Les dieux de Bazoum Mohamed, ceux qui, apprenait-on d’Albadé Abouba pendant la dernière campagne électorale, leur avaient promis la victoire contre vents et marées, ont entendu ses prières pour lui épargner une opposition farouche à son pouvoir ainsi que le laissaient augurer la levée de boucliers contre sa candidature et les paroles très extrémistes qu’on avait entendues au travers des tumultes de la dernière campagne, ici et là, chez différents hommes politiques, y compris, Seyni Oumaraou et Ibrahim Yacoubou, aujourd’hui ralliés au pouvoir pour trouver à manger gras. Depuis plus d’un an qu’il gouverne le pays, sans qu’on ne voit des réponses aux urgences du pays, aux défis de la nation, sans que la question de la lutte contre la corruption et les détournements ne soit abordée avec courage, alors que les fractures sociales sont laissées béantes, détruisant la cohésion nationale, l’on ne peut entendre, au coeur du chaos, aucune voix qui râle pour déchirer les ténèbres afin de dire le mal qui guette un pays à l’avenir incertain et ce malgré les optimismes de la Banque Mondiale fondés sur une croissance aléatoire promise au pays sans que rien, objectivement, ne puisse le justifier. Les relations politiques sont tendues, les colères couvent, et rien ne vient du pouvoir pour apaiser et rendre possibles les conditions d’émergence du pays et surtout à un moment où le terrorisme avance à grands pas et que la faim risque de sévir aussi bien dans les villes que dans les campagnes. Comment peut-on logiquement prédire des progrès économiques dans un tel contexte on ne peut plus difficile et contraignant ?

Mais alors pourquoi tant de silences troublants ?

Pour comprendre la situation, il faut observer le style de gouvernance de celui qui est au pouvoir – Bazoum Mohamed en l’occurrence – qui, peut-être, dans la conscience de la fragilité de son pouvoir, a compris qu’il lui faut lever le pied sur l’accélérateur de la persécution, pour ne pas trop frustrer et ce afin de mettre en sourdine les colères. Il l’a d’autant compris que depuis qu’il est arrivé au pouvoir, non sans agacer un pan important de son camp politique, il ne gêne presque personne. Quand même il ne peut ouvertement faire un appel à une union sacrée pour faire face aux défis, il reste que son style ne dérange pas trop, tous les autres acteurs pouvant rester à la place que leur confère la jeu démocratique, allant jusqu’à reconnaitre un chef de file de l’Opposition, devenue depuis des mois, non sans gêner aussi dans certains milieux de l’Opposition à laquelle, le combat judiciaire assumé de Mahamane Ousmane donne désormais une existence légale. Cette attitude de la part de Bazoum Mohamed a même donné à croire que l’on assiste plus à un changement qu’à une continuité redoutée et revendiquée par certains milieux du PNDS. Mais les Nigériens comment à piaffer d’impatience, doutant de la sincérité de cette démarche et souvent d’une parole présidentielle, neuve, qu’on a entendue les premiers mois de l’accession au pouvoir du Philosophe.

On se rappelle que pour décrisper la situation pour envoyer à l’opinion de nouveaux signaux dans la perspective espérée du raffermissement des relations tendues avec la société civile avec laquelle, Bazoum, en personne, avait eu en d’autres temps, des relations difficiles, des échanges inamicaux, le nouveau président tient des rencontres avec certains groupes organisés pour avoir un dialogue direct avec eux sur des question d’intérêt national. La rencontre où on pouvait voir presque tous les acteurs de la société civile, avait donné à espérer de nouveaux jours pour la démocratie nigérienne. Mais, jamais il n’eut le courage d’oser le pas qui le conduit vers ses adversaires politiques, s’en défendant à l’époque, peut-on s’en souvenir, de ce que ces derniers lui auraient allégé la tâche quand ils peuvent continuer à dire qu’ils ne le reconnaissent pas comme président élu, maintenant par une telle position la tension politique avec une opposition dans laquelle la voix de son Challenger – Mahamane Ousmane – ne porte plus, peu écoutée, peu entendue depuis que certains ont eu l’impression qu’il a trahi leur combat, le regardant comme complice du « pouvoir arraché », usurpé. Mais c’est son choix pour l’Histoire.

