Les luttes au Niger sont au point mort depuis quelques années d’inertie et de manque d’initiatives de la part des acteurs – politiques et sociaux – qui depuis des années, sont incapables d’imagination pour développer des formes de lutte qui peuvent leur permettre de se faire entendre, de faire entendre leurs colères. Et l’on a l’impression que dans la champ politique comme dans la champ social, tous les acteurs ont abdiqué, baissant les bras pour ne plus être capables de porter leur lutte légitime, convaincus tristement qu’ils ne peuvent pas faire en sorte que le rapport de force soit en leur faveur, laissant un hasard venir à leur secours pour que leurs souffrances soient entendues et que Dieu Tout-Haut, entende leur malheur pour les en libérer. Cela fait combien de temps que les parties politiques n’osent plus aucune manifestation, incapables de s’entendre sur leur lutte, incapable de construire l’unicité de leur action qui vise le même objet : défendre la démocratie et conquérir stratégiquement et héroïquement le pouvoir. On aurait cru qu’il n’y a plus d’opposition au Niger et que tous, s’ils ne sont pas en train de guetter les ors du pouvoir pour répondre à une main tendue invisible qui sert de prétexte à leur retournement de veste spectaculaire, ils adoptent un certain profil bas, ne pouvant plus avoir une voix qui les fasse se faire entendre et qui fasse comprendre qu’ils existent et qu’il faille compter avec eux. Faut-il croire que le concassage méthodique qui les a divisés, a eu raison de leur cohésion et de leurs conviction autant que de leur compétitivité pour perdre tant leur âme à ne plus savoir exister, à ne plus savoir rêver pour la démocratie et pour leur pays ? Combien sont-ils ces voix guerrières qu’on ne peut plus entendre ? Où est ce Nassirou Halidou ? Où est Soumana Sanda ? Où est Léger ? Où est Amadou Boubacar Cissé ? Où est Salou Djibo ? Où est Mme. Bayar Gamatché ? Où est Max ? Où est Tondi Gawey ? Où est…. ? Peuvent-ils ne plus croire à la politique, à leur lutte, aux idéaux qui les engagent ? La liste est tristement longue. L’Opposition semble s’essouffler, et depuis presque laminée, et invisible, elle semble n’exister que de nom. On ne sait plus où sont les hommes, où les braves guerriers d’une époque. C’est à croire que ceux qui sont en prison, ce n’est plus leur problème pour ne plus pouvoir s’en occuper : chacun se cherche et on comprend que les luttes politiques ne marchent plus car qui peut aller se sacrifier pour des structures politiques qui vous lâchent au premier déboire, et qui ne peuvent plus se soucier de leur sort quand, dans la lutte, ils tombent dans les mailles des filets de la répression pour se retrouver, « isolés » en prison ? Peut-être que de ce point de vue, Ali Téra pouvait avoir raison d’avoir des remords de s’être trop exposés, souvent hélas, pas toujours par la manière quand son combat peut se rabaisser dans l’injure ordurière, pas très élégante. L’Opposition est morte. Elle est enterrée même si, Omar Hamidou dit Ladan Tchana, lui, sortant toujours des griffes, veut y croire, tenant un discours encore costaud par lequel il continue toujours de harceler le régime, ne lui donnant aucun répit, pour dénoncer ses tares, crier sa mal gouvernance.

Peut-on dès lors, par un nouvel leadership, réveiller le combat politique dans le pays ? C’est sans doute possible, mais difficile. Lorsque des hommes qui peuvent mobiliser et dont la parole noble est étouffée n’est plus audible dans le peuple, par les précautions du régime, ou par l’exil ou par la prison, car éloignés du champ de la lutte, il va sans dire qu’il va être difficile de remobiliser les troupes, déjà trop déçues de certains comportements qu’elles ont dénoncés et qui ne leur permettent plus de croire à des hommes et à leur engagement politique. Ce qui arrive à notre peuple est très grave et triste à la fois. L’histoire ne se fait pas par des silences, par des abdications.

