Depuis l’élection controversée de Bazoum Mohamed à la magistrature suprême et à la suite de laquelle l’on a assisté dans la capitale à une guérilla urbaine qui avait donné à la ville des allures de ville fantôme, l’on ne vit que peu, sur le front de la lutte, l’opposition devenue tragiquement silencieuse. Face à l’option judiciaire choisie par le candidat Ousmane qui contestait pourtant la victoire annoncée pour revendiquer la sienne, l’opposition a vite montré les frictions qui la traversent, les incohérences qui la marquent et l’empêchent d’harmoniser ses positions sur l’attitude à avoir face à la situation. L’opposition alors incapable d’assumer son combat avait pourtant fait entendre à ses militants et aux Nigériens qui aspiraient à un changement, à une vraie alternance, non à une continuité, qu’elle n’acceptera jamais de se faire voler sa victoire, et faisant entendre qu’elle défendra, quel que soit le prix, les suffrages des Nigériens qui lui feront confiance pour voter l’alternance et le changement. Ainsi préparés, les militants, dès l’annonce des résultats que l’on sait, avaient investi les rues et l’ardeur des militants en colère était à la hauteur du discours guerrier d’une opposition qui avait fait croire qu’elle se battra pour sa victoire et qu’elle n’acceptera jamais de subir ce que le régime en place lui a fait endurer jusqu’ici, lui imposant ses choix, lui déniant toute existence dans la démocratie, tenant à exister seul et à s’imposer aux Nigériens et imposer dans la démocratie nigérienne la pensée unique.

Qui ne se rappelait pas alors que partout dans le pays et jusque dans les chancelleries, l’on avait pris peur au point où souvent dans certaines administrations, l’on avait dissuadé des travailleurs à venir au travail, les uns et les autres redoutant le pire dans une capitale où on voyait venir le scénario catastrophe et des signes de crispation confortaient les appréhensions qu’on avait. La violence des premières manifestations montrait que les Nigériens, comme d’autres peuples, pouvaient être capables de tant de violence et que celle-ci pouvait ne pas être l’apanage de quelques autres peuples. Comme quoi la brutalité animale, en chaque peuple survit : chaque fois qu’il est acculé, poussé dos au mur, elle pouvait éclater, violente et volcanique.

Les déphasages dans la conduite des uns et des autres au sein d’une opposition disparate à l’intérieur de laquelle les acteurs refusaient et rejetaient différemment la victoire de Bazoum Mohamed, ont fini par impacter la cohésion de l’opposition, faisant douter les uns des autres, de leur réel engagement dans la lutte, et par l’option choisie et annoncée avant même d’aller dans les élections. Alors que certains quittaient la barque d’une opposition incapable de s’assumer et d’assumer son combat pour garder leur indépendance d’esprit, d’autres tout en renonçant à l’opposition, d’au moins officiellement, choisissent ce n’est de faire la politique de la chaise vide pour briller par leur absence aux quelques déclarations sporadiques, au moins de se complaire dans des silences qui agacent et font douter de leur appartenance à une opposition sans âme. Aujourd’hui, autour du Président Ousmane, l’on ne voit que peu d’hommes, et notamment de ceux qui peuvent se targuer d’avoir fait de lui, le candidat que les Nigériens avaient décidé de porter à la magistrature suprême mais sans prendre toute la mesure de la détermination du président sortant à ne jamais accepter l’alternance voulue par les Nigériens, décidé à imposer son choix à tout un peuple, mais fort du soutien d’une France et de ses autorités qui annonçaient et célébraient cette démocratie tropicale comme la meilleure du monde.

Le combat de Mahamane Ousmane pour sa victoire devenu orphelin de ses soldats, finit par sombrer dans l’égarement de partis politiques en mal de leadership. Et depuis l’homme a été laissé seul, mais drôlement confiant à la Justice communautaire à laquelle il confiait son destin politique sans doute par naïveté puisque cette opposition émettait de grosses réserves quant à l’impartialité de la CEDEAO dans les processus électoraux et les contentieux politiques.

Dans l’enlisement de son combat dans une procédure dans laquelle on se joue de lui pour jouer au dilatoire en repoussant le procès plusieurs fois et même le délibéré que l’on remet à chaque fois à plus tard, peut-être jusqu’à ce que l’on arrive à la «consommation» totale d’un mandat que d’aucuns jugent illégitime et problématique car acquis par le viol de la volonté populaire. La voix de l’acteur principal, celle de Mahamane Ousmane en l’occurrence, dans cette confusion, est devenue inaudible et l’on peut voir que des Nigériens, au grand bonheur de Bazoum Mohamed et de son clan, ne font que très peu attention. Et depuis, des pans importants de cette opposition sont presque déroutés, vivant souvent le remord de leur investissement dans une projet politique qui est sans lendemain lorsque les leaders peuvent être incapables de faire face à leur destin.

Si dans le parti de Hama Amadou l’on ne peut plus entendre que son secrétaire général, alors que la flamme du parti au niveau de la ville de Niamey s’éteint notamment par l’attitude trop ambivalente et drôlement complice et compromettante du président de ville pour ne plus être en phase avec la ligne de l’opposition dont il est issu à la suite des dernières élections, l’on peut au moins entendre, ici et là, quelques voix qui viennent donner des échos de cette opposition et de ce qu’elle survit encore malgré les malentendus qui la traversent.

