En fin de compte, après avoir réfuté toute responsabilité de son armée, la France vient de poser un acte qui vaut aveu de crimes commis sur les populations civiles de Téra. Survenue en novembre 2021, la tuerie de Téra, qui a coûté la vie à trois jeunes et causé des blessures chez plusieurs autres, a connu un épilogue surprenant, il y a quelques jours. Par communiqué du gouvernement nigérien, il semble qu’un arrangement a été trouvé avec les familles des victimes et que des montants d’argent leur ont été virés sur des comptes bancaires indiqués par leurs soins.
C’était, dit-on, grâce à l’intermédiation des chefs coutumiers. Pour Omar Hamidou Tchiana, « le gouvernement nigérien confirme que les soldats français peuvent, pour quelques euros, tuer impunément des Nigériens. Cet acte est l’insulte ultime à la mémoire des victimes et à la dignité du Niger ».
La France a-t-elle pour autant admis et avoué ses crimes ? Le communiqué rendu public par le gouvernement nigérien ne rend pas compte d’une enquête judiciaire. Il fait cas d’enquêtes séparées de la Gendarmerie nationale nigérienne et de l’armée française, celle-là même qui est mise en cause. Peut-on être juge et partie ? Le gouvernement nigérien s’en est fort accommodé et son communiqué ne dit pas d’ailleurs autre chose que ce que la France et son armée ont soutenu dès le départ : « les faits se sont déroulés dans des conditions règlementaires » et l’enquête menée par la Gendarmerie nationale nigérienne, quant à elle, « a mis en évidence de graves défaillances du dispositif de maintien de l’ordre prévu pour gérer cette situation ». Tout est fait pour blanchir la France, en dehors de toute procédure judiciaire. Et puisque, selon le gouvernement nigérien, les deux enquêtes n’ont pas permis de cerner le déroulement exact des évènements qui ont provoqué la mort et les blessures des manifestants, le Niger et la France ont décidé d’assurer ensemble le dédommagement des familles des victimes ainsi que des blessés. Autrement dit, on ne sait toujours pas, selon les autorités nigériennes, qui, de l’armée française et de la Gendarmerie nationale nigérienne, a tué et blessé par balles. Pourtant, les douilles ramassées sur place sont bel et bien celles de l’armée française.
Le communiqué du gouvernement a eu une onde de choc au sein de l’opinion nationale nigérienne où l’on pense que, une fois encore, la France a montré qu’elle est en territoire conquis et que les vies humaines nigériennes ne valent pas grand-chose. Pire, elle s’est payé le luxe de ne pas endosser les crimes de Téra, partageant la responsabilité, accidentelle suivant la logique du communiqué gouvernemental, des morts et des blessés enregistrés. Les montants versés aux familles des victimes, non rendues publiques, viendraient-ils de l’État du Niger, comme le soupçonnent certains ? Ce n’est pas exclu. On voit mal en tout cas la France verser des dédommagements alors qu’elle ne reconnaît aucune faute, aucun crime. « C’est une prime versée à la France pour des crimes supplémentaires », a dit un ressortissant de Tillabéry.
Laboukoye