Plus de dix jours après sa prestation de serment, le président de la République Mohamed Bazoum n’arrive toujours pas à administrer la preuve aux Nigériens qu’ils ont un nouveau Président à la tête de leur pays. L’homme semble agir sous l’ombre de son prédécesseur Issoufou Mahamadou, aussi bien dans ses discours que dans les actes qu’il pose. La semaine dernière, dans sa toute première participation à une conférence de haut niveau portant sur les questions des changements climatiques et de la Covid-19, Mohamed Bazoum a consacré une bonne partie de son discours à faire les éloges de Issoufou Mahamadou. C’est surtout à travers la composition du nouveau gouvernement que les Nigériens ont senti une véritable mainmise de l’ancien président de la République dans la gestion du pouvoir. Bien des personnalités réputées proches de l’ancien président de la République ont été nommées dans le premier gouvernement de Mohamed Bazoum et à des postes stratégiques. Il est vrai qu’Issoufou Mahamadou a pesé de tout son poids pour faire de Mohamed Bazoum son successeur. Aucun observateur ne peut contester cela, encore moins Mohamed Bazoum lui-même qui n’est pas prêt d’oublier tous les obstacles qu’il a affrontés avant de s’asseoir sur le fauteuil présidentiel. Mais pour autant, est-ce que le nouveau président peut continuer à laisser son prédécesseur influencer sa gestion du pouvoir, au risque de ne pas pouvoir mettre en oeuvre le programme dont il se dit porteur ? Bien d’analystes croient dur comme fer que tôt ou tard Mohamed Bazoum finira par s’émanciper de son ancien mentor. Le pouvoir ayant ses propres réalités, il se trouvera devant une situation où il ne pourra plus appliquer à la lettre les conseils ou consignes de son prédécesseur. C’est peut-être même des conseillers qui lui chuchoteront à l’oreille que c’est désormais lui le président de la République et qu’il n’a pas à consulter quelqu’un pour prendre ses décisions. Les exemples sont nombreux en Afrique où des présidents de la République que leurs prédécesseurs ont aidé à arriver au pouvoir, sans l’espoir de surveiller leur gestion, ont fini par acquérir leur indépendance avec le temps et sous la pression de certains de leurs conseillers. Il y a même des pays où les anciens présidents ont été surpris de constater que ceuxlà qu’ils ont aidés à accéder au pouvoir ont écarté leurs proches de la gestion du pouvoir et ont même engagé des poursuites judiciaires contre eux par rapport à des affaires de mauvaise gestion. Au Niger même on connaît l’histoire de cet ancien premier ministre, dont le prédécesseur disait être le tuteur politique et l’artisan de la nomination au poste de premier ministre, qui a fini par se retourner contre lui, y compris en lui arrachant la présidence de leur parti. Il est possible que pour le cas de Mohamed Bazoum et de son prédécesseur la lune de miel dure longtemps, le temps pour le nouveau président de mieux s’installer sur le fauteuil et de maîtriser la contestation dont fait l’objet son élection de la part de l’opposition. Mais il finira par réclamer la plénitude de l’exercice de son pouvoir un jour.

Boukari Tchiroma