Diversion….

Mais le comportement du nouveau magistrat tenu aussi de plaire aux extrémistes de son camp qui le tiennent encore par les chantages que l’on sait, n’estil pas une manière de divertir les Nigériens, et de leur faire espérer l’impossible. Et des Nigériens seraient comme dans la pièce de Samuel Beckett, En attendant Godot, escomptant des annonces fortes pour détendre la situation, mais qui ne viennent jamais. En effet, plus d’un an après, l’on ne voit aucun signe, Bazoum se contentant d’affronter les gros défis du pays sans trouver la bonne réponse, notamment pour l’école et pour l’insécurité, mais vivant du bonheur d’avoir une opposition inoffensive, trop gentille, quelque peu coopérative qui a oublié ses combats pour se terrer dans des silences suspects et dans une inaction déroutante. C’est à croire qu’en réussissant à lui inoculer le virus de la déception, le régime des socialistes arrivait à défaire l’Opposition, et singulièrement le parti qui la porte aujourd’hui, le Moden Fa Lumana, dont on ne peut plus entendre aucune voix. Tout le monde semble se ranger, Hama étant peut-être déçu de ses lieutenants pour ne plus leur donner de directives et laisser naviguer à vue, mais peaufinant de nouvelles stratégies car l’homme ne baisse jamais les bras.

Décryptage….

Cette léthargie programmée, du moins stratégiquement pensée et mise en oeuvre, s’explique certainement par une politique de destruction de tous les partis politiques – y compris ceux qui sont avec le pouvoir – en asséchant leurs sources de financement, ou par l’exclusion de leurs cadres ou par celle de leurs bailleurs traditionnels systématiquement exclus des marchés publics. Et depuis qu’émerge dans l’économie une nouvelle bourgeoisie voleuse qui a bâti sa fortune sur l’arnaque et l’économie criminelle, la concussion et le brigandage, l’on ne peut plus entendre parler de certains autres commerçants connus du pays, tous ayant été à dessein asséchés au point de pousser certains à l’exil. Ainsi que l’a démontré le Rapport de la Cour des comptes, la santé financière de tous les partis politiques s’en est ressentie et est en berne ; aucun, à l’exception du parti présidentiel, ne pouvant mobiliser des fonds conséquents pour aller dans les élections. Seul le PNDS – et on sait comment – a mobilisé des milliards pour sa campagne électorale, et les observateurs les plus avisés peuvent même dire que les fonds mobilisés, en réalité, pourraient être sous-estimés pour ne pas trop heurter l’opinion. La ruée de certains hommes politiques et certains partis politiques, quand même dans le fond, ils peuvent ne pas partager la gestion en cours, ne s’explique que par cette sécheresse artificielle insupportable imposée aux individus et aux structures et qui a fini par avoir raison de leurs convictions et leurs engagements.

Le PNDS a compris la stratégie dans le cas nigérien où – et c’est vrai ailleurs sans doute – qui n’a rien, n’a rien électoralement sur l’échiquier et en abusant de ce théorème politique machiavélique, il a cru pouvoir trouver le moyen d’occuper tous les espaces, espérant pouvoir tenir seul, au milieu des misères qu’il créait pour s’en servir à fonder sa suprématie et son leadership. Mais il a sans doute été surpris de constater que, pour autant, cette malice ne lui permettait pas d’avoir tous les Nigériens sous ses pieds, nombreux étant ceux qui, même sans le sou, pouvaient rester dignes pour ne jamais accepter de se « prostituer » politiquement, et garder, haute, la tête dans un système que mettait en place le socialisme, et où, l’argent réglait tout, du moins selon leur entendement. C’est pourquoi, malgré leur inconfort financier et la détente trompeuse et insincère actuelle, personne ne se précipite à migrer vers la Renaissance, tous, tenant toujours à leurs choix et à leurs combats, à leur dignité et à leur fierté. Et ceux qui, à pas hésitants, semblent faire des yeux doux au nouveau système ne sont qu’anxieux à dévoiler au grand jour leur jeu car ils savent qu’ils sont attendus des pieds fermes par les militants depuis qu’ils ont commencé à les soupçonner d’ambigüité dans leur comportement, mais surtout quand ceux qui sont déjà partis, ne voient toujours pas le bonheur et le confort espérés, laissés sur les carreaux !