On ne sait plus de quels côtés se trouvent Amadou Boubacar Cissé, Ibrahim Yacoubou et d’autres grandes voix étouffées de l’Opposition, terrées dans les tranchées du silence ou pour des calculs inavouables, ou pour marquer leur refus de la posture du candidat qu’ils avaient soutenu et qui pourrait avoir trahi un combat, la foi militante d’une opposition décidée à défendre sa victoire. Terrés dans leur tanière stratégique, personne ne peut entendre bien de ces voix autour de ce que devient la démocratie du Niger. Heureusement que quelques autres acteurs politiques restés fidèles sans doute plus à une conviction qu’à un homme – un candidat – et à son combat bafoué, peuvent tenir un discours qui dérange, disant haut ce que beaucoup de Nigériens, dans l’inconfort des malaises, peuvent briser le silence et dire des vérités qui fâchent ? Ousmane Idi Ango, Tahirou Guimba, et Dr. Hamidou Mamadou Abdou, Président du parti Rana, ont souvent critiqué avec véhémence le régime et dit qu’ils ne reconnaissaient pas le nouveau pouvoir, une parole qui, il va sans dire, ne pouvait que gêner un régime qui a désormais conscience de la fragilité de son pouvoir pour s’effrayer des retentissements que pouvaient avoir un tel discours dans un monde où, de plus en plus, l’on commence à prendre conscience du malaise nigérien, hérité de la gestion d’Issoufou dont on peut lire aujourd’hui toutes les tares, et comprendre toutes les accusations portées contre elle par une opposition qu’on n’avait pas voulu écouter. Des partenaires responsables avaient fini par comprendre que c’est par leurs hypocrisies à défendre le faux, la mal gouvernance et des hold-up électoraux que l’on a poussé bien d’hommes et de régimes à l’abîme, se rendant, du coup, responsables des instabilités et souvent de certaines remises en cause des processus électoraux surtout quand les peuples ont l’impression que ce sont des forces étrangères qui leur imposent des dirigeants et des politiques, ce dans le mépris de leur souveraineté.

Mais l’une de ces grandes voix que l’on peut entendre reste celle du Parti Amen Amine d’Omar Hamidou dit Ladan Tchana qui, contrairement à beaucoup d’autres acteurs politiques, est venu en politique plus pour des valeurs, que pour un confort quelconque, toute chose qui le met à l’abri du besoin pour savoir défendre ses options sans reniement. Depuis quelques temps, tant sur les médias que sur les réseaux sociaux, sa parole agaçante s’impose au point de déranger des socialistes qui, ne pouvant rien trouvé à le faire chanter par sa gestion, ne peuvent que rester à souffrir de l’entendre jouer à l’adversaires incorruptible, intraitables, trop bavard à dire ce qui dérange. Combien de fois, peut-il avoir fait entendre qu’ils (toute l’opposition) contestent le pouvoir de Bazoum Mohamed et surtout qu’ils ne sauraient compter sur un tel homme à mieux gouverner le pays, à rassurer, disant surtout toute la fausseté qui entoure la victoire «habillée» que lui donnait son prédécesseur pour s’assurer des jours tranquilles qui le mettraient à l’abri de possibles soucis judiciaires dans un pays où son, système avait fait trop de mal et a mal géré.

La parole de Ladan Tchana, ses critiques acerbes font trop mal et visiblement, autour du système il y en a qui en souffrent.

La campagne de dénigrement…

Ne pouvant avoir le courage d’aller frontalement attaquer l’homme, les hommes de main du régime, se servent des réseaux sociaux pour vilipender l’homme, et lâchement, l’on peut voir circuler, la sortant de son contexte, une vidéo de Nouhou Mahamadou Arzika dans laquelle, dans son ire, l’acteur de la société civile, pour des motivations qui lui sont personnelles, pouvait s’attaquer à l’homme, à sa famille. Le combat politique, ne peut-il plus être humanisé, plus sain, plus responsable, plus éthique afin d’anoblir la politique ?

On sait ce que vaut l’homme politiquement : son verbe costaud et caustique, son courage politique, sa bravoure dans les luttes lorsqu’ils décident de les assumer, sont sans doute autant d’aspects qui vont craindre l’homme que les socialistes préfèrent avoir plus avec eux que contre eux.

Il n’est d’ailleurs pas seul à déranger. Ousmane Idi Ango par ses prises de position par rapport au régime actuel, surtout parce qu’il viendrait d’une région et parce qu’il avait appartenu au système a aussi trop fait mal par ses post outrageants. Comment pouvait-on ne pas sourire, après des postes sur sa page Face book, de voir des accusations présumées de mauvaise gestion comme pour lui clouer le bec et l’obliger à se mettre dans les rangs et à se tenir coi. C’est triste !

On voit bien que se démarquant d’une certaine façon de gouverner la nation, de nouveaux acteurs jeunes, en tout cas relativement, essaient d’incarner un idéal politique et surtout de porter les attentes d’un peuple que son élite semble trahir. Ladan Tchana a compris ses erreurs de jeunesse en politique et depuis des années, il a fait son mea-culpa, il a même eu le courage politique de présenter des excuses à ses anciens camarades de lutte, toute chose que ne peuvent faire que les grandes âmes.

Forcément, une transition générationnelle s’annonce et s’amorce doucement, et un certain âge devrait mis au placard. D’autres ont compris ce besoin de l’histoire pour refuser la compromission et travailler à se tracer leur propre chemin : marcher pour leur gloire et leur ascension.

Ladan Tchana a compris l’urgence historique. Il ne s’agit plus de se battre pour un autre, mais pour soi et pour la démocratie.

Gobandy