La situation du pays, du point de vue des luttes censées conduire à des mutations profondes, est assez préoccupante. Rien ne peut changer dans une société sans lutte et sans sacrifice. Les peuples qui ont peur de périr, de prendre des risques, ne peuvent jamais avancer et triompher. Le risque est une donne du progrès et tous les peuples, toutes les sociétés qui sont allés à une certaine évolution, ne l’ont réussie qu’au prix des risques qu’ils ont eus l’audace d’affronter. La France a connu la révolution française, et un tel événement a tracé sa voie, orienté son destin de peuple responsable. La délivrance ne vient jamais qu’après les douleurs, qu’après les souffrances. Refuser de souffrir et de se battre, c’est refuser le combat de la vie auquel, autant dans la conception biblique, qu’islamique de notre sort et de notre condition humaine, la nature nous soumet et pour laquelle, dès au départ, Dieu avertissait Adam qui pouvait manger avec Eve le fruit défendu, comme en guise de purgatoire pour l’n punir, qu’il mangera à la sueur de son front. La vie, est un combat, personne ne saurait s’y dérober et l’on ne peut jamais croire, dans cette conception philosophique de notre condition de mortels, qu’une vie ne se gagne pas facilement, pour penser alors que l’on peut se dispenser d’efforts à se battre, pour réduire le combat de la vie à la prière d’un Dieu qui entend, même dans l’inaction et le fatalisme, pour essuyer à des peuples éprouvés des larmes. Quel peuple ne sait pas prier, jeûner pour se servir d’un tel moyen dérisoire, à régler ses problèmes de vie ?


Dieu aide les hommes et les peuples qui sont debout et qui ont fait de leur vie un combat. Les peuples qui se battent, consentent des sacrifices, allant jusqu’au sacrifice ultime quand une situation l’exige. Les luttes des hommes ne profitent pas qu’à ceux qui les mènent, d’ailleurs rarement à ceux-là qui ne vivent que de la gloire due à leur sacrifice, à leur don de soi. Un homme, et un peuple qui ont de la vision, se battent plus pour un avenir, pour que des générations, soient épargnées de certaines épreuves. Combien d’hommes, en France, étaient morts pour relever le Smig de 6000 à 9000f ? Combien de vieux retraités vont aujourd’hui dans des manifestations en France pour protéger la retraite alors qu’ils savent que leur combat ne leur profite pas, mais servira à protéger la retraite des générations futures ? Ils ne le font pas pour eux-mêmes. Ils le font pour les générations futures. Peut-on donc aujourd’hui, chez nous, laisser des hommes qui n’ont aucune vision et aucun souci pour l’avenir des générations montantes, dilapider les ressources du pays pour leur seul confort, pour ne leur laisser que terres minées et irradiées, sur lesquelles il ne sera plus possible de vivre et de cultiver quand sous la terre, des aînés, ont tout pris pour ne leur laisser rien, sinon que des déchets?

M62, une piètre communication qui a émoussé les ardeurs…
Alors que les Nigériens croyaient qu’après l’abdication des partis politiques, et de certains acteurs sociaux, le M62 récemment mis en place, pouvait reprendre le flambeau de la lutte citoyenne, les Nigériens durent se rendre compte, dès sa première déclaration de manifestation, que ce mouvement pourrait être un de trop et qu’ils ne sauraient compter sur lui pour renouveler la lutte. Pendant combien d’années, systématiquement, dans le pays, toutes les manifestations sont interdites et le sachant, le M62 ne peut rien prévoir pour mettre en place de nouvelles stratégies de lutte plus efficientes afin de se faire entendre que la capitulation, la prière et le jeûne surérogatoire, signes de résignation ? C’est à croire qu’on ne peut plus se réfugier qu’auprès de Dieu pour confier notre sort à lui, afin que, dans la pitié de nos larmes et de nos souffrances, il entende et nous « refroidisse » le coeur ainsi que peut le dire Birahima, l’enfant soldat d’Allah n’est pas obligé d’Ahmadou Kourouma. La vie n’est pas aussi facile pour croire à des solutions aussi minables que celles-là. On, peut se battre et demander par des prières que Dieu aide dans le combat, mais jamais, rester attentiste, pour croire, que Dieu puisse avoir de pitié pour des hommes, et pour des peuples qui sont incapables de s’assumer et de se battre pour la vie, pour leur sort, confiant leur destin à des prières dont on pourrait même poser le problème de qualité pour espérer qu’elles soient entendues, acceptées et exaucées. Peuvent-ils ne pas savoir que ceux contre lesquels ils se battent prient aussi pour le même Dieu ?
Un peuple se bat, sans regarder des visages ou des couleurs ; des hommes et des attachements personnels : il ne peut voir qu’une cause, qu’un peuple.
ISAK