable de ce trafic, à Niamey, n’a été arrêté. Pour couper court à toutes spéculations sur les responsables de ce trafic de drogue au niveau national, Bazoum Mohamed, le candidat que la France veut, à tout prix, imposer aux Nigériens par des subterfuges, alors ministre de l’Intérieur, va se précipiter pour organiser l’incinération de la drogue saisie. Une semaine, à peine, après le démantèlement de l’entrepôt.
La crainte des Nigériens, particulièrement par rapport au trafic de drogue, manifestement toléré et soutenu, est de voir les narcotrafiquants prendre les rênes du pays
Les Nigériens ont le sentiment, depuis cette rocambolesque affaire, que les parrains de la drogue au Sahel sont à Niamey. Et, réseaux sociaux, notamment, des écrits anonymes, pour une raison de sécurité sans doute, ne font mystère de leur conviction que les autorités politiques nigériennes ont une responsabilité dans le trafic de drogue. Quoi qu’il en soit, il est tout à fait remarquable que les personnalités proches du régime citées dans des affaires de drogue ne sont pas inquiétées alors que les autorités centrales reconnaissent et affirment clairement que c’est le trafic de drogue qui finance le terrorisme. Dans un pays aussi durement frappé par le terrorisme aveugle, il y a de quoi être interloqué par l’attitude du gouvernement nigérien. Les craintes des Nigériens, particulièrement par rapport au trafic de drogue, manifestement toléré et soutenu, est de voir les narcotrafiquants prendre les rênes du pays au bout d’un processus électoral pourri par une profusion d’argent dont on ne s’interroge plus, à Niamey, sur la provenance tout aussi pourrie.
La Cour constitutionnelle, elle-même, a admis être en possession de deux certificats de nationalité différents de Bazoum Mohamed
L’homme que la France semble s’employer à installer à la tête de l’Etat nigérien, désormais au grand jour et en usant de peu de diplomatie et de tact, est quelqu’un dont les Nigériens ont pourtant contesté jusqu’à la légalité et à la légitimité de la candidature. L’article 47 de la Constitution exige de tout candidat à la magistrature suprême d’être de nationalité nigérienne d’origine. Or, Bazoum Mohamed ne répond guère à ce critère fondamental. Pire, le faux et usage de faux en matière de pièces d’état-civil est probant chez Bazoum, la Cour constitutionnelle, elle-même, ayant admis être en possession de deux certificats de nationalité différents de l’intéressé. Celui qui se trouve dans son dossier de l’élection présidentielle en cours et un autre, de numéro différent mais délivré la même date, retrouvé dans son dossier au titre des élections législatives de 2016. Il sera malgré tout retenu par la Cour constitutionnelle. Mais cela n’a point émoussé l’ardeur des Nigériens, à commencer par la classe politique révoltée, à lui barrer la route.
Pour cette source politique, pourtant proche du pouvoir, il n’y a pas de doute que la France cherche à déstabiliser le Niger.
La volonté de la France à faire passer son poulain est sans limites. L’issue du premier tour de l’élection présidentielle n’offre pas de si grandes promesses. Malgré toute l’alchimie utilisée, les Nigériens ont montré leur détermination à mettre un terme à la gouvernance du Pnds. Tous les stratagèmes ont échoué. Alors, la France, grande manoeuvrière, étale au grand jour sa préférence pour les Nigériens. « Personne, confie un homme politique sous l’anonymat, ne conteste à la France, d’avoir une préférence parmi les candidats à la magistrature suprême au Niger, soit-elle pour le plus grand bonheur du narcotrafic, mais de là à vouloir imposer son poulain, il y a sans doute une limite que les Nigériens ne sauraient admettre ». Pour cette source politique, pourtant proche du pouvoir, il n’y a pas de doute que la France cherche à déstabiliser le Niger.
Alors que l’écrasante majorité des Nigériens, en ville comme en campagne, sont debout contre la gouvernance du Pnds et toute idée d’un non nigérien d’origine au pouvoir, la France oeuvre ouvertement pour cette éventualité. Elle ne s’en cache pas. Ce qui développe davantage, notamment au sein de la jeunesse, nombreuse et révoltée, le sentiment que c’est la même France qui est derrière tous les malheurs du Niger. À Paris depuis quelques jours, le président sortant, Issoufou Mahamadou, a été rejoint par Bazoum Mohamed, le poulain de la France. Pour les Nigériens, c’est la preuve, irréfutable, de l’immixtion de la France dans leurs élections et la volonté de ses autorités de foutre le bordel dans leur pays.
Laboukoye