L’opposition, en tant que base mobilisable, en tant que foule engagée, existent bien mais elle manque de voix qui la porte, de leadership qui la canalise et la conduit dans de nouvelles épopées. Ces hommes et ces femmes, sont nombreuses et sur les réseaux sociaux, on peut voir que l’ardeur ne s’est pas pour autant éteinte, et qu’elle reste vive, n’attendant qu’un déclic pour la rallumer. On sait que, c’est pour des raisons plus politiques qu’humanistes que le régime peut laisser Hama Amadou en exil alors qu’il est censé être en prison. Si tant est que la volonté est de détendre le climat politique, ainsi que le demandait Feu Sanoussi Jackou, la décision politique, la meilleure, serait de libérer les prisonniers politiques hérités de la gestion d’Issoufou. Mais on ne le fait pas. On continue à garder des hommes en prison. On aura compris que garder Hama Amadou à distance de son pays et de la foule de ses militantes et militants est une précaution pour s’éviter des révoltes qui peuvent à tout moment rejaillir dans un pays que des malaises profonds ont cancérisé de colères et de vengeance.

Et depuis, quand en l’absence de cet homme, et des silences d’un ABC, d’un Ibrahim Yacoubou désormais autour de la gamelle, d’un Kadaouré, d’un Mahamane Ousmane exilé dans ses calculs et ses intrigues, l’Opposition est devenue orpheline. Le Moden Fa Lumana ne s’expose plus quand d’autres, pour la même cause peuvent jouer à la couardise et à l’ambigüité, regardant comme un autre le pays et sa démocratie s’effondrer, presque lâchement.

Une seule voix maintient le flambeau de la lutte politique historique que le destin impose aujourd’hui…

Depuis des mois, le seul adversaire qu’on peut entendre au régime et à Bazoum Mohamed, est Omar Hamidou dit Ladan Tchana, et dans une moindre mesure, Salou Djibo à travers son Secrétaire Général, Hamma Hamadou. Aujourd’hui, Ladan Tchana est le seul opposant qui a une voix et qui ose des paroles qui fâchent. Il est devenu d’autant plus gênant qu’une certaine presse s’en prend à ses prises de positions assumées, à son combat politique qui pourrait avoir les mêmes extrémismes, sinon moins, que ceux qu’Issoufou et ses compagnons politiques avaient menés pendant des décennies dans le pays. Lorsque d’autres liassent tant d’espaces vides, il peut, lui, profiter, des ces errances, pour s’imposer comme leader pour une opposition qui en manque tragiquement aujourd’hui.

On connait la sympathie, l’amitié et la fraternité qu’il partage avec Hama Amadou, malgré des brouilles d’un moment aujourd’hui réglées, quand avec le recul, on peut comprendre pourquoi certains, à l’intérieur du parti y avaient travaillé à l’en éloigner, lui qui, aujourd’hui, peut mériter d’être porté, et on le voit depuis des jours à travers ses discours acerbes et ses actions, par une foule de militants engagés qui refusent de baiser les bras, disons par une part importante de l’opposition dont bon nombre d’éléments, hélas, se sont compromis par leurs silences déroutants.

Il est temps pour cette opposition, pour sa survie et pour celle de la nation, de se réveiller, et d’assumer son combat de l’Histoire. Il y a des moments où, les peuples ne peuvent plus se dérober à leurs combats…

Et se taire devient une trahison. Amen Amine l’a compris.

A I